SEL II
intégral
insondable recueillait, grâce au balayage automatique du filet, les cailloux et déchets de météorites qui venaient là terminer leur errance galactique, tout en augmentant insensiblement le poids du satellite. On s’est installé au bar. « Hello, mes belles ! a lançé Pfaal joyeusement. Un flacon de Bell pour la route et deux de mon meilleur whisky, on the rock’s. » Puis, se retournant vers moi : « Et ensuite, nous y allons ! L’appareil qui m’a rendu célèbre nous emmènera en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. » Si l’on voulait en croire l’inscription sur son cache-cœur, c’est Lulu qui est venue servir en fredonnant sur l’air qu’émettait le piano mécanique. À sa suite est arrivée une fille menue aux yeux rieurs qui a salué l’assemblée d’une révérence avant de s’approcher du piano et de commencer à chanter. Les autochtones ont applaudi. Ils ne ressemblaient pas tous au vilain nain décrit par Poe, malgré leur teint gris et passablement ombrageux. J’ai supposé que la fille qui chantait était l’amie de Lulu, qu’il s’agissait de Jeanne. Elle était très belle, ses yeux rieurs et son étrange beauté m’ont donné l’air rêveur, Pfaall l’a remarqué. « Elle vous rappelle quelqu’un, n’est-ce pas, Jeanne fait cet effet-là, personne ne peut y résister. » « Vous avez raison, mais je ne saurais dire à qui elle me fait penser. Je vais vous faire une confidence, Pfaall : toutes les filles qui me font rêver me renverront malheureusement toujours au même rêve d’une même fille. » Pfaall a commandé deux autres whiskies. « Voulez-vous me faire le plaisir de ne pas laisser votre rêverie glisser en mélancolie, ce serait absolument détestable, et incompatible avec le voyage que nous allons entreprendre. Mais peut-être voudriez-vous que nous emmenions votre amie, celle avec qui vous êtes venu, qui était attifée comme un pingouin ? » « Oh ! laissons-la voulez-vous, elle ne supporterait pas les vapeurs des bars et pour voyager elle préfère les trains. Par ailleurs il faut s’en méfier, elle a la bouche gourmande. » « Alors embarquons ! Mais dites-moi, comment puis-je vous nommer ? » « François Rabebeau si cela vous convient. » L’appareil de Pfaall, toujours couvert de journaux crasseux, fonctionnait admirablement et d’une façon on ne peut plus simple que je ne saurais expliquer. Il n’avait cessé de l’améliorer. J’ai quitté la lune en sachant que je pourrais y revenir avec mon nouvel hôte, dont la compagnie était fort agréable et le whisky délicieux. La bouteille de Bell a tout ;