À force d’accumuler les livres et d’en entamer une demi-douzaine à la fois, j'en oublie certains. C’est le cas de Carnets de Laporte, que j’avais entamé avec un grand intérêt (voir la multitude de notes prises jusqu’à la page 145) et que j’ai tenté de reprendre tout à l’heure. Tenté… J’en ai lu quelques pages. Le retrait, le repli se précisent. Jusqu’à présent, j’assistais au spectacle d’un homme qui écrivait ; en lisant ces quelques pages (dont la teneur concentrée sur Dieu ne peut être qu’un accent supplémentaire à ma neuve impression – mais pas si neuve que ça puisque c’était pressenti et inconsciemment attendu), je me suis aperçu que je regardais un homme qui s’écrivait ; et cet homme qui s’écrit ne me parle pas. Je n’ai pas la bêtise de croire qu’un auteur, un écrivain, s’adresse à quelqu’un en particulier, moi en l’occurrence en tant que lecteur (mais quelqu’un qui écrit – moi en l’occurrence – est-il vraiment lecteur ? peut-il être [encore] lecteur ?). Je n’écris pas pour quelqu’un en particulier – vue dans l’absolu, naturellement –, moi y compris. J’écris, simplement ; ou je pourrais dire que je m’écris, c'est-à-dire : j’écris moi. Tandis que Laporte, qui s’écrit aussi, s’écrit à soi. Voilà la différence : si je considère la littérature comme une correspondance, ou, autrement dit, l’écriture comme faisant partie d’un processus et d’un système de correspondance, je peux dire que mes écrits (et a fortiori les écrits) sont comme des lettres dont l’enveloppe porterait toutes les adresses sauf la mienne, tandis que la sienne ne porterait qu’une seule adresse : la sienne… Bref, je prends connaissance d’un courrier qui ne m’est pas destiné. Dois-je continuer ?