Il faut ici tout de même noter que ce Tombeau est un travail que M. Ange mènera de front avec, d'abord l'exécution de la voûte de la Sixtine, puis vingt ans plus tard avec la réalisation du Jugement Dernier, et encore, jusqu'à la fin de sa vie, en dépit des complications  politiques, au manque de financements  de la part des héritiers. Et pour bien marquer son acharnement remarquable à voir aboutir ce tombeau, il ira jusqu'à payer de sa propre bourse les derniers marbres nécessaires à le parachever !

Un acharnement qui a pourtant soulevé bien peu d'interrogations, sinon aucune.

Jules II exige de M. Ange un tombeau digne de son altesse et il l'aura.

Mais pour M. Ange, autant, le gigantesque mausolée pourra effectivement exprimer l'immense pouvoir terrestre du pape et son inoubliable règne, qu'ensuite, et là, éternellement, ce Tombeau, par sa taille, et sa majesté, et le soin qu'il aura porté à l'exécuter le plus parfaitement possible, ce Tombeau rappellera à la face du monde que même les puissants sont mortels, c'est-à-dire qu'il finiront bien, eux comme tous les  autres,  par disparaître !

Certes, Jules II n'est pas encore mort, il ne disparaîtra que l'année qui suivra l'achèvement de la voûte.  

Mais son tombeau proclame déjà, par l'importance du chantier, que cela va arriver, car ce tombeau est devenu par la main de M. Ange, cette  inéluctable prophétie.

 

Et c'est dans la prophétie que se trouvera la clef, pour renvoyer le travail du Tombeau à celui de la Voûte.

M. Ange a besoin d'un prophète, et qu'il soit canonique. Il comprend qu'il n'a pas à aller chercher du côté de ces grands prophètes dont on parle tout le temps, car si l'on va les solliciter si souvent c'est qu'ils servent, qu'ils entérinent la souveraineté de l'institution.

Non, ce prophète dont il a besoin, il va aller le chercher à la fin de l'Ancien Testament, parmi ces douze petits prophètes, qu'on dit mineurs, car ils n'annoncent la venue d'aucun messie, mais c'est vrai qu'ils racontent si bien des histoires.

Et là, il trouve Jonas.

Jonas, qui rapporte une histoire, où pour se soustraire à un ordre de son dieu –aller menacer les habitants de Ninive qui se sont tournés vers le paganisme – , Jonas décide de fuir et pour cela s'embarque sur un bateau qui se rend à Tarsis, ville considérée à l'époque comme étant la dernière ville avant le Bout du Monde. Mais Dieu le retrouve et déclenche une tempête terrible, dont Jonas sera déclaré responsable par l'équipage du bateau.

 

 

Et ils le jettent par-dessus bord alors que passe un poisson – symbole de l'enfer –, un poisson qui l'engloutit.

Après trois jours passés dans ses entrailles, Jonas se soumet enfin à Dieu, il ira à Ninive, et tout finira bien.

Même pour les animaux qui bénéficieront de ce grand privilège, d'aller, eux aussi, tous au paradis !

 

Le cas est unique dans la Bible.