Éléonore m’a dit qu’elle avait trouvé sur l'étagère supérieure de mon ancienne bibliothèque (qui est aujourd'hui la sienne), un livre qui m'appartenait : Retour d'U.R.S.S. de Gide. J'ignorais que je l’avais. Je l'ai aussitôt entamé, à côté d'elle, dans le petit sofa de son bureau, tandis qu'elle lisait un Golding. Très vite, à la lecture des premières pages, ton condescendant d'intellectuel parisien qui s'émerveille devant la décence et le propreté des ouvriers et paysans soviétiques, je me suis emporté. En vérité, c’est le mot « vulgarité » qui en a été la cause. De là, une discussion au sujet de la vulgarité, mot honni. Nous ne nous sommes pas compris. Ce que j'y mets, ce que j'y sens est très difficilement transmissible, nous sommes tombés dans une impasse... Je l'ai lu dans la foulée. Le ton condescendant et vaguement naïf disparaît pour céder la place à une certaine lucidité. Gide, au bout du compte, n'est pas dupe et reconnaît ses erreurs de jugement précédents, reconnaît qu’il s’est laissé avoir...