État de tristesse, et tristesse est bien le mot. Hier soir, j’étais à côté d’Éléonore, dans le sofa de son bureau, là où se trouve désormais ma bibliothèque. Je lisais. Nous lisions, comme nous le faisons souvent depuis que j’habite cette maison, lire l’un à côté de l’autre dans ce sofa de ce bureau. Mais je ne lisais pas ; je n’ai pas retenu un traître mot de ce que j’avais devant les yeux. Je pensais à l’appartement, pensais aux trois années que j’y ai passées, aux liens qui m’attachaient à lui, et lui à moi, et qui, à mon étonnement, ne se défont pas. Au contraire. La fin approche et je me rends compte qu’en vérité ils étaient plus forts que je ne le pensais. Je disais que c’était le quartier que j’allais regretter, mais en définitive, c’est avant tout l’appartement. Mais aussi le quartier, Lille, l’appartement et ce que tout cela signifiait à la fois pour moi et pour les autres qui m’y ont connu, y sont venus. La première fois que j’y avais mis les pieds, j’avais pensé : « c’est chez moi, je suis chez moi ». Il n’était pas encore libéré, il n’était même pas dans l’intention d’Adolphe de le libérer, mais j’avais su aussitôt que j’y étais entré que ce lieu était mien, qu’un jour il serait à moi. Et il l’a été ; et aujourd’hui que je vais l’abandonner, il est encore à moi. Le déménagement allant, je m’en suis un peu détaché et le lien s’est desserré. J’ai appris tout doucement à le quitter...