SEL II

intégral

 

 

être surpris car jamais une seule fois Naomi n’avait occupé mes pensées depuis sa disparition de ma vie, mais j’ai accepté cette transformation, sans rechigner, comme si j’avais déjà eu la conscience que rien de tout cela n’était vrai et que j’allais me réveiller dans quelques instants. Nous avons couru en riant et lorsque nous sommes arrivés à la gare, un train s’ébranlait. Nous sommes montés, mus par je ne sais quel carburant d’exception, moi étant à la fois le véhicule et le pilote de ce véhicule, elle se serrant contre moi, ensorcelé. Fini, Naomi et sa bonnette d’infirmière claquant dans le vent comme les ailes d’un oiseau agile des mers d’ailleurs, j’imaginais encore sa seringue à la dimension à présent d’une batte de base-ball dont elle fouettait l’air en hurlant des imprécations. « Aya yohé, alala ! » C’était terrifiant, mais je me suis ressaisi, car en même temps, ce qui nous arrivait s’annonçait si exaltant que j’en avais les larmes aux yeux, et plus nous nous rapprochions, plus j’étais loin des nuages sombres de la veille, et plus je sentais cette exaltation monter en moi, identique sans nul doute à celle qu’avait dû connaître Hans Pfall lors de son périple jusqu’à la lune. Plus jamais je n’entendrai : « Haoyé hoya lala ! » Elle en bavait de joie, et cette bave sortant de la bouche de Naomi qui ne l’ouvrait que pour y glisser des pastilles m’a encore fait frissonner.

Mais ce n’était pas elle, j’avais déjà eu tendance à l’oublier, et comme nous dépassions la stratosphère de cette station stellaire (elle revêtue à présent d’une peluche d’amiante, ce qui à mes yeux la désignait définitivement comme pingouin, et moi d’un poncho fait d’un tressage de quarks fins qui m’avait très bien protégé lors du passage de la stratosphère), son véritable visage est revenu, et avec lui dans un frisson le souvenir de cette partie intime qui était mienne avant qu’elle ne me castre, et dont elle s’était délestée au moment de l’arrivée du commissaire des trains. Trains ? Mais de quel train s’agissait-il, au fait ? J’ai ri pour ne pas pleurer en pensant à la substitution de mon intimité. Comme les glissements de langues peuvent être savoureux pour peu que l’on s’y arrête et s’y attache ! Train ! J’ai pouffé de nouveau en observant mon esprit procéder à la substitution, puis, l’un amenant à l’autre, en suivant mes doigts ;