SEL II
intégral
abat la termitière et s’unit à la terre excisée », avait-il dit alors. Elle lui avait répondu du tac au tac, avec cette moue que je lui avais déjà si souvent vu prendre : « mais moi je ne suis pas excisée, et que je sache tu n’as rien d’un dieu » avant de faire demi-tour pour servir un autre client, avachi sur le côté et abîmé dans une sorte de torpeur qui le gommait définitivement du décor. Était-il venu là ce soir pour lui annoncer que de cette union perturbée ne sortirait pas un jumeau comme prévu, mais un être unique, le thos taures, ce renard pâle et incestueux responsable des menstrues violettes des femmes soumises et capable des pires bassesses et vilenies pour peu qu’on leur en donne l’occasion (et les occasions ne sont pas rares, l’Histoire peut s’en porter garante). Il s’est assis devant elle, et comme elle lui servait à boire, penchée à l’excès pour lui faire admirer ses bombes auxquelles il n’aurait jamais accès (ce qu’il ignorait encore à ce moment-là), l’homme lui a touché les cheveux au niveau des tempes et derrière les oreilles, et a commencé à raconter de sa voix de fiel et d’abjection comment les créatures suivantes, génies jumeaux créatures d’eau, en forme trouble de personne et de serpent, représentaient le couple parfait. Et par ses huit membres, son chiffre était huit, symbole de la parole. Je les ai regardés, j’ai compté leurs membres, ils étaient sept. Mon corps s’est relâché, je me suis senti en un instant tranquille, et rassuré. Un de plus, et ensemble ils étaient maîtres de la parole. Mais pour cela ils devaient être huit, alors qu’ils n’étaient que sept. Ne m’étais-je pas trompé ? J’ai dû compter à nouveau, et c’était bien cela, il en manquait bien un, il n’y en avait que sept. Alors, je me suis dit que c’était le moment de partir, sans un mot ni même un ultime regard en arrière dans leur direction. Je me suis efforcé de marcher d’un pas le plus normal possible, je ne voulais pas que ce départ soit une fuite, mais au contraire simplement une décision, la décision qu’il m’avait fallu prendre. Désormais s’ouvrait pour moi une perspective toute neuve, un horizon qui jamais ne m’était apparu aussi large.