Puis Rosselini parle des Italiens. C'est certainement le plus beau passage. Le plus drôle aussi. Puis il parle de lui, lui en tant qu'homme de courage. C'est certainement le passage le plus déplaisant, et le plus agaçant, du genre : « Moi, j'ai du courage, et je le prouve. » Ça frise souvent le mauvais goût. Il n'empêche que j'aime ce que je connais de lui, même si je désapprouve sa position, sa démarche qui va dans le sens du réalisme, du cinéma reflet de la vie, donc du vrai, avec le souci d'une rupture complète avec la trame dramatique et une volonté d'épurement maximal (mais volonté inébranlable aussi de casser toutes les règles, les conventions du genre, et ça ne peut être que louable – on le lui a d'ailleurs fait payer cher toute sa vie). À ce point que ses films tiennent plus du documentaire que du film tel qu'on l'entend (détail que je copie car j'avoue que si ses films m'étaient bien apparus comme hors-normes, en tout cas uniques et personnels, jamais je n'ai pensé à leur caractère de documentaire, même dans un sens large, même si je comprends bien ce qu'on entend par là, c'est-à-dire le dépouillement et la caméra qui relève, observe, et rapporte sans juger et vouloir démontrer). Quoi qu'il en soit, c'est extrêmement bien, même si ce n'est pas vraiment mon type de cinéma (mais quel est mon type de cinéma ?). Et puis, il a été marié à Ingrid Bergman que j'ai toujours trouvée extrêmement belle. Une beauté qui est loin d'être mon type (mais quel est mon type de beauté ?) et qui ne m'émeut pas vraiment, mais que je trouve décisive (c'est le premier mot qui me soit venu à l'esprit, sans que je sache vraiment ce que j'entends par là...). Un dernier détail : il a rendu visite à Claudel dans son château de Braugues...

 

11 janvier 1990 (dans une lettre à Marcel)