Qu'est-ce qui a fait que j'ai avalé en une journée ce livre qui, en d'autres temps ou d'autres circonstances, me serait tombé des mains à la troisième page, ou que je n'aurais même pas consenti à ouvrir ? Peut-être est-ce le souvenir qui me restait de sa version télévisée, avec Sami Frey (qui, bizarrement, dans ma mémoire, et avant vérification, avait les traits de Léaud). Toujours est-il qu'il m'a passionné, plaisir du texte auquel s'est ajouté puisque lue ensuite, comme à l'accoutumée celui de la préface, commentaires sur l'histoire d'un livre et d'une vie, et d'une relation agitée dans laquelle Sand se révèle être une épouvantable petite garce. Mais plaisir qui n'aveugle tout de même pas ; ainsi l'Europe féminine vue par Musset, p. 52 : « Les Espagnoles, les premières des femmes, aiment fidèlement ; leur cur est sincère et violent, mais elles portent un stylet sur le cur. Les Italiennes sont lascives, mais elles cherchent de larges épaules et prennent mesure de leur amant avec des aunes de tailleur [?]. Les Anglaises sont exaltées et mélancoliques, mais elles sont froides et guindées. Les Allemandes sont tendres et douces, mais fades et monotones. Les Françaises sont spirituelles, élégantes et voluptueuses, mais elles mentent comme des démons. » Ou son constat au sujet de la femme, p. 52 à 54, où, selon l'état d'esprit dans lequel on se trouve, on peut rire, s'indigner, s'apitoyer ou acquiescer; de même, sa conclusion, sentence sur l'amour édifiante que je n'arrive pas à trouver tout à fait ridicule (quoique, tout dans le fond, je grogne). C'est du reste le seul passage du livre coché par un précédent lecteur (mais qui ? et quand ? l'exemplaire est de 1910... mystère d'un coup de crayon gris intemporel comme trace d'un émoi...)