Elle m’avait déjà plus ou moins parlé de ses doutes, de ses questions, de son manque de confiance en elle, de son état d’esprit depuis quelques mois, de son sentiment d’égarement ; elle m’en reparlait, mais cette fois avec davantage de véhémence, de fébrilité, de confusion, car c’était lié à un fait tout frais. À cette confusion s’est allié le désordre, et j’avoue que je n’ai pas tout saisi : elle voulait tout dire en même temps, tout en ne sachant vraiment que dire, ou comment le dire, et je me reconnaissais dans ce comportement : le désordre des pensées, des idées et des sentiments, et la difficulté de les remettre en ordre et de les exprimer, de les formuler... Je l’ai écoutée, et comme j’ai pu, conseillée. Puis nous avons parlé d’autre chose et à partir de ce moment-là s’est installé un climat de familiarité, de relâchement, de détente qui a fait qu’il ne s’agissait plus d’une communication téléphonique, mais bien d’un échange ; l’appareil et les trente kilomètres qui nous séparaient n’existaient plus, nous étions l’un en face de l’autre et nous connaissions depuis toujours, alors que je n’avais jamais su comment me comporter avec elle, jamais su ce qu’elle pensait, je ne la comprenais pas, ne la cernais pas. Ça m’a touché et presqu’ému...