Outre la supérette, se trouve une minuscule galerie commerciale ; c’est dans cette galerie que se trouve la boulangerie sous la forme d’un long comptoir vitré. Le long de ce comptoir s’alignait une queue de six à sept personnes ; je m’y suis ajouté. Derrière, il y avait une serveuse et une caissière ; on commande à la première, on paie à la seconde en bout de comptoir. À un moment donné, j’ai tourné la tête vers la caisse ; en deuxième ou troisième position de la queue, j’ai remarqué un profil féminin. Ce profil m’était familier, et il ne m’a pas fallu longtemps pour y reconnaître celui de Valérie. Mais j’ai eu un doute, et c’est à ce moment-là que mon regard s’est posé sur une surface sombre et polie située derrière la caissière ; le visage de la fille s’y réfléchissait et j’ai fixé ce reflet, sans parvenir à dissiper le doute, mais tout en étant certain qu’il s’agissait d’elle. Ça a été son tour, elle a commandé, et alors qu’elle payait, m’est revenue à l’esprit cette idée d’une présence à l’excès de ma part, et cette autre, tout aussi absurde, qu’elle pouvait se méprendre sur ma présence à cet endroit-là, à ce moment-là, placé derrière elle comme si je l’avais suivie, et en un lieu où je n’avais rien à faire puisque je n’habitais pas le quartier et que le fait que Léo habite à deux pas de chez elle – elle ne l’ignore pas puisque je le lui ai dit – était insuffisant pour la justifier...