Drôle de monde où la seconde chaîne de radio nationale ne diffuse que de la musique d’un autre temps.  France-Poussière.

 

L’impalpable, le « lui » de Laporte, qu’il rapporte au texte comme à la musique aussi bien et qu’il n’est pas loin d’appeler Dieu, je le nomme tout simplement grâce, soit : la faveur. La musique est une faveur, soit le ruban du cadeau, et sa (dis)section ne peut être qu’une muflerie à l’égard de qui me la donne.

 

Être musicien, c’est un état et non une fonction, un métier ; de la même manière qu’un écrivain pense avant d’écrire, un musicien avant tout entend et peut se passer de connaître et de pratiquer.

 

L’autre jour, j’ai fait écouter Sonic Youth à A***. A*** est flûtiste et guitariste. C’est un excellent instrumentiste : propre, net, précis, rigoureux, et il a toujours de très beaux mots pour la musique : ronde, cristalline, épurée, fluide, piquée, grasse, coulée, et de beaux gestes pour les accompagner. Je lui ai fait écouter Sonic Youth en sachant par avance quelle serait sa moue et quels seraient les mots qui lui succéderaient. En sachant qu’il se contracterait. Il y a eu la moue, il y a eu les mots. Il y a eu la contraction. A*** réduit la musique a ce qui est oblitéré dans son catalogue intime. Je crains fort qu’il ne soit jamais musicien.

 

(Des orgues limonaires, ou des fifres et des tambours, et une population qui danse. Les gens qui dansent ne parlent pas. Ils s’en remettent à la musique, la musique qui peut statufier ou animer, c’est selon. Dans ce cas, elle anime. Mais dans ce cas comme dans l’autre, elle doit imposer le silence. Le danseur, inconsciemment, saisit ce silence.)

 

Les gens disent : ça va, moi, je connais la musique. Ils ne disent pas : moi je connais la peinture. Il serait plus juste qu’ils disent : moi, je connais la peinture, car tout le monde connaît un tant soit peu la peinture, alors que personne n’y entend rien en musique. La musique, ça ne se connaît pas.

 

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