Vent. Ça n’arrête pas depuis une semaine, par grosses rafales, et froid de surcroît. Ça ne m’a pas empêché de désherber après avoir posé un étai dans la « shed guinguette » dont le toit menace de s’effondrer. Je désherbe, le vent souffle, le soleil tape (il y a tout de même du soleil) et je pense à Bartók, à Proust, et me dis qu’eux ne désherbaient pas (mais ils n’avaient sans doute pas d’herbe, bonne ou mauvaise). Qui désherbait, qui désherbe ? Moi. Je désherbe – à la main, évidemment, et curieusement puisque j’ai tant le souci de mes mains – tout en me disant que j’ai certainement mieux à faire (mais si j’avais mieux à faire, je le ferais), et, tout à la fois, je pense à mon âge, à tout ce que je ne fais pas et qui m’attend (ou pas), pense à l’absence d’effet qu’ont ces pensées sur moi et suis alors prêt à me rendre à l’ordinaire… Avant de m’y mettre, je m’étais installé dans la « nouvelle » shed pour y poursuivre le Proust des Enthoven ; il m’enchante, ce texte est enchanteur (mais son objet l’est et n’importe quelle plume serait bien contrainte de s’y conformer – cet enchantement serait-il suffisant à combler ce qui me « reste » de vie ?...) Je lis, viens de terminer ma huitième et dernière cigarette de la journée en pensant à la suivante tout en me sommant d’aller me coucher. (« Mais il n’est même pas minuit… » « Et alors ? » Et j’écris en sentant l’appel – mieux : en l’entendant – de la neuvième et d’un énième café. (Je ne saurais aller au lit sans la dernière cigarette et le dernier café ; ça a toujours été ainsi, comme c’est étrange...) Et ça me tuera sans doute…
2 juin 2023