Lorsque nous avons quitté la ville, déjà il ne pleuvait plus. Puis, sur l’autoroute et sur la rocade minière, le ciel s’est dégagé pour définitivement laisser apparaître le soleil. J’ai attendu avec une certaine fébrilité l’apparition des terrils jumeaux ; je les connaissais, les avais souvent remarqués en passant sur cette route ; ils sont à l’image, mais en réduction, comme des rejetons ou des petits frères, de ceux de Loos, eux colossaux, gigantesques, deux mastodontes dont me parlait parfois mon père avec une étrange fierté et qu’il avait été dans l’intention d’Hervé d’utiliser. Il les avait demandés. On les lui avait refusés. On les lui avait interdits. Comment peut-on interdire à un homme de gravir et de faire gravir à d’autres hommes une montagne que d’autres hommes avait érigée de leurs propres mains ?...
Monter donc, avec comme seule pensée, la crainte de glisser, de trébucher. Elle est à côté de moi. Je sens qu’elle a peur, peur de glisser et de ne pouvoir se rattraper. Je l’invite alors à passer devant moi au moment où véritablement la terre cesse d’être plane pour s’inscrire en un angle qui va nous emporter jusqu’au sommet. Elle est donc devant moi, et je devrais dire, au-dessus de moi tant la pente est raide. Elle s’aide du parapluie dont elle se sert comme d’une canne, et je l’aide en appliquant mon index contre ses reins, comme si cela avait pu suffire à l’empêcher de tomber...