C’est ainsi que ça s’est fait, chacun d’eux attaché à sa fosse dont il prendrait le nom. La plupart d’entre eux sont solitaires ; certains sont jumelés. Depuis, tout a été ôté : les rails, les traverses, le mécanisme métallique ingénieux, assemblage de barres et de poutrelles à l’image d’une nacelle ou d’un tremplin. Parfois, il reste quelques traverses, ou quelques poutrelles trop fichées pour avoir pu être déracinées, ou bien ça avait été trop difficile, trop laborieux et il avait été décidé de s’en ficher, et de les laisser là, avec la pensée inconsciente qu’elles feraient une manière de sculpture à la mémoire d’un ingénieur sans nom et disparu aussi bien de la terre que des mémoires de ceux qui, à cinquante mètres au-dessus du sol, avaient tout construit, érigé... Il reste de ces poutrelles au faîte du second terril. C’est parmi elles, en leur centre, que les sept ouvriers et leur dame (patronne délicieuse et intraitable) sont installés.

Nous sommes une centaine, nous apprêtons à nous mettre en marche, car c’est pour cette raison que nous sommes là : pour nous mettre en marche, pour devenir une marche, celle des pieds qui s’agitent et avancent autant que celle où le pas se pose, se stabilise, prend appui. Quelques personnes posent près de la ruine pour des photos. Les enfants font des petites taches colorées dans la foule, créent un peu l’animation de l’ensemble un peu tranquille, calme, sage, bien que souriant, attentif et interrogatif, voire perplexe. La majorité des invités ne savent pas à quoi s’attendre, ignorent peut-être tout du but du voyage. Un guide nous prie de nous avancer. Et nous nous mettons en marche...