SEL II
intégral
j’avais, dans ma chute, emmené et arraché mes perfusions. Avant même d’avoir le temps de remonter sur le lit j’ai su qu’une agitation allait se produire, en réaction à l’alarme qui avait secoué la totalité des compartiments. J’ai entendu une cavalcade dans le couloir, la porte s’est ouverte, deux molosses nus comme des vers se sont précipités sur moi, m’ont jeté sans ménagement sur le lit, m’ont menotté les poignets de chaque côté du lit avant de disparaître, pendant que l’infirmière, évaporée et impavide, souriait de toutes ses belles dents, son chewing-gum informe et gluant toujours en bouche. « Eh bien, que vous est-il arrivé ? vous avez raté une marche ou quoi ? Ne vous inquiétez pas je vais vous rebrancher tout ça en un rien de temps. » « Dites, mademoiselle, je voudrais comprendre, que m’a-t-on fait ? et qui est là derrière le paravent ? et qu’est-ce que fait ce paravent là alors que nous sommes censés être arrivés ? » « Vilain curieux », me dit-elle en faisant exploser son chewing-gum. Puis elle s’est approchée de moi en esquissant un mouvement de danse, une espèce de boléro agrémenté de paso-doble sur lequel on n’avait peu de peine à deviner des accents de samba. Sans son uniforme d’infirmière j’aurais pu croire qu’elle voulait me faire la danse des cinq voiles, telle celle que cette chère Razad aimait à déployer pour ses mamelouks favoris. Elle s’est assise au bord du lit, s’est penchée vers mon oreille en posant une main sur mon bras qu’elle s’est mise à caresser du bout des doigts. « Je ne devrais pas vous le dire, mais celui qui est derrière le paravent n’en a plus pour longtemps. » « Qu’est-ce qu’on lui a fait ? et qu’est-ce qu’on m’a fait ? et qu’est-ce que l’on va me faire ? » « Je vais te le dire, vilain petit canard trop curieux », ce disant elle a approché sa langue de mon oreille pour l’y introduire en bavant comme un escargot. « S’il vous plait, mademoiselle, j’ai horreur de ça. » Menotté, je ne pouvais lui résister et les torsions de mon cou destinées à échapper à son organe visqueux n’ont pas eu le moindre effet. « Toi, toi, toi, tu vas me rendre folle, je ferais tout pour toi, tais-toi ne dis rien, je vais tout te dire. Oh et puis non, je ne te dirai rien mais je vais te faire sortir d’ici ce soir cette nuit et dans une semaine au plus tard, tu me rendras folle, oui folle ! » Et elle a encore enfonçé sa langue pointue dans mon oreille. « Je vous en prie, pas l’escargot, pas l’escargot, non je vous en supplie ! » «Tais-toi, vilain ou je te fais taire pour toujours ! » et elle a brandi une seringue jaunâtre d’un air menaçant qu’elle a enfoncé dans le bras qu’elle me caressait. Avant de sombrer j’ai pensé : une folle, c’est une folle…