Un narrateur « je » (lui ?), une manière de journal comme un roman ou l’inverse, le tout comblé de logorrhées, de réflexions, de discours, de sentences qui au bout d’un temps font éclater la vérité de cette forme journal romancé, roman journalistique : elle n’est qu’un prétexte. Jusqu’où ? Une poignée d’amis donc, puisqu’il s’agit d’amis, qui semblent vivre dans un monde parfaitement clos, ne cessent de se rendre visite, de s’inviter et à maintes reprises me revient l’image de Sacha et de ses amis, c'est-à-dire un cercle définitif formé de quelques personnes et d’aucune autre et qui ne cesse de se voir, de s’inviter, de se rendre visite. Quelque chose de vaguement inquiétant s'en dégage ; on dirait une confrérie, une tribu, une secte. Quignard en deux pages de préambule fait l’apologie de l’amitié, assez adroite et habile je l’avoue et presque convaincante. Ironie ? Malice ? Je ne vois dans ce groupe de personnages pontifiants et savants (mais pas tant que ça car il s’agit d’un savoir purement livresque et non vivant, c'est-à-dire appliqué à la vie) que froideur, indifférence, vague jalousie, rancœur, amertume, dépit. Tous s’étonnent de la pseudo dépression de A. Ne provient-elle pas justement d’eux-mêmes, de son entourage asphyxiant et exsangue ? Mais le tout est brillant, comme Quignard sait l’être, et c’est ce qu’il y a d’agaçant chez lui : une brillance qui vire au clinquant. C’est brillant, et donc attachant, et sans doute est-ce la raison pour laquelle je suis parvenu à la moitié de ce texte que, pourtant, je me surprends souvent à survoler davantage qu’à lire. Je flotte au-dessus. Parfois, un mot, une réflexion me tire à lui, à elle, et je concède alors quelque intérêt à la lecture. Puis le mot s’en étant allé, je m’élève de nouveau et pense souvent à autre chose...