Le Nu Endormi Italien est une femme qui rêve qu'elle fait l'amour.

Alors elles seront toutes là, ces femmes qui en leur temps, à chaque époque ont ainsi rêvé d'amour.

Jules II a demandé à M. Ange que figurent  les douze Apôtres sur la voûte de la Sixtine. Il va s'y refuser en douceur, par la force de l'inertie. Et il va y arriver parce que Jules II est pressé, il veut que sa voûte soit rapidement terminée, mais il part faire la guerre et lorsqu'il reviendra, qu'il fera aussitôt démonter partiellement l'échafaudage, pour voir où en est le travail du peintre, tout sera déjà en place. Aucun Apôtre n'y figure. Mais M. Ange réussit à persuader le pape du bien-fondé d'un autre choix, celui des Rois, les ascendants de Joseph mentionnés dans la longue généalogie qui commence l'Évangile selon Matthieu. Alors, gonflé dans son orgueil, se voyant par là, lui-même, comme indirectement issu de la lignée de ces Rois, le pape en fin de compte, finit par accepter.

Pourtant, ces Rois, tels que M. Ange va les représenter, n'ont encore aucune importance. Ce seront tous des enfants. Seuls leurs noms les désignent car ils ne seront là juste prétextes qu'à parler de leur mère.

Et ces mères formeront un ensemble de femmes toujours douces, attentionnées mais aussi complètement rêveuses.

 

                    

 

À en devenir complètement lumineuses, rayonnantes, comme si elles étaient, ces femmes rêveuses, les seules dignes représentantes de la création des astres de la Genèse : solaires et lunaires à la fois.

 

Elles baignent dans cette lumière qui semble ne pas vouloir atteindre le fond du monde dans lequel elles vivent, celui qui préfigure déjà le destin de  leur fils, gouverné selon la Loi. Elles sont comme devant une grotte, mais de laquelle leur rêverie les abstient d'en être les gardiennes.

Car leur monde à elles, à ces femmes, est ailleurs.

Il est dans la méditation d'un Autre, il est dans ces belles histoires que racontent leurs illustres et profanes voisines, les Sibylles qui, à l'image de toutes les Vierges  représentées dans toutes les Annonciations, seront en train de lire.

 

    

 

Ces Sibylles que l'on va consulter comme pour presser le ciel à répondre à nos vœux, pour, s'il le faut, transmuter leurs présages, heureusement sibyllins, à la hauteur de nos désirs ou à l'image de nos rêves.

 

Les Sibylles que M. Ange fait alterner avec des prophètes qu'il a choisis, parmi les plus romanesques de l'époque Babylonienne de l'Ancien Testament, et les plus désobéissants.

À l'exception d'un seul.

 

 

Isaïe, dont on qualifierait aujourd'hui ses oracles de radicaux, mais qu'il place comme une menace sous le tableau du Noé égorgeant les victimes pour l'holocauste, et il lui oppose un face à face redoutable, à lui, Isaïe, le seul dont le livre est fermé « pour servir son idole », il lui oppose la Sibylle d'Erythrée, celle du pays de Cham, entièrement absorbée, elle, dans sa lecture, et qu'un ange à l'arrière plan éclaire même de sa lampe.

 

Ceci pour dire à la lumière de quel astre lisent ces Sibylles, et qui n'est peut-être pas celle à qui va la prédilection divine.

 

 

Et la manière dont Michel Ange montrera l'Astre sur lequel ne s'est pas posé le choix du dieu, dès la création du monde, est assez révélatrice.

 

                                                        

 

Et puisqu'il est question là de lumière, il faut se rappeler qu'avant d'être peintre, M. Ange est sculpteur et que pour un sculpteur, toute révélation est une affaire de lumière.

Car dans la création, tout se passe comme en amour, c'est le regard sur l'Autre qui le fait exister.

 

                                                  

 

La création est possible si tout est déjà là.

 

 

 

Pour la Création d'Adam, c'est dans cet état d'esprit, qu'il peindra l'éclair.

 

Cet éclair qui appelle Ève, déjà prête, il appelle celle qui, mieux qu'un dieu « arrivé ici à ses propres limites », saura, du Toucher du Modèle en tirer la Quinte Essence.

 

 

L'Éclair, c'est cette offrande de son corps abandonné, dont la splendeur lascive appelle le souffle d'une autre créature. Car jusque-là, Adam, sa seule histoire, son unique langage dont le souffle fut happé par le vide, son langage réside dans ce désir.

Cette Ève, simultanément et déjà inéluctablement vivante, du groupe d'anges au milieu desquels elle attend, c'est bien elle seule qui reçoit la clarté de cet éclair éloquent.

 

 

Car la lumière que diffuse cet éclair n'a rien a voir avec la lumière divine, celle que tendra Dieu pour guider l'homme par sa Loi.