Étrange comme les états d’esprit changent, basculent, passent en un clin d’œil du pire au meilleur. J’en ai encore eu la confirmation cette après-midi. Pour je ne sais quelle raison (façon de parler puisque les raisons je les connais bien), je me suis vu tout à coup plongé dans une espèce de profonde détresse qui, j’en ai été sûr durant deux heures, était l’amorce de cette crise dont je parlais il y a peu et dont j’attends l’arrivée depuis quelques jours. Profond dégoût, violente haine et honte vis-à-vis de moi-même : qu’est-ce que je faisais dans cette salle, seul, face à des milliers de dossiers, qui constituent mon décor plusieurs heures par jour ? Soudaine impression, sensation d’être un rat dans un piège, une portion de néant perdue et oubliée dans l’immensité d’un monde qui tourne et vit sans moi. Fichu, je suis fichu, tout est fini ; j’ai eu la soudaine conscience que ma seule et véritable place était ici, dans ce sous-sol silencieux et non sur je ne sais quelle scène à laquelle je m’étonne de réussir à croire encore après toutes les preuves que ça ne se fera jamais. Même la simple idée de la lecture m’écœurait, car c’était me lier davantage à cette condition