« [...] Régulièrement me reviennent à l’esprit les pages lues hier au sujet du Japon. Je ne parviens pas à démêler ce qui s’est passé en moi à ce moment-là, à exprimer ce qui, d’une certaine manière, pourrait être une révélation. Leroi y dit des choses connues, des choses que j’ai déjà dites ou ressenties, qu’il a déjà exprimées à plusieurs reprises dans les quatre cents pages précédentes. Mais il y a eu là quelque chose de différent. Peut-être le ton, à bien y réfléchir. Oui, le ton a dû jouer. Il faudrait que je le relise pour déterminer s’il y a un ton particulier ou non. Certainement. Je l’ai dit, c’est condensé, compressé, et c’est de cette compression et de la précision qui l’accompagne que l’effet se fait. Il a déjà dit et répété à maintes reprises qu’il aime ce pays et les gens qui l’habitent tout en avouant souvent son incapacité à les comprendre, à les cerner véritablement. Mais là il les cerne, peut-être même sans en avoir conscience. Je pense qu’il est stupéfait, et ce serait cette stupéfaction qui s’exprime, une stupéfaction qui existe encore quand bien même il y a passé deux années entières et a travaillé des années auparavant et après à étudier, à les étudier. Je l’imagine presque écrire ces pages animé par cette stupéfaction, la même, mais augmentée, comme s’il découvrait lui-même des choses en les écrivant, les découvrait et les révélait tandis qu'elles se découvrent au fil de la plume. Et cette stupéfaction m’a gagné, et a atteint son point culminant lors de la description du paysan, je l’ai dit. Mais en résumé, voilà ce qu’il écrit : il existe au bout du monde, un archipel où des gens sont venus s’installer il y a plus de deux mille ans. Cette terre est inhospitalière ; il ne s'y trouve que des montagnes, que des terres incultes, des terres qui de surcroît sont constamment agitées de tremblements.