Depuis deux ans, la Cour  ecclésiastique de Rome accueille entre ses murs un invité détonnant. Il porte la robe des Bénédictins, mais se vante de s'être déjà défroqué pour le statut de prêtre laïc – « il faut bien vivre ! » – (et une paroisse rapporte une rente confortable, si l'on a quelques appuis). Et de cet homme au parcours déroutant, et aux propos souvent trop libres, émane pourtant un charme tel qu'on lui pardonne tout. Même d'étudier le grec et la médecine. N'oublions pas qu'il est ecclésiastique.

Mais le pape Paul III, que ce visiteur voit souvent, l'a même autorisé exceptionnellement à la pratiquer, cette médecine, et auprès d'un cardinal influent, Jean du Bellay, son ami. Il est ambassadeur de France à Rome, un hôte chez qui l'on mène grand train. Sa table est connue pour être la plus prestigieuse de la ville.

La réputation du visiteur est vite devenue celle d'un curieux inaltérable, d'un libertin inassouvissable, d'un érudit exceptionnel. On l'a baptisé depuis à Rome, le « polymathe François », car cet homme effectivement touche à tout.

 

Cet homme, c'est François Rabelais.

 

Rabelais qui, l'année précédente avait déjà visité quelques éditeurs pour présenter à Rome une œuvre littéraire qui en France a eu le don de provoquer quelques remous dans les différentes sphères du pouvoir : il s'agit, bien sûr de La Vie très horrificque du grand Gargantua suivie de Pantagruel, Roi des Dipsodes.

 

Alors c'est vrai, on ne dit nulle part si Rabelais a rencontré M. Ange. On sait juste qu'il est resté quatre années consécutives à Rome et qu'il a visité les principaux grands chantiers artistiques de la ville. Mais quelques coïncidences étonnantes sont à relever entre Rabelais et le Peintre de la Sixtine, quant à la manière particulière qu'ils ont, tous deux, de s'approprier la tradition religieuse chrétienne.