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1995

 

*

 

12 août

 

 

Valérie est rentrée de vacances, je l’ai appelée. Nous nous voyons sous peu pour les pièces pour piano... (Mon déménagement à Lille à la fin du mois va sans doute gêner la reprise effective des enregistrements, voire la retarder ; du coup, je n’ai renouvelé aucun contact. À suivre à la rentrée...)

 

 

13 août

 

Voilà, c’est signé, l’appartement est définitivement « à moi ». C’était avant-hier, jour de naissance de Léo, il avait invité des amis. V. y était, ça ne m’a pas fait le moindre effet, je pensais à Valérie…

 

 

21 août

 

J’avais invité Adolphe, sa femme, François-Frédéric, sa petite amie et Apollos (plus Abdul qui s’est invité). À un moment donné, alors que nous parlions des cours de latin, François-Frédéric avait dit : « À Apollos, c’est des cours de gonzesses qu’il lui faudrait ! » « En effet », avait dit Apollos, « c’est dommage qu’il n’y en ait pas. Quoique », avait-il ajouté avec un éclair dans les yeux, « il y en ait eu une, le jour de ton anniversaire » (il m’avait regardé), « cette fille, comment s’appelait-elle, Valérie, qui a un charme fou. » Il jubilait. J’avais pensé qu’il confondait et voulait parler de Mia qui d’ordinaire attire tous les regards, mais il avait ajouté qu’elle était violoncelliste. J’avais dit : « Non, contrebassiste. » « Ah bon ? » « Oui, contrebassiste », avais-je répété en souriant comme un idiot… « Charme fou », ça me poursuit depuis…

 

 

27 août

 

Adolphe m’a remis les clefs, j’ai déposé les premiers cartons. Pendant ce temps à Billy, Valentin et Lilas, décidément précieux, attendaient un brocanteur pour les multiples choses dont je veux me débarrasser : prendre le minimum, ne pas m’encombrer… Ma tension montait à l’idée de mon rendez-vous avec Valérie. Le piano était arrivé au matin, j’avais déposé un nouveau lot de cartons, puis je l’avais appelée. Elle m’avait appris que sa mère et sa sœur allaient arriver. « Je ne sais pas combien de temps elles vont rester. » « Je te rappelle en fin d’après-midi… » Ça m’avait abattu. J’avais fait un aller et retour pour de nouveaux cartons et Adolphe était passé prendre quelques uns de ses meubles. L’appartement se vide petit à petit et, au fur et à mesure qu’il se vide, devient mien, je commence à prendre possession des lieux, à me rendre compte que bientôt j’y habiterai. En attendant l’heure d’appeler Valérie, j’avais fait un peu de piano. Curieusement, je lui avais trouvé un son extraordinaire dans mon nouveau lieu. Nouveau lieu. J’avais prévu de le faire visiter à Valérie qui aurait été la première à y entrer et, tout en jouant, je ne désespérais pas que cela puisse encore se faire ; en même temps, je savais qu’elle ne serait pas libre et qu’il allait encore se passer du temps avant que je ne la revoie...

Lorsque je suis sorti pour aller téléphoner – alors qu’elle habite à deux pas et qu’il me suffisait de passer chez elle –, j’étais persuadé que rien ne se ferait jamais ; et je n’en étais pas plus désolé que cela, avais l’air d’accepter, de me faire à l’idée que c’était fichu et que je m’étais trompé sur toute la ligne… Je suis tombé sur sa mère. « Valérie n’est pas là. Y a-t-il un message ? » « Non, je rappellerai dans une demi-heure. » Une fois dans la rue, j’ai su que je n’appellerais pas. J’ai décidé de rendre visite à Richard et Mia que je n’ai pas vus depuis plus d’un mois. Nous avons passé la soirée ensemble, je leur ai fait voir l’appartement qui les a époustouflés…

 

 

29 août

 

Il fait gris. Dans un peu plus de six heures, un camion emportera tous mes « biens ». Je suis prêt. Adieu, Billy…

 

 

11 septembre

 

Depuis le 29 août, j’habite au 10 de la rue Manuel à Lille (je peux donc fixer la fin effective de La Vie à Billy au 25 juillet 1995). Installation longue, laborieuse ; il n’y a que depuis hier que je peux m’estimer « posé ». J’ai passé la soirée d’avant-hier à contacter les musiciens pour leur communiquer mes nouvelles coordonnées. Bernard et Aiko ne sont pas libres avant début octobre, idem pour René et Marc : ils partent pour Marseille avec Richard  jusqu’à la fin du mois... J’ai rencontré Didier Piéton : il a eu une clarinette basse, s’y essaie ; il pense parvenir à la maîtriser assez vite. Je promets de lui remettre des partitions, mais je constate que Constantin nécessite deux saxes ténor dont l’un, en toute logique, est tenu par lui. Il faut donc que je trouve un autre sax pour cette pièce...

Me reste à contacter Marie-Noëlle et Marie...

Discussion avec Richard (qui, du reste, est dépourvu de trompette). Il estime qu’il faudra deux ans pour réaliser le projet dans sa totalité et ne pense pas que l’on puisse achever l’enregistrement de toutes les pièces avant fin décembre, alors que je compte bien y parvenir. Trois mois pleins pour soixante-dix pièces ? J’ignore si c’est réalisable, mais je pense que mon retour à Lille va grandement faciliter les choses. À suivre...

 

 

13 septembre

 

Fatigué, patraque, triste. Aucune nouvelle de Valérie qui, je le sais maintenant, ne passera pas, ne viendra pas d’elle-même. Pourtant, je l’attends. Elle ne viendra pas et je ne l’appellerai pas. J’ai décidé de ne plus donner signe de vie. D’attendre. Attendre qu’elle appelle, se manifeste. Elle ne passera pas à l’appartement et sait pertinemment que nous devons nous voir pour les pièces pour piano. Ce n’est plus à moi d’appeler même si notre rendez-vous manqué de samedi est indépendant de notre volonté. Coup du sort, signe. Pourquoi a-t-il fallu que nous ne nous voyions pas ce jour-là ?… Je peux désormais me considérer comme installé. Je peux souffler et songer à reprendre le projet en mains. Mais je me rends compte qu’avec la fin de l’agitation, de l’occupation physique imposées par le déménagement et l’emménagement, reviennent en force la tension, l’abattement liés au silence et à l’absence de Valérie. Il faut vite reprendre les enregistrements…

Mon projet de donner des cours de piano et de musique prend forme et peut devenir rapidement réalité : j’ai déjà plusieurs propositions. Mais j’ai peur. Je n’ai jamais donné de cours de ma vie, je ne suis pas sûr du tout d’être fait pour ça, d’être suffisamment compétent ; d’être tout simplement pédagogue. Il me faudrait des conseils, je vais en parler à Valérie qui pourra me guider. Mais pour cela, il faut l’appeler ; et l’appeler, je ne le veux pas… (Peur ou non, il me faut ces cours ; financièrement, c’est indispensable, et ça ne peut que m’être bénéfique, à tous points de vue…)

 

 

14 septembre

 

Coup de fil à Didier Pietton. Demain, je lui remets les partitions pour clarinette basse. Je vais tâcher de réunir au plus vite les deux Didier pour l’enregistrement de Jean-Baptiste. Richard part le 19, mais rien n’empêche que j’assure l’enregistrement, ici même, avec les Revox, et même pour d’autres enregistrements de pièces solo : Yann, selon toute vraisemblance, disponible ces temps-ci ; Aurélia (qui du reste ne m’a toujours pas rappelé) ; Marie ; Marie-Noëlle qui m’a promis de passer...

(Penser à faire accorder le piano.)

Je peine beaucoup sur Amandine qui bizarrement m’a complètement échappé. La reprise n’est pas facile…

 

 

15 septembre

 

Léo m’a appris que Jacques était musicien, jouait de nombreux instruments ; ça m’a étonné, et plu. Ce n’est qu’hier que j’ai réussi à le joindre. Léo a exagéré : il avait joué de la flûte à une époque et ne pratique plus. Par contre, il chante, et a fait partie d’une chorale. Je l’ai vu, lui ai parlé du projet, fait écouter les pièces enregistrées, puis les pièces vocales synthétisées. Ce sont ces dernières qui l’intéressent. Il a emporté des copies des partitions. Nous nous revoyons sous peu pour que je lui remette une copie de la cassette. Il est ténor, avec possibilité de baryton. Je ne sais quelle partie il pourrait tenir – Thierry est ténor, Jean-Marie baryton –, mais l’idée qu’il collabore m’enchante...

 

 

20 septembre

 

Impossible de joindre Didier H... Aujourd’hui, il y avait un message sur le répondeur de Léo* de la part de Marie l’altiste. Elle renonce, n’a pas le temps ; elle a laissé le numéro d’une autre fille, Christelle Rimbert. Je l’appelle, sans succès, laisse un message qui reste sans réponse. Je la rappellerai demain...

Il faut relancer, reprendre les enregistrements. Mais je ne sais par quoi, par qui commencer. Je m’aperçois que je n’en ai guère le goût, l’envie, le courage. Je me sens vide, n’avance pas d’un pouce. Le projet dans sa totalité me semble complètement vain. J’ai envie de renoncer...

J’ai appelé Valérie deux fois. À la seconde, ça a répondu. Elle rentrait tout juste d’Allemagne où elle venait de passer une semaine, un stage. Elle avait l’air agité, mais en forme. Nous nous sommes parlé comme à l’accoutumée. « Quand peut-on se voir ? » lui ai-je demandé. Elle est très prise, prépare un concours (pour où ? quel orchestre ? à quel bout de la France ?). Nous nous sommes mis d’accord pour demain en début de soirée. « Passe », lui ai-je dit.  Elle passera donc demain. Pour la première fois, ici, « chez moi »…

 

* pourquoi le répondeur de Léo ? (peut-être parce que le téléphone n’était pas encore installé à l’appartement) (note du 28 août 2021)

 

 

24 septembre

 

Antek m’a proposé une sortie au Blockhouse pour un concert des Zénervés. Deux guitaristes, une boîte à rythmes, un chanteur qui n’est autre qu’Eusèbe. Léo est arrivé, puis M***, puis Mia. Nous avons bu, très vite, j’ai été gris. C’est vers minuit qu’elle est apparue. Valérie. Je ne l’attendais pas et tout à coup, elle a été là, devant moi. Elle s’est coupée les cheveux, très courts, ça ne lui va pas du tout. Elle avait l’air gaie, pleine d’assurance. On s’est fait la bise, elle m’a dit deux, trois mots, m’a demandé s’il y avait longtemps que j’étais là, m’a lancé deux ou trois regards appuyés dans lesquels j’ai lu de la provocation, de la moquerie, puis elle a dit : « On va manger un truc. » Elle m’a regardé et a ajouté : « À lundi. » « Oui, c’est ça, à lundi. » Et elle a disparu avec Anne, Olivier et un inconnu qui l’accompagnait…

 

 

27 septembre

 

Valérie est passée à l’appartement (c’était la première fois). Je lui ai remis les nouvelles copies de Valérie, Donatien, Jour du souvenir. L’idée d’exécuter Blandine à deux mains lui a plu. Je lui ai parlé de mes difficultés à « raccrocher », à me mettre au livret, et de lui en parler ne m’a fait aucun bien. Je stagne toujours aussi lamentablement...

Impossibilité de joindre Yann et Didier P., et mes messages restent sans réponse. Par contre, j’ai eu Marcelle qui travaille ses pièces solo et me propose de m’envoyer une cassette : « pour que tu me dises ce que tu en penses avant d’enregistrer. » Voilà un tout petit pas de fait...

À contacter Jean-Marie et Thierry pour une confrontation. Je pense aussi contacter Bernard* Gaudefroy (qui avait collaboré à L'ultima riprezentazione de Léo en 1985). Il pourrait me servir d’ouverture au Conservatoire, pour Hervé, par exemple, à confier à six élèves de la classe de cor. Je n’ai pas non plus oublié qu’il est altiste et sa femme violoniste chez Casadesus...

À contacter Marie-Noëlle pour ses deux pièces...

J’ai passé la soirée d’aujourd’hui à l’élagage du mois de juin et à réfléchir à la conduite à adopter pour la construction de « l’intrigue ». Rien n’en est sorti. Tout ceci me semble insoluble...

Bientôt octobre, et je doute fort que les enregistrements soient achevés pour la fin de l’année (Richard avait raison)...

 

* et non Jean-Claude, comme l’indique le manuscrit (note du 28 août 2021)

 

 

28 septembre

 

Coup de fil de Didier P. qui répond à mon message. Je lui parle de Jean-Baptiste. Nous tombons d’accord pour samedi en début d’après-midi. J’appelle aussitôt Didier H. Il est d’accord. Nous enregistrons donc samedi, ici, rue Manuel, premier enregistrement chez moi...

Au soir, divers coups de fil :

- Aurélia que je n’obtiens pas ;

- Marie-Noëlle qui va travailler ses deux pièces la semaine prochaine ; elle me rappelle aussitôt qu’elle sera prête ;

- Jean-Marie et Thierry pour une confrontation des deux chanteurs principaux ;  nous nous voyons vendredi 6.

Puis coup de fil de Jacques ; il a travaillé deux pièces, dit qu’il y prend plaisir ; il n’est malheureusement pas disponible vendredi prochain, part jusqu’à la mi-novembre. De ce fait, il n’est pas sûr qu’il puisse prendre la voix de Jacques dans Philippe et Jacques, comme je l’aurais aimé. Il me propose un rendez-vous lundi pour me faire entendre ce qu’il a fait et que je juge de sa voix.

Lundi, je contacte Gaudefroy...

Venceslas est passé accorder le piano. Très sympathique, travail soigné. Il m’a proposé un second accord dans trois mois, gratuit, pour une meilleure justesse de l’ensemble. Je lui ai parlé de ma décision de donner des cours de piano, il peut me trouver des élèves sans problème (ou plus justement : me trouver sans problème des élèves – mais les deux, finalement). Je lui ai fait part de mes réticences, je n’ai jamais donné de cours de ma vie. « T’en fais pas, ma poule, ça se passera bien ! » Pour me « faire la main », je pense commencer par des proches, Marian, le fils d’Antek, Luce, la fille de Stan. J’ai aussi pensé à Gilberte, la fille de Graham, Line m’en avait parlé il y a quelques mois... J’ai appelé Antek pour lui proposer un rendez-vous avec Marian. Nous nous voyons dimanche 8 chez lui. La perspective de ces cours m’effraie ; je n’ai aucune idée de la manière d’aborder l’enseignement de la musique, et, de surcroît, d’un instrument qui n’est pas vraiment le mien (mais suis-je plus proche de la guitare que du piano ? je me pose la question, parfois). Comment entreprendre l’éducation musicale d’un enfant de cinq ans, et celle d’une fille de douze que le solfège rebute ?

Je suis sûr que l’enseignement ne pourra me plaire que si j’innove. Reste à savoir comment…

 

 

30 septembre

 

Après plus de deux mois d’interruption, les enregistrements reprennent : Jean-Baptiste, la pièce pour deux saxes alto, en l’occurrence Didier P. et Didier H. Ils ne se connaissaient pas, se voyaient pour la première fois ; tout porte à croire qu’ils se sont bien entendus (« Tu m’entends ? » « Je t’entends. » « Bien ? » « Oui, bien. »)... Il a fallu pas moins de vingt prises pour cette minuscule pièce, quoique délicate pour la justesse. Tous deux sont consciencieux et rigoureux ; c’est tout à leur honneur...

Didier H. m’a parlé d’Igor. « Je garde un très mauvais souvenir de cette après-midi-là ! » Je partage son opinion et la réécoute de la moins mauvaise prise que j’ai finalement choisie ne peut que le confirmer : c’est vide, plat, froid ; sans vie, sans respiration. Scolaire. À quoi est-ce dû exactement ?...

J’ai achevé l’élagage des journals et commencé la mise à jour définitive du dossier qui, du fait de mon retour en ville, doit comporter l’année 95 jusqu’au 29 octobre. J’ajoute donc de nouveaux journals : Notes, Musical II*, Amoureux...

Que faire du journal amoureux ? Dois-je entièrement le placer sous le signe de V. ou non ? J’ai dit à une époque que je ne le conserverais pas, mais en voyant la photo d’Irène au-dessus du piano et en pensant à V., je m’aperçois que c’était un mensonge et qu’au fond je n’ai qu’une envie : en parler, le montrer, le dévoiler, le présenter...

J’ai dit aussi que La vie à Billy ne serait pas une autobiographie. Mais comment l’éviter ? Comment échapper à l’emprise de l’ange qui, quoique j’en dise, est toujours aussi forte ?

Ne pas laisser traîner les choses : dès lundi, reprendre les contacts, relancer les musiciens…

 

* je ne vois toujours pas ce que peut être ce second journal musical... (28 août 2021)

 

 

2 octobre

 

Divers coups de fil en fin d’après-midi :

- à Bernard et Aiko, rendez-vous pris le samedi 14 chez eux pour l’enregistrement de la pièce « mystérieuse » pour Aiko (le titre m’échappe) et, pour Bernard, les trois pièces solo et, si Anne est disponible ce jour-là, Raoul ;

- à Anne qui ne répond pas ;

- à Marc, rendez-vous pris le lundi 9, ici, pour l’enregistrement de Rodolphe ;

- à Yann toujours absent ;

- à René, occupé jusqu’au 15. Il me promet de travailler ses deux pièces solo et Éric, pour tuba et piccolo, qu’il interpréterait avec sa fille. Il me rappellera à ce moment-là... Je pense qu’il serait bon que Marcelle profite de l’occasion pour interpréter ses propres pièces solo (ou alors, à moins d’une qualité exécrable, utiliser la cassette d’essais qu’elle a l’intention de m’envoyer ; voilà qui pourrait conférer un autre climat à l’ensemble).

Je n’ai toujours pas appelé Gaudefroy ; j’attends d’achever la mise à jour du diagramme et de copier les pièces pour alto au cas où lui-même serait intéressé...

 

 

3 octobre

 

Notes prises dans l’après-midi :

- le respect de la chronologie :

1) les pièces du Journal musical ;

2) l’histoire de V.

- la confusion du temps :

1) la Rue ;

2) les faits (la vie) à Billy.

Les récitants « disent » les personnages principaux qui, par conséquent, resteront muets (l’auteur, l’aimée, la médecine, la confidente, et, éventuellement, Lilas, Léo et Apollos – voir notes du livret).

- dialogues ;

- lecture des moments forts attachés à V. : le dimanche de gloire, Erzielen, le mercredi du soleil, le dimanche de la visitation (annonciation), le secret...

J’ai copié les pièces pour alto ; reste à achever la mise au propre du dossier avant de contacter Gaudefroy...

 

 

4 octobre

 

Marie-Noëlle m’a appelé : elle sort d’une bronchite, se plaint d’avoir la voix cassée, n’a guère le temps de se consacrer à ses deux pièces vocales ; mais elle me promet de s’y mettre vite. Nous nous voyons le samedi 14, ici...

Je m’étonne de n’avoir pas eu de nouvelles d’Aurélia et de Yann. Que font-ils ? que deviennent-ils ? J’ai la vague envie de confier le violoncelle à Marie-Noëlle...

Je ne me suis toujours pas décidé à contacter Christelle Rimbert, l’altiste qui ne daigne pas répondre aux messages. J’espère vaguement que Gaudefroy – que je n’ai toujours pas appelé – soit suffisamment intéressé pour prendre cette partie. Je me demande ce qu’il dira…

Je n’ai pas réussi à toucher Anne. Si j’en crois Marie-Noëlle, elle serait très prise en ce moment par le festival…

Je n’ai rien fait de particulier. Je réfléchis. Stagne...

 

 

7 octobre

 

J’ai enfin réussi à joindre Anne. En effet, elle est très prise par le festival et ne sait si elle pourra se rendre chez Bernard et Aïko pour Raoul. Elle me rappelle dans le courant de la semaine prochaine. En outre, elle n’a plus de piano ; ou, du moins, celui qu’elle possède actuellement* n’en mériterait pas le nom. Je lui ai proposé d’utiliser le mien quand elle le voudrait...

Thierry et Jean-Marie se sont enfin rencontrés. Après discussion et bière, nous avons répété Marietta. Au départ, ça a été laborieux, d’autant que Jean-Marie ne me semble pas avoir l’habitude de ce type de chant, ni de chanter avec quelqu’un d’autre. L’accord voix a été difficile et Jean-Marie n’est pas très juste. Nous nous revoyons la semaine prochaine à la même heure. Il serait bon que nous instituions un programme de répétitions régulières ; bon et nécessaire car, à mon avis, les pièces vocales seront très difficiles à mettre en place...

Bernard m’a appelé pour quelques renseignements au sujet de ses pièces. Erreurs, corrections, précisions. Il m’a confirmé notre rendez-vous de la semaine prochaine...

La semaine prochaine, donc : Marc, Bernard, Aïko, Marie-Noëlle, Thierry, Jean-Marie. Si tout va bien, neuf pièces seront enregistrées. Les choses se remettent enfin en route.

Nous avons parlé du projet, Thierry, Jean-Marie et moi. Ils m’ont posé beaucoup de questions auxquelles il m’a été difficile de répondre. Je suis toujours dans le brouillard, rien n’avance. Thierry est enthousiasmé, il m’a proposé sa collaboration. J’ai accepté avec plaisir, encore que je ne sache pas à quel titre, en-dehors de sa place de chanteur, il pourrait intervenir... Après le départ de Jean-Marie, je n’ai pu faire autrement que de lui parler du journal amoureux, puis de V., puis – encore que ça ne soit pas un secret – d’Irène... Il m’a parlé de Jacques Bonnafé qui, en ce moment, partage un spectacle patoisant avec Marc, Richard et René. « Je le vois bien dans le rôle de l’auteur, donc de toi... » Ce n’est pas inintéressant, et, à la réflexion, assez séduisant...

Je ne parviens toujours pas à me décider à appeler Gaudefroy, j’ignore pourquoi...

 

* le Pleyel était à Richard qui l’avait donc emporté avec lui (note du 29 août 2021)

 

 

9 octobre

 

Marc avait avec lui une cassette audio sur laquelle il avait enregistré trois prises de la pièce, chez lui, sur un Fostex quatre pistes. Je n’ai pas bien compris pourquoi. J’ai tout d’abord pensé qu’il voulait me la proposer comme enregistrement définitif, mais il avait son trombone. D’un autre côté, il disait qu’il n’était « pas d’attaque » pour enregistrer, et qu’il devait encore la travailler, la peaufiner. Je ne savais que faire. Marc m’échappe un peu, je ne sais trop comment me comporter avec lui... De toute évidence, il n’avait pas vraiment travaillé, d’autant qu’il persistait à jouer la blanche en croches comme si elle était pointée : six au lieu des quatre écrites. Je l’avais déjà constaté une précédente fois et m’en étais étonné. Je le lui ai fait remarquer : c’est l’écriture en abrégé qui l’a induit en erreur... En définitive, nous avons fait quelques prises, en conservant sa première lecture, en blanches pointées (version qui du reste ne me déplaît pas). Ça n’a rien donné de bon. Je lui ai promis de lui faire une copie avec toutes notes écrites... Je suis assez déçu...

Une composition est une proposition, particulièrement dans le cas du journal où l’idée, la démarche priment la fidélité absolue. Je ne suis absolument pas opposé aux variations, aux glissements que les interprètes, volontairement ou non, peuvent lui apporter. Au contraire. Rodolphe, à l’image d’autres pièces, est une idée, un ton. Une croche de plus ou de moins dans une succession de staccatos n’a pas vraiment d’importance dans la mesure où il y a un rendu d’ensemble. C’est le rendu qui m’importe, celui que doit conférer à la pièce l’alternance des staccatos et des glissandos. C’est ce que je lui ai expliqué. Je ne suis pas sûr qu’il m’ait réellement compris, comme moi-même je ne comprends pas que de prime abord il ne respecte pas la partition. Il lit mal ce qui est écrit, et cette confusion me surprend, et m’a d’autant plus surpris qu’il m’a été difficile de trouver la manière de le lui dire (mais d’un autre côté, son interprétation irrespectueuse – involontairement : il s’est instinctivement basé sur un système 3/6 classique – n’est pas sans intérêt : c’est une proposition – même si elle s’est faite malgré lui – et je ne peux pas ne pas en tenir compte)...

Plus que jamais, jusqu’où dois-je demander ? Dois-je imposer, exiger ? Dois-je ne pas me préoccuper du temps et du nombre important des pièces à enregistrer et demander rigueur et justesse, quitte à ce que nous mettions des mois, voire des années, à achever le journal ? Ou, au contraire, jouer le jeu du journal, appliquer à l’interprétation la même règle qu’à la composition : faire que cela soit, en dépit du résultat, de la qualité ? Igor est médiocre. Faut-il le considérer comme la trace d’un jour et donc le conserver tel quel, ou au contraire le monter, voire le refaire pour l’améliorer ? Les deux points de vue se défendent. Mais il y a le temps, et le fait aussi que l’enregistrement est une étape, et une étape somme toute secondaire. Mon objectif est qu’il soit achevé le plus rapidement possible, quitte à en rater certaines parties…

 

 

12 octobre

 

Aucune nouvelle d’Aurélia, ni de Yann. Je n’ai toujours pas contacté Gaudefroy... J’ai appelé Anne, elle n’est pas sûre d’être libre samedi. Néanmoins, elle travaillera Raoul, demain, ici même, sur mon piano.

J’ai pris quelques notes pour le projet. Rien de bien intéressant. Je les rapporte tout de même :

- les pièces musicales seraient jouées sur scène ; puis le(s) instrumentiste(s) regagneraient la fosse. Ils joueraient en marchant : traversée de la scène ; c’est un passage (du temps ?) ;

- l’horloge d’Erzielen : symbole du temps ; elle pourrait être constamment présente ;

- pour V., parallèle des jours (le 2 mai, par exemple) : lecture des textes couplée, superposée ; pour le 2 mai, narration simultanée de la rencontre et celle de la visite rue de l’Imposte, un an plus tard... etc. ;

- démonstration du foulage du vin, avec texte à l’appui : l’action de la rue s’arrête et les personnages regardent et écoutent ;

- le « mercredi du soleil » : à l’apparition de V., tout s’arrête et tout le monde, immobile, la regarde ;

- reproduction du salon à Montdevène (à la réflexion, non : ne conserver que la porte de l’escalier – il ne serait que suggéré – pour son ouverture en écran (suspens), puis la table où je (il) serais(t) assis ;

- Irène (l’ange, la femme aimée) ne doit pas forcément ne représenter que V. ; à réfléchir tout de même ;

- pour les relations en couple, utiliser un double (doublure) ?...

 

 

15 octobre

 

Deuxième répétition de Marietta. Ça avance, progresse, mais je m’inquiète. Faut-il tant de temps pour mettre en place une pièce somme toute relativement simple ? Thierry me dira que oui, « la voix est une affaire de travail, d’efforts, de patience... » Il a la voix juste, posée, au timbre « intéressant » ; belle voix de tête. Sa partie est presque achevée. Il n’en va pas de même pour Jean-Marie, qui piétine, hésite, a beaucoup de mal à ajuster sa voix. Pourtant, parfois, il s’accorde parfaitement et il y a eu de beaux effets. Malgré tout, je reste confiant, même si je ne suis pas loin de penser qu’il ne conviendra pas... Nous nous revoyons vendredi prochain à la même heure...

Anne a pu se libérer et était prête pour Raoul. Nous l’avons enregistré en premier, je m’en suis chargé, Richard n’était pas libre. Les quatre prises m’ont pleinement satisfait, tant au niveau de l’interprétation que de la pièce que j’aime beaucoup et davantage à présent que je peux l’entendre. Anne, au départ, a eu quelques difficultés à s’accorder avec Bernard ; elle n’a pas l’habitude de jouer avec quelqu’un d’autre. Mais ça s’est vite arrangé et Raoul est une réussite. Puis Bernard a joué Ida, Yves et Audrey, deux ou trois prises pour chaque. C’était également une réussite...

Restait Germain, l’ « instrument-mystère » qu’Aiko a exécuté au vibraphone*. La troisième prise a été la bonne. Nous sommes ensuite descendus pour tout écouter : à l’exception de Germain, c’était un fiasco total : craquements, saturation à divers endroits, l’enregistrement était fichu. Je ne comprenais pas ; à présent, je maîtrise bien le D.A.T. et n’avais pas fait d’erreurs de réglages. Alors, ça devait provenir des micros puisque je n’avais pas utilisé les mêmes pour Germain... Tout était à refaire. J’étais abattu. Anne et Bernard l’ont pris avec bonne humeur, étaient tout à fait disposés à recommencer (ce sera le 11 novembre). Il n’empêche ; je ne supporte pas cette défaillance que je prends pour un échec... J’ai déposé Anne chez elle ; Marie-Noëlle m’attendait. Nous sommes venus ici pour l’enregistrement de la Fête des Pères et d’Alida. La Fête des Pères est pour voix féminine (soprano) et violoncelle (sur la partition, « instrument indéterminé ») ; Alida est pour soprano a cappella sans texte. Marie-Noëlle n’est pas chanteuse, mais la Fête des Pères ne nécessite pas une grande voix ; seulement un minimum de justesse et de timbre. Instrument et voix (avec texte, non écrit ni même prévu au départ, je l’ai rédigé pour l’occasion) sont à l’unisson ; en l’occurrence, l’instrumentiste chante tout en jouant. Cela donne une coloration très particulière au chant, qui, dira Anne dans la soirée, ne manquera pas de surprendre un auditeur qui ignorera les conditions d’exécution. Il a fallu six prises. La meilleure, avant réécoute plus attentive, sera certainement la première : la voix de Marie-Noëlle faiblissait et perdait en assurance au fil de l’enregistrement. Le résultat n’est pas parfait et il n’est pas impossible que nous recommencions, mais j’aime cette interprétation, et l’accord de sa voix avec l’instrument. Il s’en dégage quelque chose de poignant, que je ne peux que louer... C’est l’inverse pour Alida. Je pense que cette pièce nécessite une « vraie » chanteuse (qu’elle me pardonne – encore que je sache qu’elle en est parfaitement consciente). Les deux prises sont relativement médiocres (Marie-Noëlle a même refusé par la suite de les faire entendre à Anne, Olivier et Léo). Nous avons renoncé. Marie-Noëlle est disposée à la travailler davantage, mais je doute fort que sa voix convienne...

Vu la disparition totale d’Aurélia (je ne parviens pas à la joindre, elle ne répond pas à mes messages), j’ai proposé à Marie-Noëlle de prendre sa place. Elle est d’accord...

J’allais oublier la cassette de Marcelle, puis Gaudefroy et Christelle Rimbert. J’en parlerai demain...

 

* il s’agit de Thibaut ; Germain est la pièce pour petite percussion (note du 29 août 2021)

 

 

16 octobre

 

C’est au cours de l’enregistrement d’Igor que Marcelle m’avait proposé de me faire parvenir une cassette avec ses quatre pièces solo. Nous en avions reparlé plus tard au téléphone, elle m’avait répété qu’elle ne me garantissait rien au niveau de l’interprétation, notamment en ce qui concerne les traits en triple croche de Kevin et de l’Ascension, et a ajouté qu’elle ne serait pas du tout vexée si, après écoute, je décidais de me séparer d’elle pour un ou une autre clarinettiste... Cette cassette, je l’ai reçue vendredi, à midi, l’ai écoutée une heure plus tard, au bureau, sur mon baladeur. Je l’ai appelée aussitôt après pour lui dire à quel point j’étais content et épaté. Content de son interprétation ; épaté par son jeu qui se joue, justement, des difficultés techniques avec une étonnante facilité... J’en ai parlé le lendemain à Richard qui m’a simplement dit avec un sourire : « Marcelle est une grande clarinettiste... »

Je n’ai toujours pas appelé Gaudefroy et ne l’appellerai pas. J’ai parlé de ma réticence, inexplicable, à son sujet. Ce que je n’ai pas dit, c’est la vague intention que j’avais eu d’en parler au préalable à Bernard, au cas, loin d’être improbable, où il y aurait eu entre eux – ils sont tous deux chez Casadesus – des inimitiés. Pressentiment. Il s’est confirmé lorsque je lui en ai parlé. Il a aussitôt fait la grimace. Il n’y a pas de réel conflit entre eux, ni même de frottement, mais il m’a avoué qu’il ne tenait pas vraiment à jouer avec lui (il y aurait les deux duos pour violon, l’un des quatuors – Gaudefroy est indifféremment altiste et violoniste). Ça m’a soulagé. En outre, j’ai réussi à joindre Christelle Rimbert (elle est intéressée, je la vois demain) et, par l’entremise de Marie-Noëlle, je pourrais prendre contact avec le Conservatoire et peut-être résoudre le gros problème de la pièce pour six cors (mais aussi celui du bassoniste, du sax baryton...).

Pour Barnabé, Bernard pense pouvoir profiter de la pause du midi à l’orchestre pour qu’Aiko utilise les timbales, et convaincre le tromboniste basse (seule et unique intervention pour cet instrument)...

Aiko pense pouvoir acheter un wood-block pour le 11 novembre ; ça lui permettrait d’exécuter Germain (la pièce pour « instrument-mystère » s’intitule Thibault* et non Germain comme je l’ai précédemment écrit).

J’ai réécouté la cassette de Marcelle. Il y a quelques points à revoir, mais dans l’ensemble mon impression est la même et mon opinion inchangée : c’est épatant...

J’ai parlé à Richard du problème technique de samedi. Il pense qu’il s’agit simplement d’une inadéquation de micro, celui que j’ai utilisé aurait été trop sensible pour le violon...

Pas de nouvelles d’Aurélia, ni de Yann. Christelle joue avec Aurélia dans un quatuor : elle m’a promis de lui en toucher deux mots...

 

* Thibaut (note du 29 août 2021)

 

 

17 octobre

 

J’ai rencontré Christelle Rimbert dans un restaurant de la rue Tasse. Elle avait avec elle le dossier et les partitions, je n’ai pas eu grand-chose à dire. Elle a peu de temps à y consacrer, mais est intéressée et m’a garanti qu’elle ferait les pièces solo. Pour le reste, elle verra. Je lui ai suggéré qu’elle partage le travail avec Marie, elle m’a promis de lui en parler. Comme elle se proposait, pour les pièces solo, de travailler en commun avec Aurélia, je lui ai suggéré un second partage, celui des pièces pour violoncelle : Aurélia se chargerait des pièces solo, Marie-Noëlle des quatuors. « Je lui en parlerai… » *

(Pensez à envoyer des copies de partitions à Marie-Noëlle.)

Léo m’a suggéré de confier le projet, au stade où il en est, à un metteur en scène. Il pense que Jacques pourrait faire l’affaire ; pourrait, pour le moins, être intéressé. Je partage assez cette idée...

 

* je n’ai pas le moindre souvenir de cette fille, alors que j’ai celui, précis, de toutes les personnes que j’avais rencontrées, qu’elles aient finalement participé ou non (note du 29 août 2021)

 

 

20 octobre

 

Troisième répétition avec Thierry et Jean-Marie. Papote, bière, il en résulte que nous avons commencé deux heures plus tard pour n’accorder qu’une heure au chant. Rien de concluant n’est sorti des essais d’enregistrement que nous avons faits. C’est encore assez laborieux, hésitant, inégal. C’est mieux que la dernière fois, mais je ne suis pas sûr que nous puissions parler de progrès. J’ai un peu peur. Pour Thierry, je suis confiant, et même assuré. En ce qui concerne Jean-Marie, je ne sais que penser. Il bute sans cesse sur les mêmes traits ; n’est pas toujours juste. Il est manifeste qu’il lui manque l’expérience du chant collectif et la pratique de ce type de chant. Pour les quatuors, en troisième et quatrième voix, il me semble indispensable de faire appel à des chanteurs de chorale. Antek ne saura jamais s’adapter à cette situation. Jacques, je ne sais (encore que, sans l’avoir entendu, je sois persuadé qu’il conviendra et je le vois très bien associé à Thierry).

J’ai fait la copie de partitions pour Marie-Noëlle et la mise à jour de ce journal sur ordinateur. Puis j’ai fait un essai de synopsis de l’ensemble. Je suis toujours dans le vague, n’ai pas avancé d’un pouce...

Mia est en clinique pour un problème d’accouchement (bénin). Je suis allé la voir. J’ai l’intention de lui soumettre la totalité de la Rue V. et de lui exposer le résumé des notes prises à ce jour au sujet de la scène. Elle pourra peut-être y voir quelque chose, une idée qui me permettrait de démarrer... À un moment donné, elle a mentionné Zita, m’a dit qu’elle la travaillait. J’ai été à deux doigts de lui dire de renoncer et lui parler d’Olivette. Rien n’est fait, j’hésite encore ; je ne sais même pas si j’aurai l’occasion, et même le courage, de lui en reparler, mais si elle acceptait (elle n’avait pas franchement refusé), il serait peut-être un peu indélicat de demander à Mia d’abandonner cette idée...

 

 

22 octobre

 

Des mois de stagnation, et puis, tout à coup, une sorte de lumière, de déclic. Depuis quelques jours, j’avais l’idée d’un synopsis détaillé de la totalité des journals en posant l’hypothèse que les pièces musicales seraient jouées dans leur ordre chronologique (j’avais déjà entamé, en juillet, un synopsis en ce sens, manuscritement et sous forme de tableau, mais ça n’avait rien donné). Il a suffi, au retour de la clinique, que je m’assois face à l’écran et décide de m’y mettre ; sans idée préconçue, sans véritable plan, sans but défini : considérer simplement la tranche jour après jour et, par rubriques (la rue, l’ange, la musique, les récitants, les dialogues, les noms propres, les livres, etc.), reporter tous les éléments significatifs et dignes d’intérêt, en gardant à l’esprit que la rue serait représentée sur scène (je ne sais sous quelle forme et j’ai dans l’idée que ce sera techniquement impossible) et que l’auteur – inclus ou non – y évoluerait en parallèle. Très vite, les idées et un semblant d’organisation se sont mis en place. Tout reste encore assez flou et confus – et le restera certainement encore longtemps –, mais du moins je commence à entrevoir ce que cela sera, et un ordonnancement se dessine. Je n’ai pas la moindre idée (ou du moins je n’arrive pas à me l’imaginer, à la concevoir, à me la représenter) de la cohérence sonore (musicale, chantée, dite) du tout, mais l’histoire prend corps et la scène s’emplit et s’ordonne...

Deux choses me tracassent : la succession des pièces qui, liées et reliées ou non par un additif musical, peut engendrer la longueur, devenir langueur et monotonie, d’autant qu’il n’y a que des pièces solo en introduction (et l’accord entre image et son ne sera pas facile à réaliser) ; puis la linéarité, la chronologie des faits et événements rapportés... J’y retourne (je loue l’informatique qui, dans ce type de travail de collage, de montage, est tout de même inestimable).

(La simultanéité est réalisée, mais jour par jour et non dans la totalité.)

(Faut-il jouer la carte de la confusion, quitte à aboutir au désordre non contrôlé et voulu comme tel ? S’en remettre à l’aléatoire ?...)

 

 

28 octobre

 

Harry Partch à l’Opéra, ou plus exactement le Newband qui interprète ses œuvres. Bonheur total, même si les pièces exécutées étaient loin d’être les plus intéressantes... J’y ai rencontré une partie de la « bande », dont Didier H. et Marie-Noëlle (ils vont interpréter Henri/Joël)…

Troisième répétition de Marietta. Ça avance, mais c’est laborieux. Nous avons fait quelques essais avec Thierry en voix de tête, octave supérieure ; c’est affreux (mais il a tout de même fallu plus d’une heure pour que chacun – dont je suis – consente à l’accepter et, surtout, à l’avouer). Thierry revient au registre de la partition. Il est manifeste que c’est de cette manière qu’il faut l’exécuter... Les quelques prises que nous avons faites n’ont pas été vraiment concluantes, mais quelque chose se dessine. La semaine prochaine, nous devrions aboutir. Il n’empêche que je me fais beaucoup de soucis au sujet des autres pièces, notamment Philippe et Jacques autrement plus difficile techniquement.

Aucune nouvelle de qui que ce soit, et notamment de Yann dont le répondeur semble enclenché pour l’éternité, aucune réponse à mes multiples messages...

À l’Opéra, j’ai croisé Valérie. Je pensais la retrouver à la fin du concert, mais elle avait disparu...

Bonne nouvelle : Marie-Noëlle m’a appris qu’il n’y aurait pas de problème pour faire exécuter Hervé par la classe de cor au Conservatoire…

Au théâtre des Soirées bleues, j’ai vu Le sourire de la vitesse, soliloques chorégraphiques de Philoxène. Pas mal de choses m’échappent encore mais, petit à petit, j’entre dans ce monde. Des trois créations de lui que j’ai eu l’occasion de voir, c’est certainement celle que j’apprécie le plus. Je pense lui toucher deux mots de Journals où il pourrait avoir sa place...

Olivier m’a appelé pour me parler du dossier. Il l’avait lu, m’a demandé des précisions et (c’est la première fois que cela se produit) à lire des textes qui s’y rapportent... J’y passe demain avec tout mon barda de papiers...

Je n’ai pas touché au synopsis de la semaine, m’y suis remis hier et un peu aujourd’hui (ce soir, arrive Marcel ; demain, entre lui, Richard, Anne et Olivier, je n’aurai guère de temps à lui consacrer)... À partir de lundi, je suis en congés maladie pour une dizaine de jours, ce sera l’occasion de me mettre réellement au travail...

 

 

29 octobre

 

J’ai passé l’après-midi avec Anne et Olivier. J’avais avec moi la totalité de la Rue V. sous sa forme « laser » – celle que la mère d’Olivette m’a imprimée –, les premières pages du synopsis et un fragment de Journals, Journal du 11 avril au 25 juillet, tel que je l’ai imprimé, version de travail condensée. Nous en avons parlé pendant plus de deux heures. Olivier semble très intéressé. Je lui ai remis la totalité de la Rue, il pourra en tirer des idées pour la mise en place, la mise en scène ; en quelque sorte, il sera mon « œil », celui que j’ai tant de mal à acquérir pour une vision précise de la représentation scénique. Pas mal de choses en sont sorties, ça achève de me stimuler pour la poursuite du synopsis qui va déjà bon train. Je lui en remettrai une copie aussitôt qu’il sera achevé (ou au fil de sa rédaction selon le temps que j’y passerai) et une copie du condensé de Journals après retrait des noms, dont celui de V., qui apparaissent dans le Journal amoureux et ne subsisteront plus que sous l’initiale de leur prénom...

En fin d’après-midi, nous sommes allés au Blockhouse pour y voir les Zénervés, le groupe d’Eusèbe. Je suis rentré tôt, ai passé la nuit au synopsis…

 

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