Je poursuis la lecture des Antimémoires
de Malraux,
qui me semblent du plus grand intérêt. Et en lisant cela, j'ai
honte. Je sais que ce n'est pas un journal, que cette somme a dû
être travaillée, mais il n'empêche, je ne peux m'empêcher de
penser à mes « à développer », « à méditer »,
« à suivre » qui, évidemment, n'aboutissent qu'au
néant, ne sont que des échappatoires, des petits sauts au-dessus de
l'obstacle ; sont l'indéniable signe d'une paresse et
peut-être même, pourquoi chercher à me leurrer, d'une
médiocrité...
Je lis un tel texte, Malraux (ou un autre aussi bien ;
n'importe qui peut convenir pourvu qu'il réfléchit), et je
pense au contenu de mes propres écrits, semés d'impasses,
de miroirs et de chausse-trappes, et je me dis : qu'ai-je à
dire ?
où est ce que j'ai à dire ? J'expose, puis je m'écarte et
laisse passer la chose : « à développer » est
la sanction. Je ne développe rien.
C'est dire que je ne réfléchis pas, pense à peine. Je pose
cette borne
et m'en vais : à développer. Comme s'il s'agissait d'un
papier photographique que je confierais à un photographe
aveugle, un papier qui, de surcroît, n'aurait en lui que des
images d'un ciel noir (avec juste quelques piqûres d'étoiles
comme garantes d'espoir).
Mais lui développe, et à l'instant, je me pose la question de
la cigarette : Malraux était-il fumeur ? Avait-il besoin de
fumer (voire de boire)
pour écrire ? (et alors que je saisis, me revient à la
mémoire le fait qu'il était opiomane ou bien est-ce
que je confonds avec Cocteau ?)...