Bonjour monsieur Burnhoven,
Je vous recommande chaudement Le zen de l'art chevaleresque, en espérant
qu'il vous plaise. Quant aux Bienveillantes (qui n'entretient aucun
rapport avec Castaneda et le zen – quoiqu'en cherchant, il ne soit pas
impossible d'en trouver un), je ne sais dans quelle mesure je le recommanderais.
Je vous l'avais donné comme exemple de surcharge, de surcouche. À plus d'un
titre, c'est un texte étonnant qui aurait été extraordinaire avec 400 pages de
moins (il en fait 900 d'un texte bien serré). Il avait beaucoup fait parler de
lui, très critiqué en bien ou en mal. Il s'agit, pour résumer et reprendre ce
que j'en avais entendu, d'un « bourreau nazi » (en fait, il ne l'est en rien)
qui se raconte ; ça avait beaucoup choqué et dérangé. L'auteur est bilingue,
américain (états-unien ?) et français, avait écrit ce livre en français, et ce
point avait eu sa part dans l'encre qu'il avait fait couler. Pour parfaire, il
avait reçu le Goncourt. Il n'y avait là rien qui puisse m'attirer (surtout le
Goncourt, j'ai déjà été bien échaudé à ce sujet). Un ami m'en avait parlé en
bien, je l'avais vu sur un étal de puces et, malgré sa masse, l'avais acheté (je
suis sûr que je ne l'aurais jamais acheté neuf), puis entamé avec réticence et
finalement avait été emporté ; jusqu'à ce que... Je n'en dirai pas davantage; je
ne voudrais pas influencer votre lecture si un jour vous êtes amené à le lire.
Du moins, le décor est planté. Mais je pense tout de même qu'il vaut la peine
d'être lu...
J'ai commandé le deuxième livre de Castaneda.
Bien à vous et à bientôt, sans doute.
Le sorcier
(Je suis un sorcier, c'est magnifique !)
(Il y a une vingtaine d'années, j'avais entendu Godard dire cette chose
surprenante, très juste et vraie : « Les États-Unis sont le seul pays au monde
dont la population n'a pas de nom. Les Canadiens, les Péruviens, les Mexicains
sont aussi américains. Il faudrait les appeler les États-uniens. » Depuis, je
l'utilise à l'écrit, mais, bizarrement, jamais à l'oral, j'ignore pourquoi.
« Américain » s'impose naturellement, et obstinément, et je suis stupéfait qu'un
mot – ce mot ou un autre, mais surtout ce mot – se soit ancré avec une telle
force dans nos habitudes (et tics) de langage ; je ne parviendrais pas à dire
« le cinéma états-unien », « tiens, j'ai vu deux États-uniennes », « Trump, le
camembert états-unien » (pourtant, cette résonance extra-terrestre leur va si
bien, et à lui, tout particulièrement : c'est un envoyé de l'espace – je suis
d'ailleurs étonné que personne ne s'en soit aperçu). J'avais pensé qu'il l'avait
inventé, mais j'avais ensuite appris que le mot était attesté ; mais il ne s'impose pas
dans la langue et je pense qu'il ne s'imposera jamais – de la même manière que
les Néerlandais resteront toujours des Hollandais, comme si, pour parler des
Français, les étrangers disaient les Franciliens).
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