SEL II
intégral
stupide que j’avais eu de croire qu’elle accepterait de me suivre. Oui j’aurais dû fuir, mais j’avais parfaitement eu le temps de voir que la bouteille, cette bouteille-là qu’elle voulait atteindre, placée un peu trop haut pour sa petite taille, l’avait obligée à réquisitionner dans son répertoire un geste qui avait tendu son sweet et révélé un autre tatouage sur le haut de sa fesse droite. Il était tout aussi minuscule, et tout aussi vert que le précédent auquel il était comme une réponse, selon une diagonale qui lui aurait traversé le bassin. Ce tatouage représentait la même figure, mi-humaine, mi-serpent. Elle s’est rapprochée de moi en mordant sa lèvre et c’est au moment où elle ouvrait la bouche pour me dire quelque chose – j’ai pensé qu’elle voulait s’excuser de m’avoir giflé, qu’elle cherchait en elle le moyen de se faire pardonner – c’est à ce moment-là que l’homme est arrivé. Elle s’est immobilisée une fraction de seconde en l’apercevant et m’a aussitôt abandonné. J’avais déjà vu cet homme, il portait alors un vieil imper déchiré sous la poche droite. J’ai reconnu l’habit avant l’homme et c’est comme cela que j’ai deviné qu’il était revenu. J’ai eu le temps de le détailler, il portait, sous l’œil gauche, une légère cicatrice et du même côté lui manquait un bras, l’imper pendait mollement. Je me suis dit que désormais, même s’il abandonnait son imper déchiré, je pourrais le reconnaître à coup sûr. Je le haïssais déjà. Que voulait-il cette fois-ci ? Car ce que cette femme portait tatouée sur elle était la représentation adamique de ce que les Dogon appelaient le « Nommo ». Et j’avais entendu, un autre jour, cet homme-là qui portait le même imper déchiré et lacéré, mais dont la balafre et le bras manquant m’étaient cachés, parce que je m’étais assis à sa droite au comptoir, conter à cette serveuse – allez savoir pourquoi, pour l’embobiner à coup sûr, encore que ce genre de femmes n’aient pas été de celles à qui l’on puisse en conter – le mythe par lequel les jumeaux, dont elle portait sur elle les figures en tatouage, ont été conçus par le dieu d’eau Amma, après le premier désordre de l’univers, quand une termitière s’était dressée devant son sexe bandé, barrant le passage, l’empêchant de pénétrer la fourmilière humide de sa femme qu’il venait d’étaler du lancer d’une boulette de glaise. « Mais Dieu tout puissant ;