SEL II
intégral
J’ai repris connaissance au son d’une voix qu’inconsciemment j’avais, par réflexe, vérifiée comme n’étant pas la sienne. Aussi, prudemment, je n’ai pas immédiatement ouvert les yeux et me suis efforcé de ne remuer aucune partie de mon corps, conservant de la même façon un rythme lent et régulier à ma respiration. On m’avait déplacé, c’était sûr, mais où ? J’ai tendu l’oreille pour tenter d’isoler un indice quelconque qui aurait pu me renseigner mais tout restait extrêmement diffus. J’ai ouvert les yeux, je n’ai vu que du jaune, un ocre très profond illuminé par le moucharabieh devant la fenêtre sans vitre. La voix s’est fait de nouveau entendre, elle venait de l’extérieur et non du bâtiment. Dans une langue que je n’ai pas identifiée. Du bâtiment, rien, à part par moi, il semblait inoccupé. Je me trouvais dans une chambre qui n’avait rien d’une clinique, mais plutôt d’une chambre d’amis. En guise de table de chevet, un secrétaire de style colonial, et posé dessus, j’ai reconnu mon carnet de notes. Et c’est avec une agilité surprenante que je me suis levé du lit. Je me sentais en forme, reposé. Risquant un œil au travers des interstices du volet, j’ai vu le reste de la maison, un mur devant, assez élevé et, saisissant mon cahier, je suis sorti en l’emportant dans mes bras comme s’il allait avoir froid. Au bout du patio, une jeune femme peignait à même le mur, sur sa partie gauche, située à l’ombre. Elle exécutait une sorte de fresque urbaine assez foldingue, tout en remuant des reins au son de ses écouteurs. Elle était coiffée d’une façon tout aussi démente, mais quand elle s’est mise à chanter, elle n’avait soudain plus les mêmes traits d’adolescente, elle était devenue une femme. Je suis allé vers elle, et lui tendant mon carnet où j’avais dessiné une locomotive bleue, je lui ai demandé de m’amener dare dare à la gare. Elle avait compris, elle a hoché le chef, elle acceptait. D’autorité, j’ai plongé ses pinceaux dans l’eau tiède et la dirigeant vers le portail, j’ai pris le bras de celle que maintenant j’emmenais au long de cette trajectoire éthérée, en direction d’une « re-destination au centre des cornues » dont je ne connaissais rien encore. On était à présent bien loin de Naomi, la petite perfide à l’esprit salace et malice. J’aurais dû ;