La
musique classique ne vaut que par sa partition : la
partition est la musique. Aussi la musique classique ne
devrait pas être jouée, mais lue, et dès lors,
lexécutant na pas la moindre importance et tous les
instrumentistes sont bons.
De
lanalphabétisme général en matière de musique alors
quelle comble chaque instant de la vie du monde. Le monde
qui écoute, mais sourd.
Je
nai pas la moindre conscience politique, pas la moindre
conscience sociale, mais je ne puis mempêcher de penser
quil y a une musique qui sent lingrédient et la
soumission au pouvoir (et celui-là même de la musique
nest pas exclu). Qui, même à son corps défendant, a le
souci du clan.
Un
son est un son. Pas une image. Pas un mot. Pas une émotion.
Surtout pas une émotion. Une émotion, cest une sensation
affublée dun nom, cest une sensation
intellectualisée. La musique est du domaine de la sensation, pas
de lémotion... Le romantique invente lémotion
sonore et sy prélasse. Doù son indigence infinie et
le mépris quil minspire. De même le
(dé)compositeur de musique de film, qui, à laide de son
épuisette, passe au crible les grèves des siècles pour y
soutirer la crevette et le crabe dont il fera sa manne à gogos.
Il doit rendre sa copie, qui sera dautant plus remarquée
quelle sera conforme à la convention des émotions
éternisées imposée par des prédécesseurs voulus illustres
pour le bon entendement : les grands mètres de la musique
pour bien faire la mesure. Ainsi Rota excelle dans la brièveté,
la concentration. Au-delà dune minute, il ségare,
sépuise et révèle la faiblesse totale dune
intelligence, dune perception et dune honnêteté
(voir La suite pour La Strada). À linstar de ses
pairs en matière dillustration, il compose face à une
image. Sa musique est une expression de limage et du mot.
Sa musique est de limage. Privé de limage, il se
perd et na dautre ressource que dempoigner son
épuisette.
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