Note à « Parallèlement à cela,
le thé et les fleurs
pénètrent le peuple et la classe moyenne est avide de
choses shibui. » :
« […] littéralement elle
signifie “ astringent ”, mais dans un sens large, en esthétique, elle correspond
à la notion de “ bon goût ”. Inutile d’ajouter que ce “ bon goût ” là implique
la sobriété, exclut le tape-à-l’œil et l’étalage de luxe. »
Puis :
« C’est cette beauté émanant de
l’intérieur qu’on appelle shibui. »
Et :
« La qualité shibui est comme l’enveloppe
même du mu (“ vide ”),
sa forme extérieure. »
La page :
« Le résultat c’est que tout ce qui est un tant soit peu mukashi (ancien)
se vend : les clous de temple pour faire des baguettes de foyer, les mesures à
riz, les seaux à eau, les vans, les chapeaux de paille, les mortiers, absolument
tout, pour peu qu’une patine quelconque le recouvre et je dispute le moindre
marteau d’orfèvre aux amateurs d’antique : même les claquettes des veilleurs de
nuit : si les mains rudes du propriétaire les ont passablement polies ! […]
L’espoir d’acheter les objets aux gens eux-mêmes est vain : tout passe à
l’antiquaire. Il n’y a pratiquement plus de coins reculés au Japon, le centre
des Alpes d’ici est bien mieux pénétré que notre Savoie. Le réseau ferré est les
autobus sont partout et on voyage normalement sans horaire, sûr d’avoir toujours
une correspondance… Tout cela s’oppose au bloc qui vit encore aux temps de
Heian, aux temples. Mais là, c’est un archaïsme conscient et organisé dans ses
moindres détails, la pensée s’y accroche par romantisme. Ils sont chargés une
bonne fois de conserver l’image du Japon et c’est à eux qu’on demande
d’entretenir le paradoxe des brochures de tourisme… Est-ce à dire que tout ait
disparu ? Loin de là, car les faits ont devancé les gens. Les adultes sont
encore d’avant le changement matériel mais ils s’adaptent matériellement avec
une aisance décevante. Nulle part au monde une vieille paysanne ne prend avec
autant de naturel le premier autobus de son existence. Ils semblent ne pas se
détacher de l’ancien pour adopter le nouveau, mais simplement ignorer l’objet
lui-même. Passer de la chaise à porteurs au chemin de fer ne les affecte pas.
Ils semblent n’envisager que le fait de se déplacer sans même laisser penser que
la vitesse leur soit sensible. L’idée même de pratique ne se dégage pas
naturellement. Ils ont une perception du progrès fort différente de notre
sentimentalisme et l’idée de “ bon vieux temps ” n’est pas à rechercher ici. »