Je poursuis le balisage de La Rue, en profite pour relire, corriger les inévitables fautes et coquilles. En relisant, je suis impressionné, épaté ; voire estomaqué. Je n'en reviens pas que j'aie pu écrire cela, jour après jour. Je relis – comme c'est toujours le cas lorsque des années séparent la rédaction de la relecture – comme si le texte ne m'appartenait pas et je suis littéralement époustouflé. Il y a des facilités, des trucs, et parfois cela confine à l'exercice de style, mais dans l'ensemble je n'en reviens pas d'avoir été capable de ça et, en me disant que je n'en serais plus capable, j'ai eu l'envie de me redonner une nouvelle contrainte, de me lancer à nouveau dans ce type d'expérience, ne serait-ce que pour vérifier, pour tester mes capacités. (De plus en plus, je pense que l'inspiration n'a pas le moindre sens...) Comme un fait exprès, j'ai repris la lecture de Sodome et Gomorrhe un peu délaissé à mon chevet. Plus que jamais, je reste hébété face à son coulé (le coulé de Marcel), à cette extraordinaire capacité qu'il a de passer d'un fait à un autre, d'un sujet à un autre, de faire de ce qui part pour être une digression de deux lignes un développement de deux pages, elles-mêmes aboutissant à une nouvelle pseudo-digression qui elle-même ne pourrait faire que deux lignes mais qui gonfle, enfle et se répand sur plusieurs pages avant de se fermer sur une autre digression etc. Tout est emporté par un même flot unique, comme si, assis sur une berge, j’assistais au passage de multiples embarcations diverses n'ayant comme unique point commun, seul lien : le fait d'être douées du pouvoir de flotter. Et c'est ce lien qui, malgré la diversité des choses, ferait l'unité.

 

18 décembre 2000