Rosselini a aimé Godard (cinématographiquement parlant), Godard le lui a rendu (de même), lui comme Truffaut et d'autres de la Nouvelle Vague qui ont vu en Rosselini une sorte de maître. Tu sais que j'aime Godard (et peut-être moins ses films que lui qui me fascine – quoique cette phrase soit idiote puisque les deux font un). Tu sais à quel point il est mal reçu, mal perçu, à quel point il fait figure de clown voire de fumiste, et je comprends bien que ses « films » puissent être considérés comme hermétiques – quoique lui ne le soit jamais, et c'est justement ce qui me fascine chez lui : sa capacité et faculté à voir et à comprendre et savoir le dire juste : ce que d'aucuns appellent justement le « sens de la formule », bien que chez lui ça soit au-delà et autre chose, et pour l'imiter, je dirais : la formule du sens, et ce n'est pas loin d'être juste. Bref cet art délicat et rare de mettre en rapport des choses qui n'en ont aucun entre elles et en faire sortir l'évidence (il me semble bien que Proust ait dit quelque chose comme ça). Y a t-il un mot pour ça ? Clairvoyance, intelligence ne suffisent pas… Et à chaque fois que son nom a été mentionné dans mon entourage, il y a eu des ricanements, des gloussements, d'autant plus appuyés que l'on savait mon opinion à son sujet. Et à ces moments-là, invariablement je me suis dit : « Mais que pourrais-je donc dire si l'on me demandait pourquoi j'aime Godard ? » On ne me l'a jamais demandé. Et à l'instant, je me demande pourquoi je m'obstine à chercher à dire ce que je sais ne pas pouvoir et ne pas savoir dire...