Tant de choses me sont venues à l'esprit, tant de pensées, de réflexions, tandis que je lisais, tant de choses que je me suis promis de mettre par écrit, tant de choses que je ne sais plus quoi en dire, s'il faut les dire, comment les dire... Une profusion telle que tout est emmêlé, et que tout s'est si bien dit dans mon esprit que je me demande comment il sera possible de les restituer telles quelles sur le papier... Une chose au moins, c'est qu'il y a des années que je n'ai pas lu Miller, des années durant lesquelles j'ai connu un certain désintérêt pour lui et pour ses livres, des années que je me dis que je ne pourrais plus le lire ou le relire – comme si c'était dépassé, comme si j'étais passé à autre chose, à une autre vue des choses, à une autre conception de l'écriture et de la littérature –, et pourtant... au premier mot, je suis reparti ; à la première page, j'ai retrouvé intacts le plaisir et la délectation d'il y a quinze ans lorsque je l'ai connu, lorsque je l'ai tant aimé et tant suivi. Étrange. C'est comme un vieil ami effacé par les années, mais que l'on retrouve exactement pareil, inchangé, identique, et avec qui l'on se sent instantanément proche comme si rien ne s'était passé... Que Max soit l'un des rares livres de lui que je n'ai jamais lus ne fait qu'ajouter au plaisir...

8 octobre 1990 (courrier à Marcel)