À cause du contrôle interminable des voitures qui nous précédaient à la douane anglaise, nous avons loupé le ferry, avons dû attendre le suivant une heure et demi plus tard. Dans l’un des sièges du « terminal » (ce genre d’endroit porte-t-il un nom ? « lounge » disent-ils de l’autre côté), j’ai poursuivi Namiya en maugréant face à l’intrigue et à l’écriture qui commencent à se relâcher (typique des traductions, celles du japonais en particulier : en cours de route un relâchement se produit, comme si l’auteur en avait un peu assez et écrivait au petit bonheur – et le traducteur – traductrice, en l’occurrence – serait bien obligé de s’y conformer, à moins de passer un temps interminable à essayer de tout redresser – mais devrait-il, pourrait-il s’attaquer à la forme et donc véritablement réécrire ?). Le temps était exécrable, vent, pluie, et ça a été pire à Douvres qui d’ordinaire nous accueille avec le soleil… Dans le ferry, au retour, j’avais poursuivi Namiya, de plus en plus agacé. C’est mal fichu, mal construit, longueurs, détails inutiles qui nuisent à la fluidité de l’histoire, mal écrit, on dirait un texte de débutant (« c’est pour les enfants », avais-je dit à Laura, encore qu’il n’y ait aucune raison qu’un texte soit bâclé sous prétexte qu’il s'adresse aux enfants). Il me restait un chapitre que j’ai lu en finissant ma cigarette dans la cuisine. Ça se termine bien, contre toute attente, ou plutôt : il s’en sort bien ; je le conserverai. (Je lis avec consternation, sur la quatrième de couverture, que ce texte a remporté un « prix de littérature traduite » alors que les bourdes ne font que se succéder à partir du milieu du texte. « Pourquoi tu le lis jusqu’au bout ? » m’a demandé Laura. « Pour voir comment ça finit », puisque, tout de même, cette histoire était intéressante et finalement prenante… Je suis toujours aussi émerveillé face au poids que peut supporter un bateau, les camions, les voitures, les passagers, émerveillé face à cette masse flottante et à sa stabilité en mer (il y avait beaucoup de vent sur la route du retour)… Je note les Pakistanais en grand nombre dont beaucoup derrière les comptoirs des bars (c’est nouveau) ; dans les rues, aussi, au supermarché (moche dans le cas du Morrisson – je n’avais jamais entendu parler de cette chaîne –, c’est rare en Angleterre)… L’hiver, la nuit tombe à quinze heures trente ; les Anglais passent la moitié de leur vie dans l’obscurité – on s’étonnera après qu’ils soient pâles…

 

29 décembre 2022

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