Ô regards, ô baisers ! adorable morsure
Qui brûle au bout des temps mon sang ressuscité !
Femme pour me guérir, ulcère la blessure ;
Ce tourment, ce salut, je l’ai bien mérité,
Puisque toujours, partout, dans les bois, dans les villes,
Chez Tasse, chez Spencer, chez Watteau, chez Vinci,
J’ai défendu mes yeux contre les formes viles,
Fidèle à toi, beauté, tel que je reste ici ;
Puisque j’ai supporté des fortunes étranges,
Et subi les sueurs des chemins tortueux,
Et repoussé parfois la sagesse des anges,
Pour t’écouter toi seul, ô sphinx voluptueux ;
Puisque je dompterai les harpes et les lyres
Pour que le monde ému s’associe à mes vœux,
Et puisque j’oublierai le salut des empires
Pour voir sur ton cou fort friser tes noirs cheveux,
Pour me désaltérer à l’eau des sources vives,
Sur ta lèvre de pourpre, ardent miroir du jour ;
Pour me reprendre, ingrate, au bonheur dont tu prives,
Malgré tout le passé, mon immuable amour !