Le lendemain, l’agent de santé du comté est passé, ainsi qu’une femme membre du conseil de l’école. Finalement, Mme Gant a accepté de laisser Zilphia entrer au collège, à la condition qu’elle ne soit en aucun cas autorisée à fréquenter des garçons. Chaque matin, en châle et chapeau noirs, Mme Gant l’emmenait à l’école ; à midi et à trois heures, elle fermait et verrouillait la boutique et, en tablier de toile cirée muni d’une poche pour les bobines, une autre pour les ciseaux et le giron de sa robe noire ornée d’aiguilles enfilées, elle allait chercher Zilphia et la ramenait dans la pièce aux barreaux au-dessus du terrain vague et des ordures de l’épicerie.

À l’école, Zilphia s’est fait des amies. Comme elle n’avait pas le droit d’aller chez elles, ce sont elles qui venaient chez elle ; elles jouaient dans la pièce du fond. Deux ans se sont écoulés avant que Mme Gant permette à Zilphia de rendre visite à ses camarades de jeu chez elles. Elle leur a d’abord tiré la promesse qu’elles éviteraient les garçons. Mais au préalable, elle s’était assurée qu’il n’y en avait pas dans le voisinage. À une certaine heure, elle fermait le magasin, allait chercher Zilphia et la ramenait à la maison.

À douze ans, Zilphia a subitement refusé de rendre visite à ses camarades de jeu et a demandé à sa mère de la laisser quitter l’école. Pour terminer, elle lui a dit qu’elle avait honte que les gens ne la voient jamais dans la rue sans sa mère. Mme Gant ne l’a pas laissée quitter l’école, mais elle ne pouvait pas l’obliger à quitter la pièce aux barreaux l’après-midi, et Zilphia a passé une autre année dans la pièce au-dessus du terrain vague et des ordures de l’épicerie. Il n’y avait toujours pas de rideaux à la fenêtre, mais les barreaux y étaient toujours. À la fin de cette année-là, Zilphia a de nouveau dû voir un médecin.

Durant la convalescence de Zilphia, Mme Gant lui a acheté une cuisinière de poupée.

« Quand tu seras rétablie, tu pourras cuisiner ici », lui a-t-elle dit. « Tu ne voudras plus sortir, n’est-ce pas ? » Les yeux écarquillés de Zilphia trouaient son visage maigre, et elle avait toujours la manie de pleurer soudainement et sans raison. « Je ferai des robes pour toutes les poupées », a dit Mme Gant. « Tu pourras leur faire un goûter tous les jours. »

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