Je l’ai achevé ce matin après l’avoir lu à raison d’une vingtaine de pages par jour, pris entre plaisir er déplaisir. Le déplaisir l’emporte (la fréquence de lecture en est l’indice). Je l’ai dit, quelque chose ne va pas et, après réflexion, je pense qu’il s’agit de la partie du narrateur qui, souvent, donne l’impression que celle consacrée à Salagnon n’est qu’un prétexte, une illustration. Le narrateur dérive, déborde, s’offre des digressions interminables et souvent sans objet (comme cette femme énigmatique, « mon cœur », qu’il rencontre à la fin ; que vient-elle faire là ?). L’espèce de manifeste qui marque les dernières pages me semble inutile, rend vain le récit guerrier de Salagnon : le récit suffit, sans explications, ou développements, ou analyse de quelque sorte que ce soit. Les états d’âme ou de santé du narrateur alourdissent et ralentissent la lecture ; j’attendais, à chaque fois, que ça se termine pour retrouver Salagnon, en Indochine, puis en Afrique du Nord, et principalement à Alger. Et puis ? J’ai été tenu par le récit parce que c’est bien raconté et que ce type de récit de guerre attache toujours pourvu que ça soit bien raconté ; à un moment donné, je me suis même demandé si Lartéguy (il y en avait à la maison, mon père le lisait, et j’ai dû en lire, adolescent) ne parvenait pas au même résultat (et peut-être mieux dans la mesure où il avait été officier et correspondant de guerre et avait effectivement participé à ces guerres-là). Que dit-il, qu’écrit-il ? Ne dit-il pas les mêmes choses ? Et que dit Jenni qui, à présent, n’ait été dit ou écrit, qui, à présent, soit su ? Mais c’est de bon ton de nos jours, les colonies, les musulmans, les beurs, la citoyenneté donnée aux « étrangers », la question de l’intégration, l’impossibilité d’une quelconque mixité. Ce roman ne serait donc qu’opportun ? (J’ai renoncé à relever les multiples incorrections grammaticales et, bien sûr, l’affreux passé simple, plus haïssable que jamais...)

 

10 mars 2016