Je m’étais arrêté devant l’autre bureau, avais ouvert le cahier, l’avais refermé sans parvenir à trouver l’énergie (le courage, l’envie ?) de m’asseoir et d’y écrire. Mais en vérité, je n’en avais pas envie, pas envie d’écrire à la main (et bizarrement, il fait froid dans le grenier) ; et pour quoi y dire, y écrire ? Nicanor, peut-être ? Je l’ai entamé avant-hier. Je le vois tous les jours sur mon second bureau depuis que Laura et Romero me l’ont offert ; je le regarde, passe mon chemin, pense à Rohmer et à Guermantes, c’est bien assez pour le moment. Mais qu’est-ce que ça me coûte d’y jeter un œil ? C’est ce que j’ai fait : je l’ai pris, ouvert, ai lu le premier (anti-) poème, puis le deuxième, le troisième… Cette édition est bilingue, espagnol et anglais. Leur traduction en soi ne m’intéresse pas, mais je ne connais pas suffisamment l’espagnol pour m’en dispenser, avant tout pour le vocabulaire. Alors, je me suis résolu à cette méthode de lecture : lire le poème en espagnol à voix haute, puis le relire en m’aidant de sa traduction, enfin : le lire une dernière fois en espagnol, et lorsque j’aurai terminé, je relirai le tout en espagnol en m’aidant d’un dictionnaire français. J’ai repris hier soir, au lit, en prenant mon temps et en tâchant, autant qu’il était possible, de m’imprégner du texte espagnol. Une chose m’a très vite frappé : la légèreté de la traduction, puis, carrément, sa fantaisie (c’est flagrant dans Murió). De deux choses l’une : ou Liz Werner est une mauvaise traductrice, ou il s’agit d’un parti-pris. Je penchais plutôt pour le parti-pris, ne serait-ce qu’à cause de la dénomination de ladite traduction qualifiée de « antitranslations ». Ça pouvait être un clin d’œil, une note d’humour, et ça n’éliminait pas l’hypothèse de la traduction bâclée...