Dante qui aime les femmes, qui en courtise de nombreuses, leur écrit des poèmes que les coutumes de l'Amour Courtois lui permet encore de les leur déclamer, même en public. Et c'est ainsi qu'il approche Béatrice. Seulement voilà, Béatrice tombe malade et elle meurt presque aussitôt, à l'âge de 24 ans. Mais là Dante se rend compte d'une chose terrible. Cette femme qu'il courtisait comme il en courtisait tant d'autres, eh bien ! cette femme, Béatrice, Dante se rend compte qu'il l'aime.

 

Et il décide alors de « dire d'Elle ce qui d'aucune jamais ne fut dit ».

 

Pour situer Dante dans son époque, nous sommes presque en 1300. Il est florentin et son œuvre poétique ne l'empêche pas pourtant d'exercer une intense activité politique, qu'il mène du côté des Guelfes contre les Gibelins. C'est dire qu'il travaille à la fédération de l'Italie, et pour faire un pays cohérent, uni, il lui faut une langue unique. Alors, parmi les langues prétendantes au futur statut de l'Italie, Dante en repère trois, très particulières.

D'abord le provençal, la langue d'Oc, la langue d'Oïl et le toscan, la langue de Si, qui s'avèrent avoir en commun, non seulement le mot « Amour », mais elles ont surtout cette extraordinaire particularité d'être identifiées par la particule d'assentiment qui signifie « OUI » !

 

C'est-à-dire que OC veut dire « Oui » en provençal, OÏL en langue d'Oïl, et SI, bien sûr, en toscan.

Identifiée par le Oui !

 Car le « Oui » est un mouvement, c'est un passage. Et la profonde transformation qu'a provoquée en lui cet amour, il veut la rendre perceptible dans ses poèmes. Avant d'être amoureux de Béatrice, il était comme Adam, comme mort, et ainsi il pouvait effectivement écrire dans une langue morte, le latin.

Mais là ce n'est plus possible, ce souffle qu'elle lui a transmis, cette vie toute neuve qu'il vient d'acquérir, tout cela nécessite une langue neuve, une langue vivante.

De ces trois langues, c'est le toscan, la langue de SI que Dante retiendra pour devenir l'Italien. Son recueil de poèmes, la Vita Nova sera donc écrit en italien, en langue de Si. Mais il sait qu'il doit dire également de « où » est issue cette langue vivante.

Il a déjà tenté dans la Vita Nova de communiquer cette intention. En effet, chaque poème est suivi de son commentaire, qui rappelle au lecteur qu'il est dans un livre, que l'auteur de ce livre est aussi un acteur de la vie, et que si « l'action de l'auteur devient la passion du lecteur, c'est que cette action n'a d'autre source que la passion de l'auteur », de lui, Dante.

Lui vient alors le projet qui l'occupera tout le reste de sa vie : la Divine Comédie.

La Divine Comédie de Dante sera le livre du Oui. Il y mettra les clefs de toutes ses connaissances, comprises à la lumière de l'Amour et dont chacune sera le pont, le port des départs possibles pour retrouver sa Culture si jamais un jour tout devait disparaître et ne devait rester que ce Livre-là.