La commande du Jugement Dernier est postérieure à celle du plafond de la Sixtine d'environ 20 ans. La Cité Vaticane a maintenant un nouveau pape, Clément VII, M. Ange a déjà atteint l'un des sommets de sa renommée. Et c'est sur la célébrité du peintre, que Clément VII compte lui aussi marquer le temps de son règne et couve ainsi le projet de s'immortaliser par la paternité d'une œuvre inoubliable. Il veut de lui une Résurrection qui surplombera l'autel de la chapelle. Mais alors que M. Ange lui présente les premiers cartons, le pape meurt brusquement.

Mais il est remplacé par Paul III, un Farnèse, vieil admirateur du peintre qui lui confirme la commande d'un Jugement Dernier et lui laisse même carte blanche pour le projet. M. Ange en profitera ainsi pour obtenir du pape que soit ré-enduite la partie inférieure de l'autel où se trouvait, précédemment peint, le Cycle de la vie de Moïse et de l'Apôtre Pierre, premier ancêtre des papes au Vatican.

 

Les dessins préparatoires de M. Ange montrent nettement, par la manière extrêmement périphérique dont il distribue ses personnages, qu'il fait tout, pour tenter de maintenir cette arrivée au ciel de la Vierge du Perugino, qu'il veut opposer au développement du Jugement Dernier. Car c'est elle, Marie, qu'il considère maintenant comme la seule vraie médiatrice, à l'exemple de qui peut venir le Salut, mais sur Terre. C'est elle la nouvelle Ève, car elle est l'image d'une femme qui se souvient d'avoir été « choisie » au beau milieu de sa lecture, et dont le « Oui », adressé à l'Ange, un « Oui »aujourd'hui canonique, autorisa, jadis, ce dernier à ce qu'il la couvre de son ombre.

Mais lors de la première visite des travaux, le pape est émerveillé par la réalisation en cours, et il presse M. Ange pour qu'il prenne possession de l'intégralité du mur, et il lance aussitôt le ré-enduisage  du reste de la paroi où avait peint Le Perugino pour que M. Ange puisse immédiatement continuer.

 

C'est vrai, qu'autant la période précédant la Réforme était une période favorable à la Vierge, que maintenant, elle est devenue frileuse à cet endroit. Et il faut dire que la Vierge du Perugino, telle que M. Ange voulait la conserver, était d'une part, située en plein centre de la fresque, et d'autre part, d'une taille supérieure à celle de son Christ.

Sans compter qu'à bien y regarder, au lieu de cette grande joie que devrait être la Résurrection, on perçoit plutôt le désarroi de ces ensevelis qu'on dérange, qu'on réveille pour les tirer vers l'Olympe promis. Jusqu'au Christ lui-même, qu'il peindra si beau pourtant, mais qui semble repousser le noble rôle que lui a assigné son père.

Alors prudent, puisque son autorité papale reste toujours contestée par les Réformés, Paul III ne prendra aucun risque supplémentaire avec cette commande. Il a déjà deviné, comme le souligne Vasari, les renvois assez clairs à la Divine Comédie par la ressemblance de quelques visages, encore célèbres à Rome et que l'on peut reconnaître dans le livre de Dante, en Enfer ou au Purgatoire, et qu'on ne manquera certainement pas, il le sait, de relever.

Aussi, pour Paul III, l'œuvre doit-elle être par ailleurs eschatologiquement irréprochable. Marie peut figurer sur la fresque, mais modestement, à sa place.

 

À ce moment-là, nous sommes en 1536.