Dans un café du centre, j’ai rencontré la violoncelliste dont Valérie m’avait parlé. Elle s’appelle Aurélia. Je lui ai décrit le projet de long en large, comme je le fais à chaque fois, et, évidemment, lui ai parlé de Valérie, comme je le fais aussi à chaque fois. Elle m’a demandé comment je l’avais rencontrée. Je le lui ai raconté, les douze pièces pour piano, puis comment elle est devenue à la fois la pianiste des douze pièces et la contrebassiste de Journals. « Mais », ai-je ajouté, « elle jouera aussi du piano pour le Journals puisque la pièce qui porte son nom est pour piano. » Elle a aussitôt relevé la coïncidence, a eu un sourire taquin et dit : « C’est tout de même curieux... » J’ai dit : « Oui, c’est curieux. » Mais elle a insisté, avec le même sourire et le même ton entendu, comme si elle voulait me faire dire que je l’avais sciemment écrit pour elle. « Non, ça a été écrit bien avant que je ne la connaisse. » Puis, en consultant ses propres partitions dont le quatuor Élisée où le violoncelle est pris par la contrebasse : « C’est drôle que tu aies mis là une contrebasse ! » Elle l’avait dit sur le même ton et avec le même sourire comme complice, comme si, de même, je l’avais fait sciemment. Puis elle m’a parlé de l’enregistrement qu’elles devaient effectuer le soir même pour la télé avec l’orchestre où elles jouaient. « Ça passera samedi prochain sur la trois. » J’ai aussitôt pris de quoi écrire pour le noter, tandis qu’elle ajoutait : « On verra bien tout l’orchestre, et surtout les contrebasses... »