2006
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3 janvier
Je viens de recevoir un mot de Laurent : il s’est cassé deux côtes en tombant de vélo, il ne pourra pas jouer au vernissage de son expo. Et moi, pourrai-je jouer ?...
6 janvier
Quelques minutes devant moi avant d’aller à la rencontre du Steinway. Il fait beau, et je me demande à l’instant ce qui me pousse à me précipiter cette après-midi alors que je pourrais attendre ce soir où je serais au calme du Centre vide, et demain, j’aurais toute la journée à moi… Il y a de fortes chances que Laurent ne joue pas et que je serai seul à « assurer » la partie musicale en direct. Le programme sera sans doute bouleversé. Je le vois tout à l’heure…
J’ai découvert le piano, cette « bête » magnifique, belle, souple, douce et furieuse, Steinway quart-queue somptueux dont je joue avec stupéfaction, allégresse et joie…
7 janvier
J’ai rejoint Laurent pour les enregistrements, trois pièces dans l’après-midi, et la quatrième au soir, la redoutable 1296, servi à un public choisi, une dizaine de personnes. Je me suis ramassé comme une merde, erreurs sur erreurs, tempo endiablé, c’était une catastrophe. J’étais assailli par le trac, ai été lamentable, Laurent m’a rassuré, le public a apprécié (mais il n’a pas de références). Laurent m’a proposé un second essai que j’ai accepté après une pause. Tempo mieux mesuré, moins d’erreurs de partition (d’autres, mais le public n’y a rien vu à redire), c’était nettement mieux, mais encore insatisfaisant. Nous nous sommes arrêtés là, avons pris un verre. Petit à petit, tout le monde est parti, n’est plus resté que quelques personnes, dont Éléonore, Léo et Grace*. Puis m’a pris l’envie de réessayer. Laurent a rappelé Séraphin pour l’enregistrement, je me suis installé, Laurent m’a dit : « Le plus lentement possible, laisse mourir les accords. » J’y suis allé, ai laissé mourir les accords, mais imperceptiblement accélérais. Laurent s’est approché et, du bras, du corps, m’a accompagné, a battu la mesure, une mesure infiniment lente, et je suis allé jusqu’au bout : vingt-trois minutes au lieu des neuf de la première version, des dix-huit habituelles. Je me suis levé, Laurent m’a embrassé et dit : « C’était magnifique. » C’est ce qu’il m’a ensuite répété dans un mail après avoir écouté l’enregistrement… Éléonore et moi sommes allés manger dans un chinois avant que nous rentrions et que je ne m’abatte sur le lit où j’ai passé une très mauvaise nuit…
* l’épouse de Laurent (note du 4 novembre 2021)
8 janvier
Il y avait une soixantaine de personnes, j’avais un trac phénoménal. Je me suis assis, ai posé le mi, puis le fa dièse (ils m’avaient poursuivi jusque dans mon sommeil), puis, après une infime hésitation, le mi bémol et le sol ; et tout s’est déroulé, s’est enchaîné, j’ai joué Et si… jusqu’à son terme. À l’autre bout de la salle, parmi le public, Sakina et Laurent ont entamé leur duo (il a absolument tenu à jouer, malgré ses deux côtes cassées). J’ai enchaîné avec Tel un égoïste que j’ai menée parfaitement jusqu’à l’ultime note. J’ai été très fier de moi. Grace est venue me féliciter à la fin du récital ; puis j’ai échangé quelques mots avec Richard, spontanés et très amicaux comme s’il n’y avait pas eu tout ce temps de froid entre nous. Il s’est rasé la tête, a l’air d’un vieillard. « Je suis paumé », m’a-t-il dit. Dans sa bouche, ces mots à l’allure d’aveu étaient proches de l’indécence, mais aussi comme un rappel de notre ancienne complicité. Il m’a fait remarquer la similitude entre les pièces de Laurent et des compositions siennes de l’époque Philoxène. Après une petite démonstration au piano que je touchais pour la dernière fois, j’ai accompagné Léo chez Sylvette pour y passer le reste de l’après-midi. Nous avons mangé de la galette en jouant au Stack’em. J’en ai profité pour prendre Sylvette et Sandra en photo pour l’album…
10 janvier
Je poursuis les transcriptions de Domicile conjugal, ai préparé un carton de vœux où j’annonce ma décision de me « reposer » durant cette année : sabbatique. (Les airs des pièces de Laurent me trottent dans la tête…)
13 janvier
Laurent se produisait au Centre d’art ; il s’agissait d’une performance sonore avec une danseuse chinoise. Ils étaient tous deux dans la pénombre, il manipulait de multiples objets, elle criait, murmurait, éructait ; c’était très beau, j’ai tout enregistré. Dans le hall, j’ai fait plus ample connaissance avec Naomi, la photographe au joli minois. Mon micro a tout capté de notre conversation (j’ai eu quelques frissons en l’écoutant)…
18 janvier
« Alors, tu vas t’arrêter pendant un an ? » m’a demandé Éléonore. J’ai haussé les épaules : « peut-être », en pensant sans y penser aux quelques idées neuves qui m’étaient venues à l’esprit dans l’après-midi (dont celles, paradoxalement, d’en profiter pour éditer du vieux) et au disque que je prévois de faire à partir de l’exposition de Laurent (j’en parlais justement à Séraphin alors que je promenais mon micro dans la salle du Centre d’art), puis, en profiter pour, par exemple, proposer les émissions de radio (La Vulgarité, il n’est pas encore trop tard pour les vœux), éditer de « vieilles » choses qui me tiennent encore à cœur, déjà publiées ou non…
Je suis passé au Centre d’art avec mon enregistreur. Laurent y était en compagnie d’un groupe d’enfants et leur institutrice. Il leur proposait des dépôts de sons ; l’un après l’autre, ils allaient dans la cabine téléphonique où se trouvait le micro ; lui consignait dans un carnet le prénom de chacun et le bruit qu’il se disposait à déposer. J’ai enregistré, puis ai fait quelques tours de la salle où le son de l’exposition proprement dit était de nouveau diffusé : le dispositif dévolu aux bandes, le haut-parleur d’où émergent les pièces pour piano, les moniteurs avec les voix de Butz et Fouque qui lisent le texte de 1296 (à deux reprises apparaît le nom de V., j’espère que le micro l’a capté), puis le poste de radio qui diffuse les pièces pour saxophone ; le tout se propageait dans la salle selon une fréquence aléatoire. J’ai moi-même déposé des sons : le froissement de l’emballage de la barre de chocolat que j’avais achetée à la boutique d’à côté, puis la fermeture de mon étui à cigarettes nettoyé du vert-de-gris qui en envahissait l’intérieur (Séraphin m’a mis en garde contre des restes du produit qui pouvaient affecter le tabac). Nous buvions un café dans la cuisine quand il m’a mis au courant de la manifestation Il y a trop d’artistes à Bruxelles ; il se demandait s’il fallait y aller ou non...
Je suis sur le point d’entreprendre la transcription de l’avant-dernière pièce de Domicle conjugal, Régalons-nous…
23 janvier
C’est achevé, 1296 est à présent de l’ordre de la trace. Il y a eu un duo de sax, puis la bande sonore à partir des dépôts de son, et enfin le décollement de la fresque dont Laurent a détruit les morceaux. S’il n’y avait pas mes enregistrements, il ne resterait rien de son exposition…
24 janvier
J’ai achevé la transcription au propre de Domicile conjugal…
30 janvier
Compression de trois jours en quelques pages, deux, trois à peine. Et encore, je me suis forcé. En « temps ordinaire », combien de temps et de pages ce rapport aurait-il nécessité ? Il n’empêche : je continue à rapporter, même si ce rapport se réduit en grande partie à des notes dans l’éventualité d’un développement futur. Il n’empêche, également, que je ne peux arrêter le processus de recherche d’idées, ni me résoudre totalement à un arrêt complet des publications durant cette année. Je cherche notamment un substitut à Dot, formule simple et de réalisation rapide qui serait le journal de cette année, le « journal de l’arrêt » (qu’est-ce qu’on peut dire quand on a décidé de ne rien dire), le journal de ce que j’appelle des « vacances ». Je dis autour de moi : « je suis en vacances » (mais je ne le serai pas tant que j’écrirai un seul mot à destination d’une publication). Pour l’heure, ces vacances se résument à la poursuite des transcriptions au propre des partitions manuscrites. Je vais de même tâcher de faire le tri des enregistrements en vue de disques futurs, en premier lieu celui de 1296… Il n’empêche que ma décision suscite des réactions et des commentaires. On s’en étonne, s’en inquiète. Le Lys a-t-il plus d’importance que je ne le pense ? « Je gage que tu prépares un roman », m’a dit Humbert…
8 février
Laisser reposer mon journal pour me rapprocher de celui des autres ; couper le son de mes nouvelles pour allumer celui des nouvelles des autres ; mon monde en veilleuse pour ouvrir le trou de celui des autres. Voyons voir ce qui se passe ailleurs : depuis une semaine, un exemplaire du Monde se faufile sous la porte ; depuis une semaine, je joue au petit citoyen en mal d’éclairage. Consciencieusement, je le déplie ; consciencieusement, je l’ouvre et passe d’une page à l’autre, l’œil froncé ou écarquillé selon la gravité (ou non) des propos (les gros titres), parfois m’y arrête : me cale dans le canapé (ou le sofa jaune du jardin d’hiver, ou le divan blanc du bureau d’Éléonore), croise les jambes, adopte le format pour un confort de lecture (un quotidien n’est pas un livre), lis : Sao Paulo et ses deux mille quatre cent soixante-huit buildings, Mahomet croqué, la terrasse du Rockfeller Center réouverte après vingt-trois ans de fermeture au public, du brouillard sur Venise. Venise, tiens. Cette nuit, sur mon nouvel écran, tout neuf, autre modèle de « qualité supérieure » en remplacement du mien éternellement défectueux (« mais votre garantie s’arrête au 7 mars, elle ne couvrira pas ce nouveau modèle »), à l’air tout riquiqui par rapport à l’autre même si l’écran est identique (et effectivement de qualité supérieure, encore que j’aie l’impression que du mauve se glisse par instants dans le blanc), j’ai consulté des sites pour un appartement à Venise…
13 février
J’ai passé une partie de la nuit aux transcriptions des partitions pour la sirène de Léo…*
* pour le baptême de sa sirène en 1989, Léo m’avait demandé d’écrire trois pièces pour quatuor à vent (plus un prélude au saxophone) qui seraient exécutées sur le bateau destiné à emmener les invités jusqu’à la bouée où elle se dressait ; une tempête l’avait détruite en 2005, il en avait créé une seconde et avait eu l’idée de faire jouer à nouveau ces pièces dans les mêmes conditions ; Laurent allait se charger de réunir des musiciens pour cette occasion (note du 4 novembre 2021)
20 février
Je suis allé chez Laurent pour lui remettre, après quelques lettres de quiproquos au sujet de l’écriture pour chacun des instruments, les partitions destinées aux musiciens qui interpréteront les trois pièces pour la sirène de Léo…
21 février
À côté de moi, repose le disque de Laurent que j’ai écouté ce matin. Son portrait m’accompagne, une photographie noir et blanc avec un fil qui le sectionne verticalement en deux parties égales, celle de gauche plus sombre où il a l’air sérieux, presque grave. Le sourcil gauche haussé donne justement de la hauteur à son expression, hauteur que contredit le reste du visage. Il y est décoiffé, comme à l’accoutumée, mais sans être ébouriffé. Dedans, figurent les quatre pièces pour piano, les deux pièces pour sax, un montage à partir des dépôts de sons, très réussi, que j’aime beaucoup... Je suis stupéfait de la rapidité d’exécution d’Et si… et de Ma vie ; 1296 me surprend aussi ; je ne me souviens pas d’une telle « longueur » et j’ai du mal à lui adapter la partition : comme se fait-il que si peu de mesures puissent aboutir à une telle durée ? Il est dommage qu’il y ait tant de fautes, dommage que ça ne soit pas plus rigoureux ; mais c’est très beau, et le son du piano aide beaucoup. Depuis, celui de mon Rippen me paraît d’une incroyable hideur (mais il s’est complètement désaccordé avec le froid du séjour)…
J’ai achevé la maquette de La Vulgarité, l’ai soumise à Léo. Il la trouve très bien. J’en ai profité pour lui proposer de réfléchir au contenu de l’étiquette du CD du Journal musical…
22 février
J’ai un exemplaire du Monde dans mon sac, celui d’hier puisque je ne peux en prendre connaissance que le soir. Où sont donc les petits porteurs de l’aube ? Je m’y tiens toujours aussi fidèlement et scrupuleusement, mais j’avoue que je commence à peiner, d’autant que je ne peux résister à l’appel du Soduku (penser à en demander la signification à Youki)… Cette nuit, j’ai entamé la première sélection des enregistrements de 1296 avant de me mettre à une énième relecture de La Barge. J’étais un peu atterré. Qu’est-ce que cela vaut ? Il y a de multiples choses à changer, à réécrire. Je sais que le début et la fin sont bons ; l’entre-deux me laisse perplexe. Il y a surtout, je pense, une nette différence de ton. Je vais tâcher de ne pas lâcher, j’ai trop envie de faire lire ce texte (le faire lire ou le faire exister seulement ?)…
28 février
La vie suit son cours : La Barge, ultime relecture, La Vulgarité que je vais graver et imprimer ce week-end, le premier numéro du Journal musical auquel je pense. Ce soir, Laurent passe au Blockhouse…
1er mars
Léo m’a rendu ma copie du Journal musical, m’a parlé de son idée d’ « illustrer » l’étiquette du CD avec les portraits qu’il aura imaginés des personnages de la Rue auxquels la musique se réfère. Mais s’y réfère-t-elle ? « L’idée me plaît », lui ai-je dit, « mais il y a justement le risque de l’illustration en ce sens où chaque pièce pourrait être assimilée au personnage auquel elle se rapporte, et le Journal musical deviendrait alors la musique de la Rue. » C’est vrai que certaines pièces sont liées aux personnages, comme celles où je reprends les textes qui leur sont eux-mêmes liés, et d’autres s’y réfèrent par le choix du fond sonore ou d’un son ; vrai aussi que pour la majorité d’entre elles, je n’ai pas eu l’ombre d’une pensée dans le sens d’une relation et qu’il n’y a pas eu la volonté d’une relation directe. Mais à présent que je me trouve confronté à cette question, je ne sais qu’en dire. La relation me gêne. Mais la gêne a-t-elle lieu d’être si je songe à l’opéra où, effectivement, la pièce devient la musique du personnage puisqu’elle sera exécutée à son apparition ?… L’opéra. Il m’en a demandé des nouvelles. « Deux choses ont imposé son interruption : la disparition de V. comme moteur premier et la nécessité du regard et de l’intervention d’un tiers. » D’en parler m’a donné l’envie d’y remettre le nez. (Mais où est-il et où en étais-je arrivé ?) Puis nous sommes partis pour le Blockhouse, Laurent s’y produisait dans un trio de saxes. Ils jouaient côte à côte, face à l’écran de son laptop et éclairés par une ampoule suspendue au-dessus d’eux. La durée avait été fixée à une demi-heure, et le jeu se faisait selon des plages prédéterminées qui défilaient sur l’écran. J’ai enregistré. J’ai écouté aussitôt rentré ; je pensais à Léo qui disait qu’il ne voulait pas voir les musiciens devant lui, parlait de son besoin de fermer les yeux pour n’être en relation qu’avec le son. J’écoutais et me disais que la vue était indispensable, qu’il « fallait » voir la musique en train de se faire ; sans la vision de Laurent qui ôte son embouchure et l’utilise pour en tirer des sons, sans celle de l’un et l’autre qui tape sur ses touches avec un bout de son instrument, sans les gestes, les manipulations qui vont fabriquer cette musique, une dimension se perd. « Les deux sont liés et sans l’image, la musique est comme aveugle et ne se limite plus qu’à une suite de sons. » « Peut-être, mais ça me gêne. » De là, je me suis demandé s’il y avait un quelconque intérêt à conserver une trace strictement sonore de ce type de concert. J’ai aussi pensé à sa prestation en solo il y a quelques mois. La fabrication était primordiale, et pourtant le son sans l’image conserve son intérêt, garde sa vie ; une vie. Ce n’était pas le cas lorsque j’ai écouté le trio : je n’avais que du son sans images et ce son m’a paru incomplet. Et de là, j’ai pensé aux contraintes qu’il s’était données pour le trio ; je les ai rapprochées de celles de La Pieuvre, qui, d’une certaine manière, vont à l’encontre de l’idée d’improvisation. De là, la question que je lui ai posée : « Et s’il advient que l’un des instrumentistes veuille, délibérément ou non, passer outre la contrainte et se laisser aller ? » Il m’a répondu : « Pas question qu’il déborde sur les moments qui lui sont interdits ! » Il n’empêche : que se passerait-il si, dans La Pieuvre, un instrumentiste lâchait la bride, se fichait du signe du chef et poursuivait ? Serait-il puni ?... Et je me pose la question suivante : au service de quoi, de qui l’improvisation canalisée se fait-elle ? J’ai tout effacé...
8 mars
J’ai achevé les dédicaces sur les quarante-huit CD de La Vulgarité qu’au fur et à mesure je glissais dans leur enveloppe. C’est fait. Reste à apposer timbre du Lys et timbres de la poste que, du reste, je n’ai pas encore achetés et ne sais encore comment puisque le compte touche le fond. Pas de rentrées d’abonnement depuis longtemps et P*** qui tarde à me régler ce qu’il me doit depuis septembre dernier, deux factures de traduction. Je pense que La Barge va devoir attendre. La Barge, justement, j’y ai travaillé avant-hier, hier et aujourd’hui. La maquette en Quark est quasiment prête, reste une impression dernière pour une ultime relecture sur papier et passage au comité de lecture. En parallèle, La Vulgarité, impression, etc., et le Journal musical auquel je pense de plus en plus. Le projet du disque 1296 est un peu mis de côté, en partie en cause des problèmes liés à mon ordinateur ; je pense que je vais devoir utiliser le laptop qui, heureusement, dispose d’un logiciel de traitement de son, sommaire, mais ça ira. Finalement, j’interviens peu sur les enregistrements…
16 mars
La flamme du journal s’est bien éteinte, ou pour le moins nettement amoindrie : pas l’envie (ce n’est pas neuf), mais surtout pas de culpabilité ressentie (un peu, tout de même, puisque je rédige)…
24 mars
Sur le chemin de FR3 pour la répétition des pièces pour la sirène, je me suis arrêté chez Léo. Il était avec Fanny, à la table surchargée : des papiers de toutes sortes, la liste des invités, les invitations, le laptop. Tous deux étaient sur les nerfs ; ils venaient d’apprendre l’annulation de la sortie en mer du bateau-mouche prévu pour le transport des invités, celui-là même qui nous avait emportés jusqu’au lieu de la première sirène il y a seize ans. « Pour quelle raison ? » « On prévoit du mauvais temps. » « Et maintenant ? » Maintenant, rien. Il y aurait bien un bateau pour les musiciens, l’artiste, les officiels, journalistes et consort ; mais rien pour les invités, quatre-vingt-seize, la liste faisait foi. « Quatre-vingt-seize personnes à contacter d’urgence pour leur annoncer la bonne nouvelle, tu te rends compte ? » La seule solution résiderait en les quelques dizaines de bateaux de plaisanciers qui participeront à la cérémonie ; mais rien n’est fait, rien n’est organisé ; ça signifie que demain quatre-vingt-seize personnes se retrouveraient sur l’embarcadère dans l’attente et l’espoir que quelqu’un consente à en prendre à leur bord. « Du bateau-stop », a dit Fanny. La mise à l’eau aura bien lieu, mais, tout porte à le croire, sans les invités qui n’auront d’autre ressource que d’attendre le retour du seul et unique bateau pour aller prendre l’apéritif. « On en sera quitte pour un week-end à la mer », ai-je dit. J’ai consulté la liste, le nom de V. n’y figurait pas ; il y avait celui de son père, mais biffé. Je les ai laissés fulminer pour poursuivre ma route. Laurent m’attendait dans le hall face à deux téléviseurs allumés où il suivait son fils dans le rôle de manifestant. Je lui ai remis le disque de quelques enregistrements dont celui du concert de l’autre soir. Il m’a parlé d’un livre extraordinaire qu’il venait de découvrir et compte m’offrir, puis de Lol Coxhill qui jouera dans quinze jours au Blockhouse avec eux en première partie. Igor est arrivé, puis Sakina, et enfin Anatole. Nous sommes passés dans une petite pièce impersonnelle au bout d’un couloir ; ils se sont préparés, je me suis installé face à eux. C’était la quatrième fois qu’ils se voyaient ; cette fois était la dernière et c’était la première fois que j’allais les entendre. J’avais remis à Laurent les partitions un peu tard, il y a des choses trop complexes pour quatre répétitions, et leur temps ne leur en permettait pas davantage. Il y a donc eu beaucoup d’hésitations, ils peinaient à se mettre en place, à trouver un semblant de cohésion, Laurent et Anatole en particulier. Laurent est intuitif, n’est pas lecteur, contrairement à Anatole qui, bizarrement, avait l’air de découvrir la partition – il avait aussi un sérieux coup dans le nez. Alors, j’ai pris peur. Je les regardais, voyais Laurent s’agiter, sentir mon inquiétude ; je ne disais rien, ne trouvais rien à dire ; par moments, j’avais envie d’intervenir, mais renonçais aussitôt. Alors, j’écoutais, en pensant que, de toute manière, ce serait les conditions de demain qui décideraient, et j’avais à l’esprit la merveilleuse répétition finale du matin de la mise à l’eau de la première sirène que la mer houleuse, quelques heures plus tard, avait réduite à néant. Mais eux, où seront-ils, comment joueront-ils, dans quelles conditions, et les entendra-t-on, et qui pourra les entendre si tout le monde reste à quai ?... Mais, petit à petit, les choses se sont mises en place, et est arrivé ce moment toujours étonnant où d’une espèce de chaos émerge une amorce d’équilibre, d’entente ; ce qui était bancal il y a quelques instants, tout à coup s’appuie, se pose, s’assoit pour l’instant d’après s’élever, et des instruments soudain unifiés sort le son de la partition. Alors, j’ai soufflé, même si je savais, comme ils le savaient, que l’ensemble ne serait qu’acceptable. « De toute manière, je mise tout sur les deux airs principaux. Ce sont eux qu’il faut réussir. » Ils les réussiront sans doute, mais encore une fois, pour qui, les mouettes ? À la fin de la répétition, j’ai cherché en vain quelque chose à leur dire. Ils attendaient sans doute de moi une réaction ; mais je me suis tu, ai feint de croire en un silence consenti tandis que tournait en moi mon éternelle question : comment dois-je me comporter face à des musiciens qui ont accepté de jouer pour le simple plaisir, le leur autant que le mien ? Je ne serai décidément jamais un chef. (Il n’empêche : j’étais ému comme au premier jour...)
27 mars
Le ciel était couvert, mais avec peu de vent et pas de pluie. Au port de plaisance, une trentaine de personnes battaient la semelle dans le doute et l’inquiétude ; c’était la confusion la plus totale, personne ne savait rien sur rien, Léo avait disparu. Nous nous sommes engagés sur l’embarcadère, livrés à nous-mêmes. Un jeune homme qui tirait un filin nous a dit que le vent était de force cinq et qu’il serait dangereux de faire une sortie en voilier. Nous allions et venions, prêts à renoncer ; puis est apparu un homme ; il cherchait les clients de l’hôtel* pour leur remettre des coupons bleus. Éléonore et moi avons levé la main, en avons reçu un chacun. Des bateaux partiraient, mais lesquels ? Et les autres ? Et pourquoi ce régime de faveur ? À notre gauche, sur un voilier, un homme cherchait justement des personnes avec des coupons bleus ; nous lui avons montré les nôtres avec un peu d’hésitation. « Je peux prendre deux personnes, montez. » Nous avons considéré ce petit bateau, l’allure de cet homme qui n’avait rien d’un boucanier, avons pensé à la force cinq. D’autres personnes se sont présentées, nous nous sommes écartés ; mais il a insisté, a dit qu’il ne prenait que les coupons bleus et avait déjà deux personnes. Il nous a cherchés du regard. « Qui ? Nous ? » « Oui. Vous. Montez ! » C’est la première fois de ma vie que je montais sur un voilier. Vaille que vaille, nous nous sommes calés sur les minuscules banquettes. Il était déjà prêt à la manœuvre, n’avait pas l’air très sûr de lui, mais est parvenu à dégager son bateau, à le diriger vers la sortie du port. L’accompagnait un homme grisonnant, casquette de marin, au visage rougeaud. « Mon matelot ! » a-t-il dit. Ils ont ri. Les voiles étaient roulées, il naviguait au moteur, nous nous sommes éloignés du bassin, et à présent le vent et le froid me glaçaient le visage et m’ont instantanément transporté dans la lagune, sur un vaporetto, à cette différence près que nous y sommes conquérants et non accrochés l’un à l’autre comme deux moineaux transis. Il a engagé la conversation ; il est retraité et peut désormais s’adonner à sa passion, le bateau. Il s’appelait Zéphirin. À présent, nous longions la jetée ; et sont apparues d’autres embarcations dont l’une avec Thierry, Hermine et Cécile ; ils n’avaient pas de coupons bleus. Tout le monde pourrait-il embarquer ? Nous nous sommes fait des signes, puis avons entamé la sortie du port. C’est à l’approche de la vraie mer, celle qui n’est pas bridée par les constructions humaines, que ça a commencé à remuer. Ça soufflait de plus en plus, j’avais le visage glacé ; je m’attendais à tout instant à me sentir mal, pensais à quelques traversées éprouvantes en ferry ; mais non : passée la crainte des premières minutes, j’ai ressenti un immense bien-être et, à un moment donné, me suis même mis debout pour profiter en plein de ce moment de pure griserie. Derrière nous, d’autres bateaux suivaient, puis deux sortes de grosses barques avec quatre hommes dans chaque qui ramaient comme des forcenés. Je n’en revenais pas, étais stupéfait que des embarcations aussi frêles aillent s’aventurer au large. « Ce sont des yoles de mer, faites pour cela », a dit Zéphirin. Et ça a été la mer, rien qu’elle jusqu’au bout du monde. Ça remuait et soufflait de plus belle, le voilier s’agitait en tous sens, mais je m’en moquais, restais droit, me laissais aller à lui comme si j’en avais été solidaire. Je jetais des coups d’œil sur les cadrans de l’écoutille, écoutais les marins échanger des blagues, des informations sur la fréquence 8. Est apparu le baliseur arrêté au point de mise à l’eau. Il attendait l’heure ; attendait, avec Marie suspendue au-dessus de son pont, que toute la petite flottille le rejoigne. Il y avait bien une vingtaine de bateaux, dont celui des sauveteurs qui contenait Léo, les officiels, une équipe de journalistes, de cadreurs, et le curé pour la bénédiction ; mais pas les musiciens. Où étaient-ils ? Mais était-il pensable qu’ils puissent jouer avec cette houle et ce vent, et quand bien même, allait-on en entendre la moindre note ? À l’heure dite, tous les bateaux étaient là, voiliers, yoles, gros hors-bord, petits yachts qui faisaient une ronde autour du baliseur. Marie a bougé, a été écartée du pont, puis déposée dans les flots ; et enfin lâchée. Voilà, elle y était, libre, livrée à la mer, et que la chaîne de la bouée l’ait retenue à la terre n’y changeait rien : elle s’y est laissée aller, fière, lumineuse et resplendissante, tandis que s’élevait le concert des sirènes de tous les bateaux pour la célébrer, elle, désormais sirène de tous les marins qui l’avaient réclamée pour pouvoir de nouveau aller mourir à ses pieds. La ronde s’est poursuivie encore quelques minutes et ça a été fini. Le voilier a viré, a repris la route du port tandis que dans le vent claquaient des accents de trompette, deux brefs éclats dont je ne sais dire encore si je les avais imaginés ou non. Un gros yacht nous a doublés, Laurent s’y trouvait, il m’a crié : « Tu nous as entendus ? » Je lui ai fait signe que non. Nous avons amarré au Yacht Club de la Mer du Nord. J’ai été soulagé d’apprendre que tout le monde avait pu monter et assister à cette étonnante célébration. Laurent m’a raconté comment ils avaient joué dans l’indifférence la plus complète des autres occupants. « Mais ça ne fait rien, on s’est régalé. » Et ils allaient rejouer, au local des Corsaires, à deux pas, où nous sommes allés pour l’apéritif. C’est une grande salle munie d’un bar. Rien n’avait été prévu et ils sont allés d’eux-mêmes s’installer dans le fond contre une fenêtre. J’ai cherché un endroit où poser mon micro ; il y avait une galerie qui surplombait la salle, j’y suis monté. À présent, je dominais une cinquantaine de personnes qui toutes parlaient sans porter la moindre attention aux musiciens. Ils ont alors décidé de ne pas attendre et de commencer. Aux premières notes, la partie la plus proche s’est tue, a écouté ; mais derrière et contre le bar, ça ne s’est pas arrêté. J’ai très vite deviné qu’il s’agissait des Dunkerquois, plaisanciers, corsaires, marins ; de toute évidence, ils n’avaient rien à faire de cette musique-là ; ils discutaient, péroraient et vociféraient et ne cesseraient pas, et n’ont pas cessé ; mieux, ont haussé la voix, comme pour mieux faire valoir leurs droits dans ce lieu prétendument leur. L’enregistrement serait fichu : il ne pouvait y avoir pire place dans ces circonstances puisque je me trouvais exactement à la jonction des deux clans. Mais l’appareil tournait, et j’écoutais, et c’était dommage car L’Approche était belle ; j’écoutais, me sentais remué, puis, alors que des applaudissements ont crépité, j’ai perçu le martèlement d’une grosse caisse. Il provenait de l’extérieur. À un moment donné, il s’est arrêté, et j’aurais pu l’avoir rêvé, comme les accents de trompette dans le ciel de la mer. Mais il a repris alors que s’entamait La Ronde. Il y avait le brouhaha incessant, la musique presque inaudible et, au-dehors, une grosse caisse, diffuse, un peu lointaine, mais qui se précisait, et, à un moment donné, a même semblé s’éloigner. Mais elle approchait. Vaille que vaille, La Ronde s’est poursuivie et avec elle la grosse caisse qui, cette fois, était très proche. J’avais vue sur la porte d’entrée vitrée. Au centre du terre-plein est apparu un hussard muni d’un bâton de commandement, puis le bout de ladite caisse qui existait bien, puis des tambours qui s’y sont mis et l’ont accompagnée. Une vingtaine de personnes les entouraient ; à un moment donné, comme poussées, elles sont entrées dans la salle. Les tambours roulaient au-dehors, cette fois au même niveau sonore que La Ronde qui s’essoufflait dans un tumulte grandissant. Puis il y a eu un moment de confusion suivi d’un gros mouvement de foule. La salle était comble, la cacophonie totale, La Ronde s’est achevée avec quelques applaudissements. Laurent, les mains en porte-voix, et avec un sourire malgré tout, a annoncé le titre suivant : « L’Adieu ! » À dieu. Ils ont entamé les premières mesures comme une offensive à la charge du dehors de plus en plus présente, de plus en plus tenace et envahissante. Puis, et je devais m’y attendre, la bande a fait irruption dans la salle, tambours, grosse caisse, fifres, le hussard en tête. Le combat a commencé : les musiciens d’un côté pressés contre la fenêtre, la bande de l’autre qui scindait la foule. Mais c’était inégal, perdu d’avance. Alors, ils ont renoncé, laissé tomber leurs instruments et cédé la place aux Dunkerquois et à Jean Bart ; ils étaient les plus forts et ont pu alors s’adonner à un échantillon de carnaval dans la foule compacte. Ça a duré une dizaine de minutes, la bande au centre et ses chants, et la ritournelle des fifres qui, quoi que j’en dise, est envoûtante. Laurent, Sakina, Anatole et Igor étaient acculés contre la fenêtre ; à plusieurs reprises, ils ont tenté d’y participer à leur manière sous les regards désapprobateurs de la part autochtone de l’assemblée, mais ont fini par capituler. J’étais là-haut, enregistrais, assistais à tout cela, pris entre le plaisir, la colère et l’agacement. Puis tout a cessé ; place à la bière ; les Dunkerquois étaient contents. Il était temps de nous en aller. J’ai rejoint les musiciens, les ai félicités. Fanny parlait d’irrespect, Léo proposait de refaire le concert chez lui ; j’ai proposé à Laurent de faire un enregistrement global, Fanny d’organiser une projection au Centre d’art pour ceux qui n’avaient pu venir ; les musiciens y joueraient…
J’ai écouté la prise. On entend beaucoup moins les papotages que je ne le pensais, les tambours apparaissent plus tôt que je ne le pensais, c’est une belle confusion, et belle est à prendre dans les deux sens, car, malgré tout, c’était réjouissant ; mais le micro ne restitue pas le volume sonore, l’importance et la présence qu’a pris le son de la bande dans cette salle déjà sonore ; c’est aussi beaucoup plus court que je ne le pensais. L’effet d’ensemble est assez réussi…
À ma gauche repose le petit sac de feutre bleu qui contient, pour demain, le lecteur mp3 et le minidisque : dans le premier, la copie des deux CD sonores que Rüdiger** m’a offerts hier ; dans le second, l’enregistrement mémorable et d’une certaine manière épique de l’exécution des pièces pour la sirène, proprement exécutées, c’est le cas de le dire. Je souris en considérant ce sac et son contenu qui m’accompagneront durant ma journée de travail demain. Le merveilleux de la technologie…
* un hôtel à Malo avait été réservé pour les personnes qui venaient de loin (ou non : Éléonore et moi y avions pris une chambre) (note du 5 novembre 2021)
** un ami allemand, féru de son (note du 4 novembre 2021)
3 avril
Christine a décidé de fêter les dix-sept ans de sa vie dans son petit F2. Elle ne voulait que des Roubaisiens. Certains m’étaient connus, dont Youssef le « franco-picard ». C’est un étonnant personnage. La première fois que je l’avais vu, il m’avait remis un carton d’invitation pour un concert du groupe dans lequel il joue : « C’est du rock ! » Je n’y étais pas allé. Chez Christine, il avait sa guitare et, à ma grande surprise, avec Françoise à l’accordéon, il a entonné Le bal perdu avant d’attaquer Brassens, puis deux ou trois chansons résolument françaises. Le sourire constant est à l’avenant. Il y avait aussi Nicolas Daquin, je l’avais oublié, toujours calme, posé, silencieux, avec les cheveux un peu plus longs. Je n’ai toujours pas fait le CD de son concert à l’exposition de Christine alors que je me le promets depuis deux ans… J’avais aussi apporté mon sac à son, il a suscité quelques commentaires interrogateurs, dont Christine qui s’étonne que j’enregistre de cette manière, à la « sauvette ». « Et tu les écoutes après ? » « Bien sûr. Pourquoi enregistrer sinon ? » « Comme un album de photos, alors. » « Oui, des photos dont je ferais un film… »
6 avril
De la tentation du « passé » : je relis Chocolat, Fabien, d’autres textes qui dorment dans la mémoire de l’ordinateur, répertoires nommés DIVERS ou TEXTES. Il y a aussi Clara. De la tentation de la fiction. Tout arrêter et ne plus me consacrer qu’à la fiction. En même temps, je suis persuadé que je tiens quelque chose avec Journals. Mais quoi ? Je réfléchis. Mais réfléchir n’est pas suffisant, il faut aussi travailler. Et pour travailler, il faut de l’énergie. Et d’énergie, je n’en ai pas…
8 avril
Je n’ai pas bougé de la maison, ai travaillé aux enregistrements, bien décidé, de une, à entamer et finir le disque 1296, de deux, à faire une sélection et une mise au point de tous ceux qui précèdent…
9 avril
C’était le vernissage d’une exposition collective, Antek en faisait partie. À l’entrée, je suis tombé sur Marian. Il a coupé ses cheveux, a encore grandi ; c’est du reste sa coupe qui m’a permis de le retrouver tel que je l’avais quitté avant la dernière exposition de son père où j’avais déjà eu tant de peine à le reconnaître. Il m’a parlé de ses études ; je lui ai demandé s’il poursuivait le piano, il a haussé les épaules. Puis Zoé est apparue ; apparition est le mot, celle d’une gamine tout à coup métamorphosée en demoiselle (chrysalide, papillon), au point que je ne l’ai pas reconnue et me suis trouvé incapable de me rappeler son prénom ; il a fallu qu’à un moment donné je l’entende de la bouche de son oncle pour que tout se remette en place. Marian m’a accompagné pour le tour de l’exposition. Au moment de mon départ, nous nous sommes fait le serment de nous revoir. « Je passerai chez toi », m’a-t-il juré avant d’ajouter cette chose qui m’a frappé et laissé circonspect et, d’une certaine manière, ému : « il faut tuer le père »…
16 avril
Avant d’aller au lit, je me suis remémoré Jacques le Majeur que je compte enregistrer demain. Je suis ensuite monté pour me mettre à la suite de l’écoute de 1296…
17 avril
Au son d’Averty qui, indécrottable, fait sa millionième émission des Cinglés du music-hall, je saisis les pages des deux dernières semaines, ce qui ne représente pas un très gros boulot dans la mesure où le débit du journal manuscrit a une singulière tendance à diminuer. Tout en tapant, je pense à une nouvelle formule de Journals en attendant la reprise officielle de Dot. Ce serait Lustre toujours, tel que je l’ai en tête depuis quelques semaines, mais qui adopterait le procédé de Lanlys sur le site. Il serait chronologique, chaque page (rien qu’une) serait consacrée à un jour et porterait le numéro que Lanlys attribue aux jours, c’est-à-dire 11 pour le 1er janvier, 21 pour le 1er février, etc. Le tout serait présenté en port folio sur papier 160 gr…
(J’ai finalement renoncé à me lancer dans l’élaboration et la fabrication d’un nouveau journal à intégrer dans la série Journals…)
19 avril
La maison était déserte, je me suis dépêché de me mettre au piano : Jacques le Majeur. Je n’avais pas fait sonner deux notes que la porte d’entrée s’est ouverte...
Au soir, lorsque tout le monde a été couché, j’y suis retourné pour le reprendre, plus Benoît…
20 avril
Voilà, c’est fait ; j’ai replongé la tête la première dans le journal version publication. J’ai entamé Le Lustre (devoir de vacance), suis en train de travailler au troisième. Je fais comme si j’allais le publier. Je le fais parce que ça me manquait, avait besoin de ce travail-là, la relecture, le découpage, le montage, la mise en page. Mais sans me casser la tête, sans chercher le développement, la cohésion ; j’en reste au brut du journal tel qu’il a été écrit en ne me permettant que la « censure » et la réécriture, le tout selon une règle bien déterminée et à laquelle je ne dois pas faillir. C’est excitant…
23 avril
Je me demande si je vais reprendre la lecture du troisième Lustre. J’y pense beaucoup, et à force d’y penser, suis de plus en plus tenté de l’abandonner. Je pense également au Journal musical et à son « anomalie », les quatre premiers jours manquants de janvier puisqu’il commence le 5 janvier. Je ne peux faire autrement que de les prendre en compte, mais comment les insérer dans ma chronologie ? Je peux les considérer comme des jours blancs, mais comment apparaîtront-ils sous leur forme sonore ? Le silence, oui, mais le 1er mai sera également un jour de silence ; comment distinguer son blanc légitime de celui de ces quatre jours qui ne le sont pas, qui, au regard, du projet, de ce calendrier-là, n’existent pas ?...
24 avril
Après-midi à la saisie de la semaine dernière, puis début de la transcription au propre du reste des partitions du Journal musical…
26 avril
J’ai transcrit Blandine et Christine du Journal musical. Je m’aperçois que bon nombre des partitions ne l’ont pas été. En vérité, je n’avais fait en priorité que celles qui n’avaient pas encore été interprétées. J’ai été subjugué par la qualité du son de la flûte synthétique de l’ordinateur, c’est à s’y méprendre. Pourquoi ce son-là plutôt que d’autres, les autres sommaires, voire complètement étrangers au son réel ?...
8 mai
Je saisis les rares pages manuscrites de la semaine. Autour de moi, tout le travail en train : la première correction de Lustre 2, la suite des partitions à retranscrire, les minidisques en attente d’être copiés, les deux traductions qui viennent d’arriver. Vacances, n’est-ce pas ?…
10 mai
C’était au Petit Box ; Laurent y jouait avec un batteur et le guitariste avec qui il partage son atelier. Bref, du fracas avec des pointes à la Kayser, qui m’a gêné de bout en bout. Pour le reste, après la première pièce fracassante (cette fois dans le bon sens du terme, une pulsion haletante proche de la suffocation), j’ai décroché à plusieurs reprises et me suis de nouveau posé la question de la pratique de cette musique-là, question sans réponse, mais qui m’incite à penser qu’il y a là quelque chose de non viable dans le relâchement total (ou pour le moins partiel), dans une certaine forme de laisser-aller ; de la même manière que la présence et le rôle d’un chef, les contraintes liées à son groupe me font tiquer ; mais en définitive c’est sans doute la solution. La mesure, le contrôle du laisser-aller, mettre un cadre au bouillonnement, l’encadrer, comme un tableau. J’ai aussi trouvé qu’à l’instar du guitariste, Laurent « jouait trop », comme s’il fallait tout dire tout de suite, et je l’ai trouvé tendu, pas à son aise (il me l’a ensuite confirmé). Puis il y a eu Marc Ribot, je ne l’avais jamais entendu. Ils étaient trois, lui guitariste, un batteur parfois électronique, un bassiste arachnéen et mini-moogiste. Il est new-yorkais, ils sont new-yorkais, et on peut le deviner sans mal : du rock intellectualisé qui m’a renvoyé à Giorno, Ashley, Konsor. C’est une drôle de musique faite d’ironie, de jeu, de malice, d’un mélange et d’alternance des genres avec des accents de Massacre, de Frith. C’était énergétique, souple, carré ; un carré à l’états-unienne (qu’est-ce qui fait que ce carré-là se distingue de tout autre carré ?). Et des infrabasses à profusion qui me traversaient le corps, l’agitaient au point que je me suis demandé comment l’organisme, en tant que somme d’organes, réagit à cette secousse monumentale venue de l’extérieur ; une note, une vibration peut-elle interrompre le rythme des battements du cœur (confusion du rythme de la grosse caisse avec celui des pulsations cardiaques) ?... Il me vient à l’esprit la formule « chaos à tout crin » et je me demande dans quelle mesure la musique improvisée ne serait pas une réaction contre une musique structurée, c’est-à-dire une mise au ban de la mélodie, d’une certaine forme d’harmonie, c’est-à-dire le bruit ou le silence, sans rien entre les deux. (Je propose des séances de silence improvisé.) C’est comme une frénésie un peu vaine, circulaire, en boucle ; mais aussi un laboratoire à cœur ouvert : le public assiste en direct à l’expérience qui serait la version sonore du chaos originel et il faudrait le démêler (ou non). C’est ou le chaos, voire la débauche, l’orgie, ou la nappe, c’est-à-dire peu ou pas d’intermédiaire. (Mais c’est peut-être la réflexion, la pause, le repos qui assurent le relais.) ; ou plus exactement peu de nuances, d’échelles. Et pas d’humour. Et peu de jeu (jouer n’est pas jouer). Trop de notes, trop de son(s). Un jeu restrictif qui finit par fermer la porte à la surprise, au choc. Que cherchent-ils, finalement ? Et que cherche-t-on puisque, dans une certaine mesure, je suis concerné ; encore que je prône l’improvisation plutôt que la musique improvisée ; mais y a-t-il une différence entre ce que je fais dans le domaine et ce que j’entends généralement chez les autres ? Du reste, il y a cette contradiction chez moi : prôner tout à la fois le laisser-aller et la contrainte, et après ce que j’ai entendu hier, j’ai été contraint de revenir sur ma position précédente où je « reprochais » à Laurent le principe de la contrainte imposée au jeu de son groupe. Une chose encore à ne pas négliger : la qualité du musicien, en inventivité, en imagination, en sensibilité, en réflexion. Ce qui entre en ligne de compte, c’est la technique, l’histoire et la mémoire de cette histoire, l’imagination, et puis la capacité à tirer profit de l’occasion lorsqu’elle se présente… Le laisser-aller favorise l’instrumentiste, voire le musicien ; la contrainte sert la musique… (À remettre en ordre.)
30 mai
Je survole des pages de la Spirale, du Journal de l’homme en mai ; tous deux m’agacent, m’incitent à renoncer à l’élaboration du livre pour V. À quoi bon ? Et est-ce si intéressant que cela ? Et tout ce travail…
8 juin
Du mystère de la disparition des trois saisies de texte dans le fichier juin 06, celle du soir de l’exposition d’Antek, celle du week-end, celle de mardi soir. Je ne cesse d’y penser, cherche en vain une explication à cette aberration. Il y a bien eu le blocage dimanche soir, il me semble, qui aurait pu empêcher l’enregistrement de la saisie du jour, mais pour le reste, je ne comprends pas. (De l’avantage de l’écrit qui est une trace physique que seuls le feu et l’eau – ou le vol – peuvent atteindre.)
J’écoutais La Selva de Lopez tout en rangeant des dossiers. L’envie m’est venue de m’atteler une fois pour toutes au travail lié au « vrac » sonore et à la constitution des carnets de voyage sonores. Ça traîne, ça traîne, et je ne sais ce qui m’empêche de m’y mettre, d’autant que cela ne demande aucun effort particulier : il ne s’agit que d’écouter et d’enregistrer. Pourquoi ne parviens-je pas à m’y mettre ? Idem pour la visite des Japonais à Lille, et 1296 (encore qu’en l’occurrence il y ait du travail de montage que je ne sais par quel bout prendre)…
Le montage. Est-il nécessaire de monter systématiquement ?
Que faire ? Par quoi, par où commencer ? Dans quelle direction aller ?...
19 juin
Je reviens d’une soirée chez Rita, la poche de ma chemise pleine de quelques billets correspondant à la vente d’une quinzaine de journals et livrets dans leur librairie. Ça a redressé un tant soit peu la perspective du Lys. C’est peut-être pour cette raison que je me suis remis avec un certain entrain au Journal sonore…
4 août
Machin qui écrit : « La bonne nouvelle musicale, c’est les 175 000 coffrets de 170 disques vendus de l’intégrale Mozart publiée par Brilliant Classics, 29,750 millions de CD écoulés en France. » Ça, c’est une bonne nouvelle ! J’attends avec impatience les mille deux cents CD des quinze mille cantates de Telemann… (Dans le fond, y a-t-il vraiment une différence entre Céline Dion et Wolfgang ?...)
16 août
Aujourd’hui, j’ai réécouté Bob Wilson, d’Itinéraire*. Ça me semble tout à fait éditable. Demain, je réécouterai Allô Jack et Gadras…
Je travaille sur le supplément de Lustre 7, dit de l’été, c’est-à-dire la Bretagne et l’Allemagne. Pour l’heure, ça me plaît. Je pourrais parfaitement le publier sans entamer la publication de Lustre pour lequel j’hésite encore. Pourquoi cette hésitation puisque je sais qu’il faut que je publie à nouveau, puisque je sais que je suis irrémédiablement attaché au journal ? Septembre pourrait être une bonne date pour le supplément et, par exemple, Lustre 1 pratiquement achevé…
Je peine toujours autant sur Roubaix-Kobe. Je n’ai toujours pas trouvé le ton…
* Itinéraire, série d’expositions radiophoniques que nous avions diffusées à Radio Lille, Léo et moi, en 1983 et 1984 (note du 5 novembre 2021)
21 août
J’ai passé une bonne partie de la journée à la copie de Gruwiak d’Itinéraire (bizarrement donné comme deuxième numéro : Allô Jack porte le même ; de quand date Gruwiak ?). Il était enregistré sur une mauvaise bande, de celles qui laissent du dépôt sur toutes les parties à son contact et, aujourd’hui, provoquent des sifflements captés par la bande. J’ai tout de même réussi à tirer une copie acceptable du tout. Il me reste encore pas mal d’émissions à repiquer qui toutes ont connu le même sort, c’est-à-dire l’enregistrement sur les bandes de très mauvaise qualité que nous avions achetées à bas prix à cette époque*. Elles n’ont évidemment pas tenu le choc. Cheap, n’est-ce pas. Le pire, c’est qu’elles doivent affecter les têtes…
Je travaille sur le supplément de Lustre 7 avec l’espoir que ce sera prêt pour septembre. J’en doute fort…
* sans savoir qu’elles étaient de mauvaise qualité, mais nous aurions pu tout de même nous en douter (note du 5 novembre 2021)
31 août
La table était dressée pour six. J’ai suivi Laurent jusqu’à la terrasse, Grace nous a rejoints. Comme à l’accoutumée, la cuisine de Sosthène était excellente, mais j’ai de nouveau constaté que l’on ne portait pas véritablement notre attention à ce que l’on mangeait : « On parle et tout en parlant, on dit : c’est très bon, mais on ne s’y arrête pas vraiment ; on ne devrait pas parler pendant qu’on mange, surtout chez toi. Il n’empêche, c’est fameux. » Nous avons parlé de Boulez, de Gould, de Mozart (il a acheté le coffret de l’intégrale, cela m’a étonné) ; et de Beethoven que Grace déteste ; c’est le second point commun entre elle et moi ; le premier est que nous sommes natifs de Lens et qu’elle est aussi allée à Condorcet et, comment est-ce venu, le nom de Rolin a tout à coup traversé la pièce. Quelle drôle de chose : Laurent était aussi allé à Condorcet (mais bien après mon départ) et avait connu les Rolin, du moins l’un des frères de Jean qui était celui de notre bande. « Quel frère ? Ils étaient toute une tribu. » Il m’a dit lequel, ça ne me rappelait rien, il était sans doute jeune adolescent à mon époque. « Nous étions inséparables », m’a-t-il dit. « Tu as donc connu leur maison, de celles que l’on appelait les maisons d’ingénieur. » « Leur père l’était. » « Oui, je sais, mais ces maisons somptueuses avaient un caractère particulier et ceux qui les habitaient n’étaient pas forcément ingénieurs, et tous les ingénieurs des Mines n’habitaient pas forcément ces maisons-là. Plusieurs de mes copains étaient des fils d’ingénieurs et seul Rolin habitait une maison d’ingénieur – la nôtre, par exemple, était ordinaire, mais c’est une autre histoire, mon père n’avait pas eu droit à un gros modèle puisqu’il était devenu ingénieur par ses propres moyens, si je peux dire, il n’avait pas suivi la voie normale, n’avait pas le diplôme officiel ; alors, pas de maison de maître, pas de jardinier et de femme de ménage ; mais il s’en fichait ; par contre, ce qui l’avait vraiment affecté, c’était d’avoir été contraint de prendre sa retraite plus tôt, pour la même raison : sa date de départ avait été celle d’un “ assimilé ” et non d’un véritable ingénieur. À mon avis, il n’avait pas dû aimer cette dénomination : assimilé. Mais bon, je m’égare. J’ai un souvenir précis lié à cette maison. Il y avait une fête, nous étions tous bourrés, dans la pièce à la verrière se trouvait un piano. » « Oui, je m’en souviens. J’ai joué dessus. » « C’était la première fois que je touchais à un piano et j’y avais improvisé une pièce en m’acharnant sur les touches au point de me faire saigner les doigts – il faut dire que j’étais très entamé. J’en ai un enregistrement – je n’ai la moindre idée de la manière dont l’enregistrement s’était fait –, je l’ai utilisé pour écrire Martial, je te le ferai écouter*. » Grace nous a laissés après le dessert. Laurent m’a parlé de ses multiples projets dont une compilation Mozart qui consisterait en la réduction de l’intégrale de ses œuvres en un seul son, « ou du moins en une seule plage de son qui serait la superposition de tous les opus ». « D’où le coffret. » « Oui. » « Tu me rassures. En somme, c’est comme mon point, mais étendu à une plage. » « En quelque sorte. Et toi, au fait ? » « Moi, rien. » À mon départ, les trois assiettes vides étaient toujours sur la table…
* j’ignore où est cet enregistrement (note du 5 novembre 2021)
9 septembre
La nuit dernière, j’ai posé un point final à 1296. Cinquante-cinq minutes et quelques. Reste à faire une écoute générale pour quelques corrections à apporter et réduire pour en arriver à 54’ 24’’. Pourquoi 54’24’’ ? Parce que c’est quatre fois 12’96’’, c’est-à-dire 13’36’’ qui donnent doublés 27’12’’, puis de nouveau doublés 54’24’’. Ce sera la version pour Laurent. Si j’édite un jour 1296, il faudra sans doute que j’y ajoute des explications au sujet de l’exposition et de ses différents stades…
11 septembre
J’essaye de travailler au supplément de Lustre qui est une catastrophe. Pour compenser, heureusement, il y a 1296 que j’ai achevé hier. Reste une écoute sur haut-parleurs avant envoi à Laurent…
(Projet : balayer la culpabilité liée au fait que je n’écrive plus à la main…)
16 septembre
Est-ce que je vais enfin parvenir à me dégager de la culpabilité liée au journal ?...
19 septembre
Laurent est enchanté de ma version de 1296. J’attends son accord pour publication. En même temps, le compte du Lys bat sérieusement de l’aile. (Paradoxalement, il faut que je relance les publications afin de grappiller un peu d’argent…)
22 septembre
Hier, sur le plateau du Blockhouse, Laurent, Laurence et Sara. Mélange de genres (j’allais écrire mixage, mais peut-être est-ce le terme, après tout). Des planches d’Isorel blanches, des constructions, des déplacements, des évolutions, la danseuse, des projections de dessins à partir d’un vidéoprojecteur, sons, bruits multiples que j’ai enregistrés. J’ai écouté deux fois aujourd’hui et ne sais franchement que dire du tout. Qu’en dire sinon qu’il y avait de belles images ? C’était une avant-première réservée à quelques privilégiés. À la fin, ils nous ont remis un questionnaire avec trois questions sur ce que nous venions de voir. J’ai trouvé la pratique étrange, inattendue, pour le moins, et un peu inutile dans la mesure où tout le monde s’est regroupé autour d’un verre et en a largement discuté…
24 septembre
Je viens de recevoir un mail tendu de Laurent qui me « reproche » de ne pas m’être manifesté suite à sa dernière prestation…
19 octobre
J’ai achevé la relecture de Lustre I. Cette lecture suit celle d’Est ouest et je me demande si je ne devrais pas renoncer au ton journal de ce Lustre, ton de fidélité à l’écrit et à l’objet de cette publication : un devoir, un rapport d’une année censée être vide. Du coup, je ne suis pas loin de penser qu’il faudrait considérer la série Lustre comme les précédentes et la travailler. Le ton journal me déplaît de plus en plus, me semble ne plus avoir aucun sens. Il faut raconter. Vais-je me lancer dans ce travail à trois mois de la reprise ?...
22 octobre
À la journée « portes ouvertes » du Blockhouse, Laurent présentait une pièce sonore dans son atelier, Avec le temps, quinze minutes ; elle se déroulait en boucle, montage à partir de bruits de train avec mélange de diverses versions de la chanson de Ferré. Laurent parlait trop pour que j’aie songé à un enregistrement. Il m’a reparlé avec enthousiasme de 1296 ; selon lui, Léo le partagerait ; il n’a pourtant pas daigné m’en dire un seul mot par courrier…
26 octobre
J’ai replongé le nez dans Lustre I. J’hésite entre le laisser tel qu’il est, c’est-à-dire le reflet « fidèle » de son état de journal, ou au contraire lui donner celui d’une écriture. J’ai encore deux mois pour me décider…
27 octobre
Je me suis décidé à m’attaquer aux « carnets sonores », c’est-à-dire aux enregistrements effectués lors des voyages qui iraient de pair avec les carnets écrits, à l’exception du Japon qui aurait droit à un livret à part. Je pensais du reste associer l’enregistrement japonais au livret, mais je pense que l’ensemble serait plus riche en l’ajoutant aux carnets. Si je ne m’abuse, et avant vérification, il n’y aurait que Lisbonne, Budapest et Londres dernièrement (n’y a-t-il vraiment rien eu d’autre ?). Ce serait un peu maigre sans le Japon. J’ai entamé Lisbonne, heureusement déjà bien épurée sur les minidisques. Je suis frappé par la richesse sonore de l’enregistrement effectué dans le tram, je n’en avais pas du tout le souvenir. Il servirait très certainement de « leitmotiv » à l’ensemble…
31 octobre
Je poursuis ma série de photographies du Velux depuis ma place au bureau qui alimente le Journal du site pour cette année. Je me surprends souvent à lever le regard pour suivre l’évolution de la lumière, du passage des nuages dans le ciel…
3 novembre
J’ai passé la soirée dans mon bureau avec mon chauffage d’appoint, tout d’abord avec Sylvia* que je poursuis avec un regain d’intérêt, puis avec le Japon où je suis retourné via les enregistrements que j’ai commencé à copier et à sélectionner. Toutes réflexions faites, j’en ferai un disque à part, lié au récit écrit. Je m’aperçois que c’est extrêmement riche et profus (tiens, voilà un mot que je n’emploie jamais), et qu’en outre (je l’avais oublié), l’origine de ce voyage était les expositions de Séraphin et de Léo ; il n’est pas pensable que je les élude, ou que je les insère dans un disque général sur les voyages. Carnets sera donc constitué de Lisbonne, Budapest, Londres et l’Angleterre (avec peut-être l’insertion de la braderie il y a trois ans, qui est bien une sorte de voyage). Le travail au Japon m’excite terriblement…
* Sylvia Plath et son saisissant Journals (note du 5 novembre 2021)
8 novembre
Finalement, le journal est un excellent compagnon du flâneur. À développer…
9 novembre
Je travaille à Budapest et tout spécialement au Musée de la terreur* qui occupe une grande partie de cet enregistrement. Je pourrais en faire un fil conducteur. (Et n’est-ce pas aussi un voyage ?...)
* musée consacré à la période collaborationniste de la Hongrie durant la Deuxième guerre mondiale – les Français n’étaient donc pas les seuls (note du 5 novembre 2021)
11 novembre
J’ai enregistré Jacques le Majeur…
22 novembre
D’où me vient cette totale absence de goût et d’intérêt pour le journal, plus prononcée que jamais : rien sur le week-end à Lyon chez Marcel qui, en d’autres temps, aurait généré une dizaine de pages, hier, un nouvel épisode des réunions roubaisiennes qui aurait donné lieu à une page ou deux ? Je n’y pensais pas, la pensée m’a traversé l’esprit, je l’ai laissé s’échapper sans lui accorder beaucoup d’attention. J’y viens tout de même, par acquit de conscience, et encore…
J’ai jeté un œil à Est ouest, ça m’est tombé des mains. J’ai mis cela sur le compte de la fatigue et me suis promis de le lire à tête reposée. Il n’empêche : cela vaut-il une publication ? De même pour Lustre I dont de nouveau je ne sais plus que faire. Dois-je entamer la publication de cette nouvelle série de Journals qui me semble être une régression par rapport aux précédentes. J’appelle cela un « devoir de vacances », mais est-ce suffisant pour justifier une publication ? D’un autre côté, il reste exactement un euro sur le compte du Lys et mes comptes personnels ne valent pas mieux. Avec quoi vais-je financer la reprise, sans compter 1296 que je ne peux faire autrement que de publier ? Je suis tenté de tout arrêter et de « donner du temps au temps » comme le préconise Saramago dans L’Aveuglement…
24 novembre
Je suis passé chez Omer et Falbala pour récupérer mon minidisque. Elle s’est bien débrouillée, a enregistré une bonne partie de ce cycle de conférences consacré au temps. Elle dit qu’elle était un peu perdue, que certains passages lui étaient passés au-dessus de la tête. J’en ai écouté une partie cette après-midi ; en effet, c’est abscons, technique, et je me demande si tout cela est bien utile dans le cadre d’un master en psychologie. Il n’empêche, c’est intéressant et je note que Proust est souvent cité. Le temps. Ne serait-il pas suffisant de lire La Recherche pour saisir le temps, Proust ou la littérature en général ? J’écouterai cela avec attention en le copiant avant de lui en faire un CD. De ce fait, nous avons parlé du temps, pas de celui qu’il fait, mais de celui qui passe et qui a un peu plus de cinquante ans. (Le temps, c’est moi.) Passé, présent, futur, on n’en sortira jamais et moi moins que quiconque. Je lui ai parlé de Marcel*, du fait que ces quatre années de séparation n’avaient pas existé puisque rien n’avait changé ; à l’inverse, les nouvelles qu’il m’avait données d’Amandine et de Francette m’avaient frappé et, effectivement, du temps s’était écoulé. Pourquoi elles et pas lui ? J’ai alors pensé à l’immobilisation des personnes en soi, puis à ma théorie perdue de l’accélération du temps au fil de l’âge, ou au fil du temps (l’âge et le temps sont-ils confondus ?). Puis je me suis dit que la première n’était qu’une banalité, un truisme, et que la seconde ne renaîtrait pas à ce moment où, à la deuxième gorgée de bière, je me sentais déjà engourdi…
* le weekend lyonnais en question (note du 5 novembre 2021)
27 novembre
C’est du côté de St Andries, dans une maison ancienne transformée en une sorte de loft urbain à multiples niveaux, résidence secondaire des galeristes ; l’art se porte bien – de ce côté-là de cette frontière, en tout cas. C’est beau, clair, agréable ; il y a un petit jardin d’où l’on peut voir le vitrail du porche d’une église de l’autre côté du mur. Les Flamands étaient majoritaires, du reste nous étions les seuls Français (pour la nationalité car pour la langue, ils se débrouillent très bien). Laurent exposait du son, son complice flamand de la peinture ; on voyait bien la peinture, mais pas le son, noyé dans la masse des conversations : c’est un vernissage. Au Blockhouse, il se produisait seul, on l’écoutait, le regardait ; là, il s’agissait d’une installation sonore qui s’écoute comme on regarde ; mais on regarde toujours mieux qu’on écoute. Devant une toile, un objet, il suffit de s’arrêter et de regarder ; face à un son « d’ambiance », on peine et très vite on renonce : c’est un vernissage. Mais l’œil était aussi sollicité : toutes les sources sonores, baffles, haut-parleurs, étaient « emballées ». Le mot n’est pas joli même s’il est juste puisque les baffles accrochés au mur étaient effectivement recouverts d’un emballage de papier blanc, délicat, fin, très japonais. Dans la pièce du niveau supérieur, de petits tweeters étaient aussi accrochés au mur, enrobés de fin papier blanc, comme des fleurs nipponnes. Dans le salon de jardin, il y avait deux autres tweeters enfouis dans une boule de papier blanc et posés sur une table en verre ; c’était le seul endroit où je pouvais espérer percevoir quelque chose. Je l’ai enregistré...
(L’un des problèmes des vernissages, c’est que l’on s’y rend davantage pour l’auteur que pour ce qu’il expose. Un autre problème, c’est que l’on aimerait l’y voir seul alors qu’il y est souvent très entouré. C’est tant mieux pour lui, mais dommage pour le visiteur même s’il est heureux de le voir entouré. Un autre problème découlant du précédent, c’est que l’on n’y voit pas ce que l’on voudrait voir et on n’entend pas davantage, sinon moins, ce que l’on aimerait écouter. Butz et Fouque à Ostende, c’était grand, ça prenait de la place, on pouvait s’arrêter, faire fi du reste et contempler*. Laurent à Bruges, c’est perdu dans une masse sonore et une agitation qui vont à l’encontre de l’intimité, de la discrétion que le son exige... Lors d’un vernissage, on ne voit pas l’exposition dans sa juste mesure. Ce n’est pas le moment, pas encore l’exposition. C’est une introduction, une idée, un avant-goût, un hors d’œuvre (le mot ne saurait être plus juste : « hors de l’œuvre »). Mais on va aussi au vernissage pour être sûr de ne pas manquer. Je ne compte plus les vernissages auxquels, volontairement ou non, je ne me suis pas rendu en me promettant d’y aller pour y être seul ; j’ai rarement tenu ma promesse ; mais aussi ceux où je suis allé en me promettant la même chose ; la fréquence est quasiment la même, c’est-à-dire de l’ordre de la rareté. Je me promets malgré tout de retourner seul à Bruges**… L’art ne peut s’adresser qu’à une seule personne à la fois. Je choisis le mot « art » parce que, pour l’heure, je n’ai pas d’autre mot à ma disposition, mais je pense qu’ici il était question d’art. Les musées ne devraient être ouverts que pour une seule personne par jour… Mon impression d’ensemble pourrait se résumer par « agrément », et me vient tout à coup à l’esprit la musique d’ameublement de Satie. Agrément n’a ici rien de péjoratif ou de réducteur – ni Satie, d’ailleurs –, mais il est vrai aussi que le mot m’a été soufflé par une récente expérience liée à un texte (ou l’inverse, plutôt)***… J’avais renoncé à enregistrer l’ensemble, ça n’aurait rien donné. Par la suite, j’ai dit à Aucassin que j’aurais dû le faire, car, après tout, le vernissage, c’est quand même l’exposition ; mais j’aurais eu une trace qui n’aurait pas été le reflet ou la mémoire de ce travail. Ou bien si ? Je me pose la question.
Quand Laurent conçoit un tel dispositif, pense-t-il à la phase perturbatrice que sera le vernissage ?...)
* une de leurs expositions ; leurs photographies sont en général de grand, voire de très grand format
** je n’y suis pas allé
*** je ne vois pas de quoi il s’agit (notes du 5 novembre 2021)
3 décembre
Je suis allé écouter le solo de Laurent au Blockhouse dans le cadre de la « journée des solos ». Un guitariste, puis Laurent, puis Igor le trompettiste. Le guitariste était un peu quelconque, Laurent avait élaboré une mise en scène assez drôle et est encore parvenu à repousser les limites de son instrument, Igor a tiré d’incroyables sons de sa trompette assimilables à des sons électroniques à tel point que j’étais persuadé que c’en étaient…
9 décembre
Je suis revenu à Est ouest. Ce n’est pas que c’est mal écrit, c’est que c’est ordinaire, ordinairement écrit. C’est de l’ordre du journal, sans réel souci, sans réelle trace de littérature. Ce n’est pas littéraire. Je disais à Éléonore que la différence était que je racontais une histoire, mais ce n’est pas vrai : j’ai l’impression de raconter une histoire, mais en réalité je ne fais que relater et aligner des faits, à la manière d’un journal. De là cette réflexion : je ne peux plus me détacher du journal…
18 décembre
Wolfgang se souviendra longtemps de ce 16 décembre où Laurent, épaulé par quelques comparses, l’a célébré à sa manière. Je connaissais le projet de l’intégralité en dix minutes, mais pas le reste qu’il a tenu à garder secret. Le tout a rempli toute la soirée. Laurent m’étonne, m’épate de plus en plus ; il est de plus en plus riche et inventif, de plus en plus habité. C’était déjà le cas lors de sa soirée chez Léo*, je veux dire l’imagination, l’invention, l’idée ; mais il n’y avait pas la justesse ; c’était une sorte de brouillon, d’ébauche, de naissance. Au fil du temps, il s’affine, s’aiguise, comme une lame qui brille de plus en plus à force d’être fourbie. Son exposition avait déjà une rare force. Cette fois, cette force s’est affirmée et à plusieurs reprises j’ai déploré que ça ait été intimiste, notamment le quatuor. L’hommage à Mozart (Mozart est là) commence par un quatuor de saxophones, rouge, bleu, vert, jaune, face-à-face et réunis autour d’une ampoule, au centre du cercle des chaises du public disposé en cercle autour d’eux ; une mise en scène sur l’arrivée, l’installation ; un jeu à partir d’un menuet, mi-structuré mi-improvisé ; c’était drôle et riche – il semble un peu regretter le « pas sérieux » de cette affaire ; qu’est-ce que ça peut faire si, au bout du compte, il y a un résultat, si la drôlerie, la fantaisie sont évacuées pour que ne soit retenue qu’une qualité ? Suit l’épisode Mozart, c’est-à-dire l’intégralité de son œuvre en dix minutes. Qui écoutera l’intégralité telle qu’elle a été proposée à la vente en quatre-vingt-douze disques ? Personne. Alors, il nous la propose en dix minutes et vingt-six secondes, c’est-à-dire les six cent vingt-six opus, sauf La flûte enchantée et La clémence de Titus non répertoriées (ça me laisse très sceptique, mais il l’affirme : pas de Köchel pour ces deux opéras-là). La règle qu’il s’est choisie n’est pas très juste (mais je n’en ai pas d’autre à proposer, sauf celle du point-son, c’est-à-dire les six cent vingt-six opus mis bout à bout et réduits à la dimension d’une fraction de seconde). Elle est arbitraire, et d’autres pourraient convenir : l’opus 1 dure une seconde, l’opus 2 deux secondes et ainsi de suite ; chaque opus est divisé par le nombre de secondes qu’il lui est dévolu et toutes les tranches, portions, fragments superposés ; c’est là que ça ne va pas : on n’entend pas l’opus 1, mais la superposition de toutes ses secondes, et ainsi de suite ; l’opus 626, le Requiem, est lui divisé en quatre parties. Il n’empêche que l’effet est spectaculaire : la première seconde est faite de la première seconde de toutes les œuvres « empilées », c’est-à-dire un rugissement cataclysmique… A suivi une série d’improvisations selon une règle de départ : six improvisations de cinq minutes chacune, les interprètes sont tirés au sort à l’aide d’un chapeau présenté au public. Puis Mozart est revenu, mais à l’envers ; je ne suis pas sûr que ça soit une bonne idée ; c’est de la surcharge, une fois suffisait. Mais l’effet par addition plutôt que par soustraction me semble meilleur ; il aurait dû faire l’inverse : à l’endroit et en additionnant. Un octuor a conclu avec un guitariste qui ne m’a pas convaincu de l’intérêt de ce type de jeu qui va dans le sens d’une déstructuration à toutes forces – le chaos à tout crin…
* voir le 2 février 2001, le soir de ma rencontre avec lui (note du 6 novembre 2021)
19 décembre
J’ai commencé à écouter l’enregistrement. Il est étonnant comme l’intégralité de Mozart prend ici une dimension autre ; c’est la perception du micro qui n’était pas au centre des quatre haut-parleurs, mais posé à terre et entre deux d’entre eux. Ce que j’avais perçu par les oreilles était d’une grande confusion, tandis que le micro retient des bribes dans le chaos… La pièce pour l’octuor s’intitulait Requiem et était pour Sosthène une manière de « régler ses comptes » avec Miles Davis et Gainsbourg, rythme funky pour le premier (de l’époque nauséeuse Bitches Brew) et la mélodie du Requiem pour un con pour le second…
22 décembre
J’ai vu Laurent au Sébasto pour que nous discutions de la présentation de son disque. Nous sommes tombés d’accord, j’ai fait les premiers essais aussitôt rentré, c’est très réussi…
25 décembre
Je me suis finalement mis au lit avec le journal de Sollers, poursuite de ses aventures en l’an 1998 qu’il a passé en partie à écrire Casanova l’admirable. Pour le reste, je note que c’est un lève-tôt et qu’il n’écrit qu’à la main (alors que depuis septembre je n’utilise plus que le clavier). J’ai le vague souvenir de son passage à la télé à ce moment-là ; un journaleux quelconque s’étonnait qu’il n’y parle pas davantage de lui, que ça ne soit pas intime. Il avait ri. « Pourquoi faire ? Quel intérêt ? » Quel intérêt, sans doute. Je compare évidemment ce type de journal « classique » avec les miens qui le sont moins, encore que je m’aperçoive que Lustre dans son ensemble ne sera pas bien différent, pas bien éloigné de cette ligne conventionnelle. Ça me rassure, d’une certaine façon. Mais ça m’inquiète aussi. Lorsque je lis Lustre (le II, par exemple), je reste confondu, le trouve sans le moindre intérêt (puisqu’il est classique) et me dis que c’est une régression, une sorte de retour au point de départ. Si je prends tout de suite après le journal de Sollers, la lecture de cette convention dans la mise en forme et sa rédaction (encore qu’il s’y amuse, joue le jeu de ce journal commandé) me conforte dans l’idée que je peux bien aussi commettre ce type d’écrit, d’autant qu’il s’agit aussi d’un jeu, et, d’une certaine manière, d’une commande. Quoi qu’il en soit, Est ouest me plaît toujours autant, malgré les quelques imperfections que je ne veux plus prendre la peine de corriger…
26 décembre
Voilà une curieuse chose : je constate avec étonnement que le correcteur refuse le « un » de « éphéméride ». Dit-on « une éphéméride » ? Oui. Mais là où la surprise est totale, c’est lorsque je lis le premier sens du mot, c’est-à-dire « liste regroupant les divers événements qui se sont produits le même jour de l’année à diverses époques » ! Journals est une suite d’éphémérides...
28 décembre
J’ai commencé l’impression des étiquettes. Tout marchait très bien, même le papier (un nouveau modèle de chez Works au pré-découpage inutile et chiant, mais au papier de meilleure qualité que l’imprimante accepte sans broncher), jusqu’à ce que, bien sûr, ça se mette à déconner : impossibilité d’avoir un à-plat noir correct, multitude de traces de passage alors que les cartouches étaient pleines. J’avais près d’une quarantaine d’étiquettes pour 1296, à peine une vingtaine pour les pièces. Je me suis acharné à essayer de comprendre, me suis énervé. Au bout du compte, la seule solution raisonnable était d’imaginer une nouvelle étiquette pour les exemplaires suivants, sans à-plats et avec le plus détails possibles pour « absorber » les traces de passage. J’ai trouvé : un détail de l’affiche pour 1296 (ironie, le trou du CD est exactement à l’emplacement du sexe de L’origine du monde), la partition de 1296 pour le second, celui des quatre pièces. C’est parfait, et mieux, c’est plus « joli » et plus juste. Du coup, m’a pris l’envie de tout refaire à partir de ces deux nouveaux modèles. Certaines étaient déjà collées ; il y aura donc deux modèles d’étiquettes pour chacun des disques et les seconds seront les modèles définitifs pour les suivants, c’est-à-dire au-delà des quarante que j’ai réalisés jusqu’à présent. J’ai passé la journée à découper les « pochettes » (trouver un nom juste), à plier, à coller, à graver les disques. C’est pratiquement achevé…
30 décembre
Sous les Revox trônent les deux piles des quarante-six exemplaires de 1296 (troisième numéro du Journal sonore) et des Pièces pour piano. Ouf…