
De la substitution de valises, dixit
l’auteur : « On part avec une petite trousse en
cuir dans laquelle on a mis son rasoir, des lames de rechange, une chemise et
quelques mouchoirs de poche ; et l’on retrouve, au terminus, un
vieux sac de toile éculé contenant un saucisson non enveloppe et, à côté, un
papier gras. C’est ainsi que je suis entré en possession de ces
lettres. » C’est-à-dire ? Je ne comprends pas.
Comment la chose s’est-elle faite ? Il n’y a pas substitution
puisque les bagages sont différents. Que s’est-il passé ? Il y a une
trousse et un vieux sac (où ?). La trousse disparaît –volée, donc.
Reste le vieux sac. Pourquoi l’auteur prend-il le sac qui n’a rien
à voir avec sa trousse ? Pourquoi l’ouvre-t-il ? Cette
situation me paraît incohérente et invraisemblable. Pourquoi ne donne-t-il
aucun détail sur cette découverte ? et les circonstances de cette découverte
me semblent aussi importantes, voire davantage, que les lettres par
elles-mêmes. En outre, il s’agit de lettres d’amour, une liasse de
lettres qui, sans nul doute, appartenaient à leur destinataire. Rien de bizarre
à ce qu’il les ait conservées, d’autant qu’il y apparaît
comme un séducteur (qui ne répondrait, n’aurait répondu à aucune
d’entre elles – encore que Gadenne ne les livres pas
toutes ; ce n’est qu’un choix, et c’est peut-être
dommage). Toutefois, une lettre d’homme y figure, un homme dont Gadenne
dit qu’il est le destinataire (appelé Lucho par les femmes, tandis que la
lettre est signée Ludovico – mais le premier est certainement
le diminutif du second), lettre qui l’aide (Gadenne) à circonscrire tout
à fait le personnage qu’il qualifie de médiocre et d’haïssable
(« conquérant à la petite semaine »). Cette lettre lui est revenue.
Est-il imaginable qu’il l’ait conservée au sein de toutes les
autres qui lui étaient adressées ? Pourquoi l’aurait-il conservée et
jointe aux autres ? Par vanité de Don Juan de province ? (pourquoi
de « province » ?) Bref, je doute de leur authenticité (en
soi, ce n’est pas gênant, au contraire, mais si Gadenne a voulu jouer ce
jeu-là, il s’y est mal pris).