Le clinique, le médical, encore et toujours. Crash n'est pas un monde fantasmatique ; Vaughan, Ballard (le narrateur, l'auteur lui-même) ne sont pas livrés à leurs fantasmes, ou à des fantasmes ; c'est ici en plein le règne du « paysage intérieur », c'est-à-dire l'application au réel de son propre réel... Crash peut être un monde mental mis en images écrites et mentales (c'est de la littérature ; l'imbécile qui en a fait un film n'a rien compris)...

La notion de prothèse chère à Ballard : pas la prothèse médicale telle qu'on l'entend, mais tout appareil ou ustensile ou machine nés de la technologie dont se sert l'homme comme prolongement (aide, soutien, support) : le téléphone, la télévision, l'ordinateur, l'automobile ; et, aujourd'hui, le portable qui en est sans doute la manifestation la plus éclatante : c'est accroché à soi, comme élément inséparable, indissociable (illusion de la nécessité absolue, on ne peut plus s'en passer ; illusion de l'urgence, de l'importance ; illusion de la praticité – confusion dans les termes : le portable n'est en rien un objet plus pratique, ou simplement pratique, car il n'améliore pas, ne résout pas une difficulté ou un embarras)...

Constance chez Ballard : pas d'amour, ni de sensualité, ou même de sensorialité (pas de « poésie » amoureuse, de romantisme) : les relations sont purement sexuelles et le langage cru, brut, froid, et le vocabulaire exclusivement médical (avec, pourtant, cette exception, p. 56 : « Her vulva was a wet flower. » Sa vulve était une fleur humide – mais je note le jeu sur les « v » et « w » ; ou est-ce un clin d'œil au surréalisme dont il s'est tant inspiré ?...)

20 décembre 1999