J'ai terminé Max. C'est un recueil de nouvelles. Toutes sont remarquables, sauf la toute dernière qui en fait n'est pas à proprement parler une nouvelle puisqu'il s'agit de trois fragments de la Crucifixion en rose. À quoi cela peut-il correspondre puisque la Crucifixion a paru près de quinze ans plus tard ? L'avait-il déjà entamée à cette époque ? Les fragments se retrouvent-ils dans la publication postérieure ? (Impossible à dire : la Crucifixion est une énorme somme de trois volumes, comment me souvenir de ces quelque cinquante pages ?) Quoi qu'il en soit, il est dommage de les retrouver là. C'est le Miller que je n'aime guère, en tout cas que je suis sûr de ne plus aimer. Le Miller sentencieux, moralisateur. Réflexions sur la condition humaine qui prennent fâcheusement le tour et le ton de leçons, d'enseignements. Il y a là quelque chose de l'apôtre et je n'aime pas ça. Il y a là aussi quelque chose de très américain, ou pour le moins d'anglo-saxon (mais davantage américain tout de même). S'en est-il rendu compte, lui qui toute sa vie a hurlé et craché sur l'Amérique, et plus précisément sur l'Américain ? Cette espèce de tendance à la prêche, à la moralisation, la bonne parole (louable tout de même en ce sens qu'il s'agit d'une célébration de la folie, de la liberté, de l'individu, du rêve, de l'imagination... mais contestable et discutable du fait de son ton qui malgré tout a des relents d' « Évangile », dirais-je, pour simplifier) est très étrange car je l'ai souvent rencontrée chez des auteurs américains pourtant radicalement opposés à la pensé et à l'attitude de leur pays. Les termes ne sont pas les mêmes, mais l'esprit et le ton sont bien identiques. Tout se passe comme si, malgré tous leurs efforts et leur volonté, ils étaient pris : il arrive toujours un moment où fatalement ils en viennent à épouser le ton de ceux qu'ils abhorrent et contre qui ils s'insurgent : leurs propres compatriotes. Comme si un Américain, quoi qu'il fasse, reste toujours au fond un Américain... Et Miller, même s'il se dit apatride, citoyen du monde, s'il se dit homme avant tout, reste au fond un Américain. Et c'est plus particulièrement sensible, paradoxalement, dans ses élans humanistes. Dont ce dernier texte de Max...

9 octobre 1990 (courrier à Marcel)