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1997

 

*

 

6 novembre

 

Hier, répétition encourageante...

 

20 novembre

 

La répétition a été très satisfaisante, quoique courte du fait de la nouvelle politique que j’ai instaurée, le partage des deux heures habituelles en deux tranches. Il y a moins de temps mort, davantage de travail. Je pense que c’est assez profitable…

 

 

19 décembre

 

Dans l’après-midi, j’ai travaillé à la prochaine livraison* avant la répétition chant sans Jean-Marie. Nous avons vu Philippe et Jacques. Thierry nous a proposé un quatuor de sa composition qu’il dirigerait, je prendrais le second ténor, nous avons été d’accord. Plaisir du chant, pour moi, avant tout – et soulagement de laisser la direction à un autre, Thierry, en l’occurrence, qui depuis longtemps n’attend que cela...

 

* Mes chers amis (I) de Gabriel, sans doute (note du 13 septembre 2021)

 

 

 

1998

 

*

 

3 janvier

 

 

Je disais à Éléonore que cette nouvelle année serait une bonne occasion d’arrêter le journal*. Cela coïnciderait avec l’arrêt du Bulletin et la mise en route du JL* dont le premier exemplaire a été mis sous enveloppe il y a à peine dix minutes avec Carnets de voyage et le bulletin XII, dernier du nom. Mais arrêter le journal ?...

 

* c’est-à-dire ? mon propre journal ?

** le Journal du livre ; le premier exemplaire a été le seul et unique ; je me suis assez vite rendu compte que ça n’avait pas le moindre intérêt (notes du 15 septembre 2021)

 

 

 

6 janvier

 

Félicien est mon nouvel élève : quatorze ans, doux, timide, terriblement coincé (sa mère m’avait prévenu au téléphone). J’apprends et constate avec stupéfaction qu’au bout d’un an de piano, il ne sait rien. Durant un an, il a été mis face à des partitions auxquelles il ne comprend toujours rien. Son professeur, soi-disant ponte du genre dans la région, n’a fait que lui apprendre des morceaux de mémoire, c’est-à-dire lui indiquer la position des doigts et des mains sur le clavier qu’il devait reproduire mécaniquement jusqu’à les retenir par cœur. Ainsi, il « sait » La Lettre à Élise et le début de la Cinquième de Beethoven par cœur ; ou du moins il l’a su car, évidemment, puisqu’il ne les a pas pratiqués depuis un mois, il les a oubliés. Il a néanmoins réussi à retrouver les premières mesures de la Cinquième dont il nous a fait, à ses parents et à moi, une lamentable démonstration. C’était pitoyable. Il n’était qu’une simple mécanique déréglée qui tâtonne, hésite, plaque accords et notes avec la froideur la plus absolue. Ce type est une ordure (un certain L*** qui, aux dires des parents, fait chaque année une démonstration publique du « savoir » de ses élèves à qui il a mécaniquement fait apprendre un morceau). Tout est à reprendre de zéro. Tout est à prendre de zéro…

 

 

8 janvier

 

Répétition hier, la première de l’année, le bordel comme d’habitude. À quoi sert-il de continuer ? Tout cela n’a pas le moindre sens… Pour compenser, Marek m’a offert une cassette portant les chants des pièces de Shakespeare, dont le très beau O mistress mine de The Twelfth Night, encore que je trouve cette interprétation passablement singulière (qui exactement ? sa cassette ne porte que le nom du luthiste, puis d’une autre personne dont je ne sais le rôle ou la fonction : Alfred Deller*) : la mélodie me semble assez éloignée de la partition que je possède et je trouve ma version personnelle autrement plus intéressante (je ne me suis fié qu’à la partition)…

Anne et Olivier ont boycotté la fête qu’Éléonore et moi avons organisée chez elle pour célébrer notre vie commune sous prétexte que je n’avais pas invité Richard** ; c’est ce que m’a appris Mia le soir même et je n’en reviens pas encore. Je veux bien le concéder à Olivier sous l’emprise de Richard, mais cela me blesse et me peine de la part d’Anne…

 

 

* chanteur anglais, contreténor

** nous avions eu un différend quelque temps auparavant et je n’avais plus voulu entendre parler de lui (notes du 17 septembre 2021)

 

 

9 janvier

 

Il y a une quinzaine de jours, Tibère m’avait proposé une place dans sa revue : un article consacré à la musique. J’ai accepté et commencé en prenant quelques notes :

Mon avantage : être arrivé à la musique « sérieuse » après l’expérience du rock et du free-jazz.

Mélomane : qui aime une musique et non pas la musique.

Quiconque issu du classique ne pourra jamais, à quelques rares exceptions près – quoique je n’en connaisse pas –, accéder à quelque autre musique que ce soit. L’enseignement tue. L’éducation telle qu’elle est pratiquée – et la musique ne s’enseigne pas, mais se transmet, ou se partage – condamne le client du Conservatoire à la séquestration à perpétuité dans le cocon suave des*       

Voir Bartók et Stravinsky qui s’essaient au « jazz ».

A contrario Stockhausen pour Samstag aus Licht**…

 

* tel quel, inachevé

** encore que ça reste tout de même un peu policé (notes du 17 septembre 2021)

 

 

14 janvier

 

Pour la première fois, Marian a véritablement joué. Pour la première fois, il a exécuté une pièce de musique, a été, l’espace d’une demi-heure, un musicien. D’un bout à l’autre, il s’est attaché à tirer le maximum de lui-même et de la partition, et même davantage puisqu’il a interprété cette petite pièce simple comme elle n’était pas écrite, c’est-à-dire qu’il l’a interprétée à sa manière (interprété est on ne peut plus juste), tel qu’il le ressentait, et a alors fait de cette composition sa composition. Il fallait nous voir sérieux comme des popes, à discuter de telle note à allonger ou à raccourcir, de telle autre à affaiblir au privilège d’une autre, lui, le visage tendu et grave, les yeux froncés rivés sur le papier, et moi, tout aussi sérieux, qui lui proposais telle ou telle correction, l’invitais à reprendre. Tout à la fin, lorsqu’enfin il est parvenu à la perfection, à cette perfection qu’il s’était donnée comme but (en reprenant inlassablement, sans cesser de répéter « non, ça ne va pas », « non, ce n’est pas ça » alors que je ne disais rien, trouvais déjà très bien ce que j’entendais et n’en demandais pas davantage), idée musicale qui avait pris forme dans sa tête et qu’il voulait atteindre et entendre, et a atteint, moment que nous avons ressenti ensemble (c’était ce moment-là et aucun autre), lorsque la dernière note s’était éteinte, il y a eu un silence, un long silence que je me suis senti le devoir d’interrompre en tâchant d’exprimer au mieux ce que je ressentais. Alors, le plus simplement du monde, je lui ai dit : « Marian, je suis très content. » Il a tourné la tête vers moi et, sans quitter son air grave, mais avec un léger sourire, a dit : « Moi aussi, je suis très content… » La pièce 21 du Mikrokosmos de Bartók est le premier morceau de musique de Marian… (Je n’arrête pas de répéter autour de moi que les cours de piano me pèsent, mais dans ces moments-là, je me demande si je ne pourrais pas y prendre goût…)

 

 

15 janvier

 

J’ai passé une heure avec Valérie, cela faisait des mois que je ne l’avais vue. Elle avait l’air en pleine forme. Nous avons reparlé de Domicile conjugal qu’il faudrait remettre en route…

 

21 janvier

 

Je reviens de chez Valérie où j’ai fait la connaissance de son fils. Ce n’est qu’à ce moment-là que je me suis rendu compte que j’avais oublié de lui faire un cadeau. Je vais lui écrire une pièce…*

 

* je ne l’ai pas fait (note du 17 septembre 2021)

 

22 janvier

 

Assemblée générale de STAZI avec Mia et Fanny à La Brugeoise, l’une trésorière, l’autre secrétaire, et moi président. Olivier était à la galerie, il a feint un rendez-vous urgent pour éviter de me rencontrer. Il a honte… Compte-rendu de l’AG : le steak « américain » est bien, le sauté de veau un peu salé (mais elle* aime tant l’estragon) et le filet de courbine délicieux (F. boude les légumes : elle vit trop bien)…

 

* tel quel dans le manuscrit (note du 17 septembre 2021)

 

 

30 janvier

 

Je suis allé à un spectacle au Centre Culturel d’Haubourdin. Kiosk, danse et musique. Deux danseuses, deux musiciens ; ou plus exactement un musicien et une musicienne : Valérie. Elle à la contrebasse, l’homme au sax, clarinette et percussions d’appoint. Ils ont tous deux signés la musique, petits motifs courts à la contrebasse pour accompagner les deux danseuses durant la première partie (l’influence Philoxène n’était pas loin, d’autant que l’une d’elles a participé à quelques unes de ses chorégraphies) ; deuxième* partie entièrement musicale, des choses simples, sans prétention, nettes et ourlées ; jeu complice entre eux deux dont un passage assez étonnant, tous deux se servant de la contrebasse comme d’un instrument de percussion. J’ai été très surpris de découvrir Valérie dans ce type de prestation ; je l’ai toujours vue très sage derrière son archet et là elle tapait et frappait son instrument ou pinçait à la jazz de pizzicati ronds et lents comme une petite sœur de Haden… J’ai à peine vu la danse, la présence de la musique était très forte, presque trop. Pour mémoire, un beau passage exécutée par elle seule, variations sur les cordes à vide. Je lui en parlerai…

 

* seconde (note du 17 septembre 2021)

 

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