Pour commencer, c'est aussi Noé
qui est à l'origine des ancêtres de Gargantua, à la différence que cette fois,
ce n'est pas Noé seul qui découvrira l'ivresse par le vin de cette vigne, mais
au contraire, chez Rabelais, tous en profitent, tous en boivent et à n'en plus
pouvoir, au point d'en devenir tous enflés et dégénérés. Tous plus difformes les
uns que les autres, formant chacun par sa difformité spécifique une tribu
particulière. La tribu des ancêtres de Gargantua, elle, a enflé tellement de
partout, ainsi sont-ils devenus des géants.
Comme Nemrod, par exemple, et sa
Tour de Babel.
Et là, Pantagruel, à l'inverse
du déluge, Pantagruel, lui, est né pendant la Grande Sécheresse. Et de
l'offrande qu'ils firent à Dieu omnipotent, à l'occasion de la naissance, Dieu,
cette fois se fit farceur, et ne leur offrit que la sueur de la terre,
c'est-à-dire de la saumure ! Mais heureusement, au moment de l'accouchement, sa
mère mit simultanément au monde, donc Pantagruel, mais aussi dans la foulée, les
centaines de bêtes et autres centaines de vaches pour l'abreuver et nourrir leur
tribu.
Un autre rapprochement étonnant
est à remarquer à la fin du Gargantua. En rappelant que François Rabelais est né
la même année que Luther et qu'il se positionne délibérément contre les Ordres
Mendiants. Lorsque Gargantua a libéré de ses ennemis l'Abbaye de Thélème, cette
abbaye portait en frontispice la célèbre clause de sa règle de vie :
« Fais que voudras ».
Or, à la fin du Purgatoire de la
Divine Comédie, dans le chant 27, Virgile adresse à Dante, instruit, donc libre,
un sonnet qui se termine exactement par ce conseil :
« Prends désormais pour guide
ton plaisir ».
Nous pourrions dire : « Fais que
voudras » !
C'est vrai que Rabelais parle
aussi le toscan, comme Dante.
Et le plaisir, peut-il être
autre chose que ce Gargantua, né pour le plaisir de tous les sens, sans
exception ?
Encore faut-il ajouter qu'il est né par l'oreille gauche de Gargamelle, sa mère, non par la voie normale, car ce jour-là, elle avait trop mangé et bloqué ses fondements. Voulant alors éviter la zone jugée sans doute trop nauséabonde, il est donc remonté par la veine cave, que le médecin Rabelais appelle la veine creuse, pour sortir par l'oreille gauche de sa mère.