Suite, 6 novembre :

« Je dois m'absorber complètement dans mon travail,

c'est la seule chose qui soit permanente, mûrisse et dure. »

Où est l'erreur ? Qu'est-ce que ça veut dire ?...

 

Le 23 mars, elle écrit :

« Eva, je me connais [...]. »

 

Puis le 12 avril :

« Eva a vu tous les gens connus [...]. »

(Plus loin, cette étrange formule :

« Suis-je vraiment capable d'essayer ? »

J'espère que ce n'est pas le fait d'une mauvaise traduction...

 

Le 20 août :

« J'aime Tom un peu plus chaque jour. C'est si beau et total. Je n'ai pas tenu mon journal, je n'arrive pas à écrire comme avant, à ce moment-là c'était une personne en quête d'amour qui écrivait. C'était le sujet principal, le thème sous-jacent. Une fille jeune à la recherche d'elle-même, de la vie, du partage, essayant de se trouver. J'ai tout ce que je pouvais rêver, désirer. » Puis elle cesse de tenir son journal pendant plus d'un an. Cela m'intrigue, et me déconcerte un peu. « J'ai tout, ce n'est plus la peine de tenir le journal. » Donc d'écrire. Le journal est donc là un guide, un confident, un remède ; une prothèse, en quelque sorte. En tant qu'expression, il est accessoire puisqu'elle est peintre. Mais il est tout de même lié à la peinture puisqu'elle s'y cherche par l'écrit : questions sur elle-même, sur elle en tant que peintre, sur l'art. Elle l'interrompt pourtant. Comment peut-on interrompre un journal alors qu'il tient une part importante dans sa vie ? (Mais j'ai eu aussi des périodes d'interruption, arrêts que rien ne pouvait laisser présager. J'en reste encore très étonné. Aujourd'hui, il me semble absolument impossible (et impensable) de l'interrompre. C'est réellement une part viscérale de moi – est-ce seulement parce qu'il est devenu le lieu même de mon écriture et de là, un objet de publication ?)… Nul doute que dans l'attirance que je ressens pour Eva entre pour une part son destin tragique. (Ne l'ayant pas su, aurais-je lu son journal avec le même regard et le même intérêt ? voir mes propos concernant ???, son nom m'échappe tout à coup…) (Orton...)

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