Jacques intervient et envoie à Guy
%avait posée en appui et m’apprêtais à lui répéter ma question quand en guise de réponse, il se passa tout autre chose que ce que j’avais échafaudé, car elle se retourna d’un bond. De surprise, par un réflexe qu’à rebours je m’étonne d’avoir eu tant j’avais avalé de bière, tant mes réflexes auraient dû être émoussés, j’ai voulu échapper à l’extension brutale de son bras, mais je n’y suis pas parvenu. Son bras a propulsé directement , à pleine vitesse, sa main bien ouverte vers ma joue, et c’est ainsi qu’elle me gratifia d’une gifle bien sonore. J’ai cru entendre un marteau frapper une enclume. J’ignore comment j’ai fait dans cet instant pour garder mes esprits. J’aurais dû fuir, laisser cette folle, la chasser de mon esprit, abandonner l’idée stupide que j’avais eu de croire qu’elle accepterait de me suivre. Oui j’aurais dû fuir, mais j’avais parfaitement eu le temps de voir que la bouteille, cette bouteille-là qu’elle voulait atteindre, placée un peu trop haut pour sa petite taille l’avait obligée à requisitionner dans son répertoire un geste qui avait tendu son sweet et révélé un autre tatouage sur le haut de sa fesse droite. Il était tout aussi minuscule, et tout aussi vert que le précédent auquel il était comme une réponse selon une diagonale qui lui aurait traversé le bassin. Ce tatouage représentait la même figure, mi humaine, mi serpent. Elle s’est rapprochée de moi en mordant sa lèvre et c’est au moment où elle ouvrait la bouche pour me dire quelque chose – j’ai pensé qu’elle voulait s’excuser de m’avoir giflé, qu’elle cherchait en elle le moyen de se faire pardonner – c’est à ce moment que l’homme est arrivé. Elle s’est immobilisée une fraction de seconde en l’apercevant et m’a aussitôt abandonné. J’avais déjà vu cet homme, il portait alors un vieil imper déchiré sous la poche droite. J’ai reconnu l’habit avant l’homme et c’est comme cela que j’ai deviné qu’il était revenu. J’ai eu le temps de le détailler, il portait, sous l’œil gauche, une légère cicatrice, et du même côté lui manquait un bras, l’imper pendait mollement. Je me suis dit que désormais, même s’il abandonnait son imper déchiré, je pourrais le % reconnaître à coup sûr. Je le haïssais déjà. Que voulait-il cette fois-ci. Car ce que cette femme portait tatouée sur elle était la représentation de ce que les Dogon appelaient le « Nommo », et j’avais entendu, un autre jour, cet homme-là qui portait le même imper déchiré mais dont la balafre et le bras manquant m’étaient cachés, parce que je m’étais assis à sa droite au comptoir, conter à cette serveuse – allez savoir pourquoi, pour l’embobiner à coup sûr – le mythe par lequel les jumeaux, dont elle portait sur elle les figures en tatouage, conçus par le dieu d’eau Amma après le premier désordre de l’univers, quand une termitière s’était dressée devant son sexe bandé, barrant le passage, l’empêchant de pénétrer la fourmilière de sa femme qu’il venait d’étaler du lancer d’une boulette de glaise. Mais Dieu tout puissant abat la termitière et s’unit à la terre excisée », avait-il dit alors. Elle lui avait répondu du tac au tac, avec cette moue que je lui avais déjà si souvent vu prendre : « Mais moi je ne suis pas excisée, et tu n’as rien d’un dieu » avant de faire demi tour pour servir un autre client. Était-il venu là ce soir pour lui annoncer que de cette union perturbée ne sortirait pas un jumeau comme prévu, mais un être unique, le thos taures, ce renard pâle incestueux responsable des menstrues des femmes. Il s’est assis devant elle, et comme elle lui servait à boire, l’homme lui a touché les cheveux et a commencé à raconter comment les créatures suivantes, génies jumeaux créatures d’eau, en forme de personne et de serpent, représentaient le couple parfait. Et par ses huit membres, son chiffre était huit, symbole de la parole. Je les ai regardés, j’ai compté leurs membres, ils étaient sept. Ensemble ils étaient maîtres de la parole. Je l’ai haï plus encore. Elle s’est inclinée pour mieux l’écouter, il lui a parlé bas à l’oreille mais j’entendais tout ce qu’il lui murmurait. J’ai eu envie de vomir devant une telle indécence, il lui parlait à l’oreille comme s’il parlait à son sexe. J’ai commandé une autre bière pour que cette comédie cesse. ;