retour

 

 

 

1995

 

*

 

8 mai

 

Je suis rentré dans la nuit. Depuis dimanche matin, je n’ai vu personne, n’ai pas bougé, si ce n’est pour une visite-éclair chez ma mère. Je suis tout à la frappe des fragments de Journals. Je tape, transcris, sans bien savoir où je vais. Cette masse d’écrits – immense, je commence seulement à m’en rendre compte, et à la seule pensée de tout ce qui reste à entrer dans l’ordinateur pour une éventuelle publication (mais de quoi exactement ? et comment ?), je me sens découragé, ai envie de tout arrêter – m’écrase et m’épuise. Mais aujourd’hui, une idée s’est amorcée ; elle m’a redonné du courage, a donné un semblant de sens et d’utilité, de validité à cette transcription fidèle et systématique qui jusqu’à ce moment-là m’avait semblé complètement vaine. Du coup, c’est la totalité des journals que j’ai eu envie de prendre en compte (mais quelle somme de travail). Pour l’heure, je ne considère que les journals qui entrent dans la tranche comprise entre le 11 avril et le 25 juillet de toutes les années. En transcrivant, et en relisant donc le contenu de ces écrits dont j’ai pratiquement tout oublié (sauf celui de L’homme en mai que je ne suis pas loin de connaître par cœur), je découvre des faits, des réflexions, des événements qui, imperceptiblement, grossissent ce qui devrait être la trame de cette histoire de ma vie à Billy...

 

 

11 mai

 

Il n’empêche, c’est la confusion la plus totale. Les éléments sont disparates, isolés ; n’ont pas de lien entre eux. V. pourrait-elle être ce lien ? Certainement. C’est bien ainsi que je vois les choses. Mais comment l’inclure dans une histoire qui ne serait pas exclusivement la sienne, comment faire pour qu’elle en soit le centre sans que ça ne soit un décalque des événements authentiques qui ont marqué cette année placée sous son signe ?

La vie à Billy ne doit pas être une autobiographie. Ou alors une autobiographie inédite, factice...

En alignant, jour par jour et jour après jour, les fragments respectifs des différents journals sans tenir compte des années, je me suis aperçu qu’il y a matière à quelque chose. Un titre, par exemple :  Journal, du 11 avril au 25 juillet...

Ce journal, qui les englobe tous et devient un seul ouvrage, doit-il considérer le Journal musical et l’Année de la rue V. ?...

Je poursuis vaillamment la frappe des fragments. J’approche la mi-mai. De « revivre » à nouveau mes premiers pas en compagnie de V. me fortifie au lieu de m’affaiblir.

J’avais confié à Claudine la composition sur ordinateur du plan de la Rue V. Léo m’en a apporté une copie hier. C’est formidable, je suis ravi...

J’ai fait connaître Irène Jacob à Léo. Je pense qu’elle lui a beaucoup plu. Il lui trouve nombre d’affinités avec V. Pour ma part, je ne sais pas, ou plus. Il n’empêche qu’Irène est merveilleuse ; je ne me lasse pas de la regarder et de me dire que c’est elle, qu’il ne peut y avoir qu’elle pour représenter V. sur une scène...

 

 

13 mai

 

Je suis passé chez Alex pour que nous voyions les deux partitions pour flûte ; j’ai découvert avec stupeur qu’il ne lisait pas la musique alors qu’il m’avait affirmé le contraire. Par la même occasion, j’ai fait la connaissance de sa « femme », une espèce de furie innommable qui, passant en coup de vent chercher les enfants dont il avait la garde, a exhibé sa grâce en l’engueulant copieusement et en m’ignorant totalement...

J’ai appelé Valérie, un homme m’a répondu. J’ai cru m’être trompé de numéro, étais prêt à raccrocher lorsque je l’ai entendue prendre le combiné et, en guise d’explication, me dire cette chose bizarre qu’il s’agissait de son voisin. Je ne me suis pas étendu ; nous avons pris rendez-vous pour mercredi et j’ai raccroché. (Son voisin qui décroche le téléphone chez elle ?...)

 

 

14 mai

 

Je ne suis pas retourné au bureau, frappe toute la journée, suite de la rédaction des fragments des journals...

 

 

16 mai

 

Je ne l’avais pas vue depuis deux mois et craignais déjà le trouble et le malaise. Je l’ai trouvée changée, physiquement, peut-être sa coiffure, ou un air reposé, et jolie, beaucoup plus jolie, et de lui découvrir cette neuve joliesse n’a fait qu’accentuer la tension qui m’a saisi dès que je me suis assis. J’étais déjà sur les nerfs suite à mes déboires avec Olivette ; mais c’était de me retrouver avec elle qui m’agitait, j’ai eu beaucoup de mal à la regarder tout en lui parlant. J’ai réussi à me montrer léger et naturel, suis même allé jusqu’à m’asseoir à son piano pour lui jouer Amandine (je peine dessus, nous en avions déjà parlé). Je me suis embrouillé, ai cafouillé, mais avec suffisamment d’humour pour que ça m’ait aidé à gommer en partie la tension qui me gagnait de plus en plus. Je ne sais qu’en penser, comme je ne sais que penser de son comportement alternativement ouvert et relâché, puis tout à coup froid et clos. Mon comportement se conforme exactement au sien… Je lui ai demandé des renseignements au sujet des cours de piano et des revenus que l’on peut en tirer ; ça a été l’occasion de la mettre au courant de ma situation de « célibataire », de mes problèmes d’argent, de mon idée de donner des cours comme appoint, puis de mon retour imminent en ville. Comme un imbécile, je m’étais attendu à ce qu’elle me pose des questions, elle n’en a rien fait (et pourquoi l’aurait-elle fait ?). Plus que jamais, elle m’échappe. J’ai envie de me rapprocher d’elle, mais je ne sais comment procéder. Par moments, je pense y être, mais l’instant d’après, tout est à refaire et je ne sais plus comment me comporter, ne sais plus ce qu’elle est, ce qu’elle pense ; mais moi-même, je ne me comprends pas, ne sais exactement ce que j’attends d’elle, ce que je vois en elle… Elle doit me rappeler pour les premiers contacts avec les musiciens dont elle a la « charge » (mais c’est véritablement une charge) ; puis nous nous reverrons pour les répétitions de ses propres pièces... (Elle a reconnu qu’Amandine était effectivement une pièce difficile et a estimé que je m’en sortais beaucoup mieux que je ne le prétendais ; ça m’a stimulé et j’ai pris la résolution de la lui exécuter parfaitement la prochaine fois que nous nous verrions...)

 

 

26 mai

 

Je suis passé chez Mia et Richard (et Anne et Olivier). Je m’y sens presque comme chez moi. J’ai enregistré pour Mia la mélodie de Zita, avec au fond de moi de la réticence : j’aimerais tant que V. la chante, et je ne désespère pas que cela se fasse un jour, même si je suis enchanté que Mia le fasse...

Aucune nouvelle de Valérie alors qu’elle m’avait promis de m’appeler en début de semaine...

 

 

2 juin

 

J’ai demandé à la mère d’Olivette si, après la lecture du dossier (qu’elle a trouvé « intéressant »), elle voulait bien, d’une manière ou d’une autre, y participer. Elle m’a dit que oui...

 

 

3 juin

 

Valérie dit : « Je t’appelle dans deux jours. » Valérie promet et ne tient pas : cela fait plus de quinze jours que j’attends son appel...

 

 

4 juin

 

J’ai appelé Richard pour l’inviter à la maison avec Mia, Anne et Olivier. Dans la foulée, j’ai appelé Valérie. Elle ne semblait plus se souvenir du coup de fil qu’elle avait promis de me passer. Nous avons parlé de Journals, puis de l’invitation. Comme elle répète près d’ici, je lui ai proposé, pour lui éviter un retour inutile, d’aller la chercher et de revenir directement avec elle ici. « Je te confirmerai demain », m’a-t-elle dit…

 

 

5 juin

 

Un caméscope du bureau m’est tombé entre les mains ; il m’a permis de fixer sur bande toute la maison, intérieur, extérieur, tout y est passé. Il n’est pas exclu que j’utilise ces images (ou l’idée de ces images) pour le projet...

La mère d’Olivette poursuit l’impression de la Rue V. Elle en fera la mise la page, s’occupera de sa conception. De mon côté, je continue la frappe des journals. J’en suis à la fin juin. Je n’ai toujours aucune idée (ou très vague) de ce que cela va donner, de ce que je vais en faire...

 

 

6 juin

 

J’écrivais quand le téléphone a sonné. Valérie devait m’appeler, j’attendais son coup de fil ; j’avais même hésité à m’y mettre, car je savais que ce que j’avais à rapporter allait me demander du temps, de l’attention et de la concentration tant étaient confuses mes pensées. J’écrivais : « Je disais, je pensais » et le téléphone a sonné. C’était bien Valérie. Deux heures s’étaient écoulées lorsque j’ai raccroché...

 

 

8 juin

 

Deux heures durant, nous avons parlé, et je devrais dire : elle a parlé, et cet appel aurait duré bien davantage si à un moment donné je n’avais décidé qu’il s’interrompe. Elle était donc déterminée à ce que nous parlions davantage, et je dis « nous », car si j’excepte les premières minutes de son appel où il était manifeste qu’elle voulait parler d’elle, il s’agissait bien d’une conversation ; et cette conversation, elle voulait la tenir le plus longtemps possible ; je l’ai senti à chaque silence qui s’est installé, silence qui, en toute logique, logique d’un appel téléphonique, précède et prépare le moment de raccrocher ; mais ce silence-là était pour elle le moyen de relancer la conversation, comme une pause, une respiration ; et de nouveau, elle parlait et, à chaque fois, il était flagrant qu’elle ne voulait pas que ça s’interrompe... Elle était tendue, énervée ; sortait d’une répétition avec une nouvelle formation, un quatuor, dont elle fait partie depuis peu. Elle était énervée car il y avait eu des grincements entre eux, peut-être aussi une tension qui l’avait fait douter d’elle-même, l’avait amenée à s’interroger sur sa condition de musicienne, sur le rapport qu’elle entretient avec son instrument, à la musique, aux autres musiciens. Elle m’avait déjà plus ou moins parlé de ses doutes, de ses questions, de son manque de confiance en elle, de son état d’esprit depuis quelques mois, de son sentiment d’égarement ; elle m’en reparlait, mais cette fois avec davantage de véhémence, de fébrilité, de confusion, car c’était lié à un fait tout frais. À cette confusion s’est allié le désordre, et j’avoue que je n’ai pas tout saisi : elle voulait tout dire en même temps, tout en ne sachant vraiment que dire, ou comment le dire, et je me reconnaissais dans ce comportement : le désordre des pensées, des idées et des sentiments, et la difficulté de les remettre en ordre et de les exprimer, de les formuler... Je l’ai écoutée, et comme j’ai pu, conseillée. Puis nous avons parlé d’autre chose et à partir de ce moment-là s’est installé un climat de familiarité, de relâchement, de détente qui a fait qu’il ne s’agissait plus d’une communication téléphonique, mais bien d’un échange ; l’appareil et les trente kilomètres qui nous séparaient n’existaient plus, nous étions l’un en face de l’autre et nous connaissions depuis toujours, alors que je n’avais jamais su comment me comporter avec elle, jamais su ce qu’elle pensait, je ne la comprenais pas, ne la cernais pas. Ça m’a touché et presqu’ému...

C’est moi qui ai fini par l’interrompre ; pas par ennui, fatigue ou lassitude, mais par perplexité, et déroute ; aussi par incompréhension et doute ; je ne comprenais pas son désir de ne pas voir la conversation s’arrêter, ou, plus exactement, je doutais de sa nature ; je ne savais s’il s’agissait d’un simple désir de parler, de ne pas être seule, ou si elle attendait quelque chose, de sa part autant que de la mienne, car, je n’ai pu faire autrement que d’expliquer cette insistance par un attachement, une attirance qu’elle aurait pour moi et n’aurait su exprimer autrement que par ce comportement qui alors aurait été de l’ordre de l’attente. Cette explication est plausible ; elle en vaut une autre, mais si je considère son ton résigné au moment de nous quitter, « alors, on se voit bientôt » (regret que ce « bientôt » soit vague, ne soit pas une date précise et proche que j’aurais fixée ?), je serais tenté de dire qu’il s’agit de la bonne... Mais je me connais, connais ma propension à la déformation, à l’interprétation à mon avantage. Il n’empêche que cet appel avait un caractère suffisamment étrange pour que je n’exclue pas cette possibilité... Aujourd’hui, j’ai pensé l’appeler ; je ne l’ai pas fait... (J’allais oublier : elle ne sera pas libre pour venir avec Mia, Richard, Anne et Olivier...)

 

9 juin

 

Dans ses réactions, Valérie a souvent quelque chose de l’enfant. Ça ne peut que me séduire. Parlant de V., j’avais employé cette formule : « Je suis un enfant dans la cour des grands, et deux enfants égarés ne peuvent que se rencontrer... » Je me demande jusqu’à quel point, je ne peux pas appliquer cette formule à Valérie...

J’ai envie d'annuler l’invitation. Anne doit m’appeler demain pour confirmer ; j’espère qu’ils seront empêchés, et que je pourrais alors appeler Valérie pour qu’elle choisisse elle-même son jour...

Valérie est un mélange de fragilité et de détermination, de doute et de volonté, d’indécision et de ténacité. Ceci ajouté à son agitation, à sa confusion, à son (apparente) instabilité, a une large part dans l’attachement que j’ai pour elle... (Qu’ai-je dans la tête exactement ?...)

 

 

12 juin

 

J’ai appelé Valérie quatre fois, sans résultat. À la quatrième, j’ai levé les yeux sur la pendule et me suis exclamé : « Mais où peut-elle donc traîner à cette heure ? » Il y avait de l’agacement dans ma voix… Hier, Mia, Anne, Richard et Olivier sont passés à la maison. Comme à son habitude, Richard a été horripilant ; mais à présent, ça m’est égal puisque, désormais, je sais comment le manier. Ils se sont étonnés que Valérie ne soit pas venue et nous avons tous été d’accord pour dire qu’elle en faisait trop. Mais, au fait, pourquoi en fait-elle trop ? Pourquoi tant courir, tant faire à tort et à travers, tant accepter, tant jouer, commandes, projets, contrats, sans répit, sans relâche, et l’argent n’est pas le seul motif. Je me suis posé la question à plusieurs reprises et me la pose encore. J’ai pensé que c’était pour oublier ; mais oublier quoi ? (Il y a sa séparation – dont, d’ailleurs, je ne sais toujours rien : est-elle partie, l’a-t-il quitté, en souffre-t-elle ? –, mais ça n’explique peut-être pas tout...) Nous en avons un peu parlé, l’autre soir, au téléphone. Je lui avais dit que c’était « dangereux » (c’était un peu excessif et je m’en suis voulu après coup). Elle avait approuvé. J’aurais dû lui poser davantage de questions, mais ça supposait une certaine intimité, qui n’est pas acquise même si, à de nombreuses reprises, j’ai senti que nous étions très proches l’un de l’autre. Il n’empêche, ça me fait peur…

Je suis en maladie depuis trois jours. J’ai devant moi des journées infinies, à ne plus savoir qu’en faire. Quelle joie ! Tout le temps, tout mon temps ! J’ai comparé ma disponibilité, mon indolence, ma tranquillité à la précipitation de sa vie : moi seul dans la maison, contrôlant parfaitement mon temps et son emploi ; elle, d’un train à une voiture, d’une répétition à un cours, à « traîner » son instrument d’une ville à une autre. Cette image de nos existences opposées et quasiment divergentes m’a donné le vertige...

(Traîner, entre guillemets ; c’est une allusion à l’une de ses questions, l’autre jour, au téléphone, à propos de ma vie nocturne et de mon peu de sommeil : « Mais qu’est-ce que tu fais à traîner comme ça jusqu’à trois heures du matin ? » Cette question m’avait surprise dans sa bouche et davantage, ce mot, « traîner ».)

(Je relis ce jour et m’aperçois que moi aussi j’avais dit « traîner » en parlant d’elle.)

(Elle na pas pensé à ma fête...)

 

 

16 juin

 

Hier, j'ai rencontré trois musiciens : un saxophoniste, connaissance de Richard ; une violoncelliste, connaissance de Valérie ; enfin, un tubiste, connaissance également de Richard...

 

 

17 juin

 

C’est en transcrivant des partitions que m’est venue l’idée d’un « journal du projet ». Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ? Toute l’évolution de la chose, la recherches des musiciens, les contacts, les rencontres... À tout relire depuis le début ; je commence dès demain...

J’ai rencontré Bernard Bodiou, violoniste, et Aiko, son épouse, percussionniste, tous deux chez Casadesus. Ils sont très intéressés. La gentillesse et la générosité des personnes que je suis amené à rencontrer depuis le lancement du projet me stupéfie...

Je n’ai pas parlé de René Delberghe et de Marcelle, son épouse, respectivement tubiste et clarinettiste. Ni d’Aurélia, l’amie violoncelliste de Valérie. Cette négligence de ma part m’étonne beaucoup...

 

 

18 juin

 

Je n’ai pas dit qui était le saxophoniste que connaissait Richard. Il s’agit de Didier Henry, dont Mia m’avait parlé. Il écrit, effectivement, et, à l’image de toutes les personnes que j’ai été amené à rencontrer, est d’une extrême gentillesse. Réservé, ouvert, indolent... Coïncidence : il avait entrepris (sans le mener à terme) un projet similaire à la Rue V., du moins dans l’idée d’un texte (auquel s’ajoutaient des gravures de son frère) associé au jour. Par ailleurs, il a publié à la N.R.F., il y a des contacts. Nous nous sommes promis des échanges de textes...

Je suis passé chez Alex. Il peine lamentablement sur les deux partitions de flûte. J’essaie de l’inciter à renoncer, mais il ne veut pas en démordre, me jure qu’il va s’en sortir. Il m’effraie...

René, le tubiste (« je l’adore », dit Richard, et je le comprends), connaît très bien André L***. Je lui ai raconté ma rencontre, il n’en revenait pas, n’arrivait pas à croire qu’il ait pu me demander de l’argent. Il m’a appris en outre qu’il (André) attendait mon appel. Je l’avais complètement oublié. Je me suis promis de le faire, tout en sachant que je ne le ferai jamais...

Dans un café du centre, j’ai rencontré la violoncelliste dont Valérie m’avait parlé. Elle s’appelle Aurélia. Je lui ai décrit le projet de long en large, comme je le fais à chaque fois, et, évidemment, lui ai parlé de Valérie, comme je le fais aussi à chaque fois. Elle m’a demandé comment je l’avais rencontrée. Je le lui ai raconté, les douze pièces pour piano, puis comment elle est devenue à la fois la pianiste des douze pièces et la contrebassiste de Journals. « Mais », ai-je ajouté, « elle jouera aussi du piano pour le Journals puisque la pièce qui porte son nom est pour piano. » Elle a aussitôt relevé la coïncidence, a eu un sourire taquin et dit : « C’est tout de même curieux... » J’ai dit : « Oui, c’est curieux. » Mais elle a insisté, avec le même sourire et le même ton entendu, comme si elle voulait me faire dire que je l’avais sciemment écrit pour elle. « Non, ça a été écrit bien avant que je ne la connaisse. » Puis, en consultant ses propres partitions dont le quatuor Élisée où le violoncelle est pris par la contrebasse : « C’est drôle que tu aies mis là une contrebasse ! » Elle l’avait dit sur le même ton et avec le même sourire comme complice, comme si, de même, je l’avais fait sciemment. Puis elle m’a parlé de l’enregistrement qu’elles devaient effectuer le soir même pour la télé avec l’orchestre où elles jouaient. « Ça passera samedi prochain sur la trois. » J’ai aussitôt pris de quoi écrire pour le noter, tandis qu’elle ajoutait : « On verra bien tout l’orchestre, et surtout les contrebasses... » Elle avait le même ton amusé et faussement distrait, et le sourire. C’est à ce moment-là qu’elle est arrivée. Nous étions à une table près de la porte, il n’y avait que nous deux et, tout à coup, elle a été là, Valérie, comme surgie du sol, apparue comme la matérialisation de ce qu’Aurélia venait de me dire et qui tournait bizarrement en moi. Nous nous sommes fait la bise (c’était la première fois), elle s’est assise. Je lui ai dit que cela faisait une semaine que j’essayais de la joindre. « Je m’en doutais », m’a-t-elle dit, « il n’y a que toi pour ne jamais laisser de messages ! » Aurélia s’est alors exclamé : « Comment ? tu ne laisses jamais de messages ? même pas bonsoir, c’est Guy ? » et après une pause : « Ce n’est pas bien, ça ! » C’était exactement comme si elle avait dit : « Laisse-lui des messages, ne serait-ce qu’un mot, elle n’attend que ça ! » J’ai regardé Valérie, elle a souri. Ça m’a extrêmement troublé…

À propos de Valérie. Elle joue dans un quatuor, reprises de chansons arrangées, avec un saxophoniste : Didier Piéton. Elle lui a parlé du projet, il est intéressé. Elle m’a laissé son numéro. Mais plutôt que de l’appeler, j’ai proposé à Valérie que j’assiste à l’une de leurs répétitions. Ce sera l’occasion de les entendre (et de l’entendre, elle).

Anecdote, chez René et Marcelle alors que je leur parlais du projet. À un moment donné, comme je le fais à chaque fois, j’avais précisé que je leur demandais une participation amicale. Gros yeux de Marcelle, de stupéfaction. Je m’étais aussitôt dit qu’elle refusait toute forme de bénévolat. En vérité, elle avait mal interprété le mot « participation », pensais que je leur demanderais de l’argent pour jouer...

Idée : constituer effectivement un journal du projet, en tirer un certain nombre d’exemplaires, en remettre un à chaque instrumentiste, auquel je joindrai une copie du journal musical dans son intégralité...

René m’a promis un second tubiste pour Igor...

Je n’ai pas parlé d’Aiko, la petite Japonaise aux allures et réactions d’enfant. Un peu réticente au départ, elle s’est très vite passionnée pour les deux partitions qu’elle aurait à interpréter ; notamment Germain, la pièce pour wood-block, qui l’a emballée parce qu’elle devrait y pousser des cris. Par la même occasion, et par un drôle de hasard, s’est résolu le « problème » de Thibaut, la pièce pour « instrument-mystère » qui suit Raoul, l’une des pièces pour violon. Je leur ai avoué que je ne savais qu’en faire. Aiko, prenant « mystère » dans le sens de « mystérieux », a proposé le marimba ou le vibraphone qui tous deux pouvait conférer à la pièce un « caractère mystérieux ». Je ne l’ai pas corrigée. Nous sommes montés à l’étage où est entreposé son matériel de percussion. Tout excitée, elle m’en a fait une démonstration sur chacun des instruments. À ce moment-là, face au plaisir qu’elle y mettait et à l’évident charme des sonorités, j’ai renoncé tout à fait au « mystère » pour lui substituer « mystérieux ». Elle m’a demandé de choisir. Je lui ai demandé lequel elle préférait. « Le vibraphone, ça fait plus mystérieux. » Alors, va pour le vibraphone... Comme la pièce ne comporte aucune indication, elle m’a demandé si elle pouvait la jouer comme elle l’entendait. « Oui. » « Avec toutes les nuances que je veux ? » « Oui. » Elle a bondi de joie...

 

 

19 juin

 

Valérie a appelé pour me donner jours et horaires des répétitions du quatuor. Son ton était léger, rapide, précis, ça m’a décontenancé. Je n’allais pas bien depuis le matin, elle m’a demandé ce qui n’allait pas, mais sans insister, ça ne l’intéressait pas. Nous avons vaguement parlé du projet, puis silences, je ne parvenais pas à sortir un mot. Nous nous sommes quittés ainsi. « À bientôt. » Mais je ne pouvais en rester là. J’ai aussitôt rappelé. J’ai simplement dit : « Est-ce ce que je peux passer te voir ? » Elle m’a répondu, du même ton léger : « Mais, je t’ai dit que je sortais. J’étais prête à partir. » « Demain, alors. » « Non, puisque je t’ai dit que j’étais à Paris... » Alors, à bientôt. À bientôt...

Elle n’a jamais eu ce ton expéditif avec moi…

Demain, nous enregistrons la première pièce, Justin, chez Didier, Marc Hardy au trombone, Didier Henry au sax ténor...

 

 

20 juin

 

Jusqu’au petit matin, j’ai recopié les pièces pour violon à l’intention de Bernard, puis, dans la foulée, certaines parties de contrebasse à revoir, à transposer, pour Valérie, je les glisserai dans sa boîte aux lettres.

Lorsque je suis arrivé, Richard n’était pas prêt. Anne est descendue. Je lui ai parlé des pièces pour piano, elle ne les a toujours pas travaillées. Pour la stimuler un peu, je l’ai prévenue que sous peu le violoniste serait prêt pour exécuter la pièce pour piano et violon (le titre m’échappe)... Richard devait aller chercher son matériel, je l'ai conduit, mais nous sommes arrivés à l'heure chez Didier. Un quart d’heure plus tard, Marc arrivait.  Il y a eu dix prises. J’en retiendrai trois. Aucune d’elle ne me satisfait vraiment, mais il me paraît difficile, dans ma position, d’exiger davantage de rigueur. Je ne pense pas que je puisse me le permettre dans la mesure où les musiciens participent bénévolement. Il me semble qu’il y a une limite à ne pas franchir ; il est déjà remarquable que les choses se soient faites, que nous en soyons arrivés là, même si des musiciens manquent encore, même si nous risquons fort de largement dépasser les délais que nous nous sommes donnés : je n’imagine pas que les enregistrements se terminent avant la fin de l’année. Quoi qu’il en soit Justin est fait, la première...

 

 

21 juin

 

J’ai dit qu’entre Valérie et Lilas il y avait des similitudes, ce qui m’avait poussé à la qualifier de « fille à problèmes ». C’est injuste, même s’il y a une part de vrai dans cette formule. L’énorme différence, c’est qu’il y a du plaisir en elle, du plaisir et de l’enthousiasme, de l’enthousiasme et de la fièvre. Je pense que « fièvre », dans le meilleur sens du terme, est un mot qui la qualifie bien...

Elle devait m’appeler pour me communiquer un numéro de téléphone. Je lui ai fait promettre, avec insistance, de le faire le soir même. Elle ne rentrait pas avant minuit. Comme toujours, je lui ai précisé qu’elle pouvait m’appeler n’importe quand, à n’importe quelle heure. J’ai passé la soirée allongé dans le canapé, près du téléphone : elle n’a pas appelé...

Je m’étais promis, ce même soir, de laisser un message sur son répondeur, premier message de celui qui n’en laisse jamais. Il m’a fallu deux heures et quatre essais avant que ma voix n’accepte de lâcher des mots…

 

 

22 juin

 

Didier Pietton, chez lui, scénario habituel. Il est intéressé, prend les partitions. Aucune réticence, ouverture immédiate. J’apprends qu’il connaît très bien Marcœur, qu’il a joué pendant quatre ans avec Art Zoyd, connaît très bien Gilles Renard. Il tiendra à la fois sax alto et ténor (pas en même temps, bien sûr). Au moins pour ces saxes-là, le problème est réglé. Il me conseille de contacter un certain Florian pour la clarinette basse (j’en ai parlé à Richard, il ne l’aime pas beaucoup, je laisse tomber), et aussi de passer par le Conservatoire, ou l’ANPE, pour les musiciens manquants…

Fête de la Musique. Après le latin et le repas, nous sommes sortis, histoire de prendre l’air. Après le Gros Bill, l’Iéna et L’Imagerie où Richard jouait, nous avons abouti à L’Écartelé où, autour d’une bière, a tourné une discussion un peu vaine au sujet de l’amour. Le chimique ou le culturel ?... Je me suis couché à l’aube. Huit heures plus tard, je devais rencontrer l’altiste, Marie Chastang. Il y avait sa mère et son frère, et elle, avec un nouveau-né de dix jours. Elle est jolie, me rappelle quelqu’un, je ne sais qui, j’ai l’impression de la connaître. Je n’étais pas très en forme, mais, heureusement, ça a été court à cause du bébé à nourrir. Elle est partante. Seul problème : elle part en vacances jusqu’au 20 juillet. Elle m’appellera...

Avant de reprendre la route, je suis passé chez Richard et Mia dans leur nouvelle maison (Anne et Olivier continuent à habiter dans l’autre). S’y trouvaient Léo et M***. Richard m’a demandé une date pour le prochain enregistrement. J’ai pensé faire Pâques sur le Pleyel resté à l’ancienne maison et lui ai dit que ce serait peut-être l’occasion d’inciter Anne à se mettre enfin au « travail ». Je l’appelle demain...

Je suis rentré avec une gueule de bois assez prononcée. J’ai déposé dans la boîte aux lettres de Valérie une enveloppe contenant Irénée...

Dans la soirée, je me suis remis à la frappe des journals...

Alex a appelé. Nous nous voyons dimanche pour une lecture de ses partitions.

(Question : que faire du Journal amoureux, à présent ?...)

 

 

23 juin

 

J’ai appelé Yann Ribecourt, hoboïste, le dernier de ma liste. Il m’a proposé un rendez-vous jeudi prochain à la gare (pourquoi la gare ?). Il m’a demandé des nouvelles de Valérie, s’inquiétait car elle n’était pas venue jouer à un concert. « Non, je n’ai pas de nouvelles... »

J’ai achevé la constitution du journal du projet jusqu’à ce jour. Il me semble désormais nécessaire de le rédiger sur un cahier différent.

Yann m’a paru endormi, ou distrait, comme égaré. Son signe de reconnaissance pour notre rendez-vous : « Je n’ai plus beaucoup de cheveux ! »

Aurélia n’est pas disponible avant le 20 juillet...

 

 

25 juin

 

Du monde à la maison, Léo, Fanny, Antek et Doriane. Dans la nuit, je parle du projet à Antek, et plus précisément du Journal musical. Il avait déjà été vaguement question, au cours d’une autre nuit, qu’il prête sa voix aux pièces chantées. Je relance l’affaire. Il ne lit pas la musique ; a un rapport intuitif, instinctif avec elle. Il « condamne » la théorie, le « professionnalisme », la direction pour prôner l’improvisation (ce en quoi je le rejoins). Au départ, il était réticent (réticence qui, en vérité, n’est liée qu’à un complexe vis-à-vis de musiciens ou de chanteurs dits « professionnels »). Lorsque je lui apprends que bon nombre de chanteurs d’opéra (Puccini nous a accompagnés durant toute la soirée) ne lisent pas, apprennent par cœur, souvent même phonétiquement, il se ravise. Léo insiste sur le côté « expérience » de la chose. Afin de dissiper un dernier doute en lui, je lui ai fait écouter trois pièces que Thierry a transcrites sur ordinateur. Ça lui plaît, mais il dit, et c’est vrai, notamment pour Philippe et Jacques, que c’est difficile, ardu, je m’en suis vraiment rendu compte en accordant une oreille « objective » à la partition. Il m’a donné un accord de principe, demandé les paroles et une copie des pièces. Je lui promets de l’aider...

Copie et paroles sont prêtes. Je serais très heureux qu’il fasse ces pièces, mais je ne suis pas sûr qu’il ait la patience de supporter de longues répétitions et la contrainte d’un ou de plusieurs chanteurs avec lui. Je pense qu’il a la voix pour, ou du moins qu’il a une voix, mais est-elle suffisamment juste pour ce type d’interprétation ? Sait-il ou peut-il la poser ?

Journée passée à la frappe et au décorticage desdites pièces vocales, Philippe et Jacques, Fête-Dieu et Marietta (me manque N.D. du Carmel ; mais aussi Henri/Joël dont l’interprétation, du fait de la nature particulière de la partition, reste irrésolue). Philippe et Jacques est difficile ; mais pas insurmontable.

S’il accepte et se montre capable, il manquera encore un chanteur (encore que je n’aie pas encore l’accord définitif de Jean-Marie*). J’ai essayé en vain de contacter Thierry, et Anne. Pas de nouvelles de Valérie...

Alex n’est pas venu. Au téléphone, il m’a assuré qu’il travaillait la flûte. Mais pas ma flûte. Je le tance gentiment. « Pas de problème, je le ferai », dit-il. Il n’empêche, cela m’inquiète...

Changement dans le diagramme : à partir du 23 septembre 1994, apparaîtra le second Journal musical, celui que je tiens présentement**. En ce qui concerne Le Journal d’un homme en mai : il s’arrêtera effectivement le 24 décembre ; il prendra un autre nom en 1995, c’est-à-dire Le Journal amoureux III – authentique, du 6 janvier  au 18 juin, date à laquelle j’ai apposé le mot FIN. À partir du 19 juin, nouveau journal ; suite du précédent, mais neuf tout de même puisque V. disparaît de son titre. Je n’ai aucune idée du titre ou du caractère que je vais lui donner...

 

* je n'ai pas de trace de ma rencontre avec lui (note du 28 août 2021)

** c’est-à-dire ? (note du 28 août 2021)

 

 

26 juin

 

Ce midi, coup de fil à Thierry. Rendez-vous pris. Il a « passé » N.-D. du Carmel et Henri/Joël à l’ordinateur. J’ai hâte d’entendre ça... Le problème des voix me tracasse beaucoup. Que se passera-t-il si Antek et Jean-Marie renoncent ? (Je ne pense pas du tout qu’Antek se plie à la discipline de la partition et de la répétition)...

Coup de fil à Anne. Elle a commencé à travailler la pièce pour piano et violon (dont j’oublie toujours le titre). Je lui fais ma proposition d’enregistrement. Elle est d’accord pour voir quelques pièces dans la semaine. Nous nous fixons rendez-vous vendredi chez elle. Richard est disponible. Il n’est pas impossible que nous fassions des essais avec Mia...

Me reste à contacter André et Jean-Marie...

Marie-Noëlle aurait un problème avec son violoncelle. Cela me fait penser à une possibilité de résolution du problème Henri/Joël : le texte dit que l’un est saxophoniste et l’autre violoncelliste. N’y aurait-il pas là moyen d’associer voix et instruments pour une plus grande justesse de la pièce (cela ne résout pas le problème d’interprétation vocale – et plus précisément textuelle, puisque c’est de texte qu’il s’agit) ? ou simplement de le faire interpréter uniquement par les instruments (mais et les voix ? et le texte ?) ? Ou encore plusieurs versions ?...

 

 

27 juin

 

J’étais à Lille, c’était le jour de naissance de Fanny. Je suis passé chez Richard, puis, comme prévu, chez Marie pour lui remettre dossier et partitions. J’ai sonné, elle est descendue, je n’avais pas prévu de monter. Elle m’a proposé d’entrer un moment, puis a ajouté : « Ça tombe bien, Valérie est là. » « Valérie est là ? » J’ai hésité, ai fait semblant de réfléchir, puis : « Non, je suis pressé. Je n’ai vraiment pas le temps. Tu l’embrasseras de ma part... » Et j’ai filé...

 

 

28 juin

 

J’ai vu Antek chez Léo, lui ai remis une cassette des pièces vocales « synthétisées », puis les partitions pour les paroles. Nous nous revoyons sous peu pour en discuter sérieusement.

J’ai appelé Anne pour que nous nous mettions d’accord sur les pièces qu’elle aurait à interpréter sur le Pleyel, à savoir Didier, Thierry, Martinien et Antoine-Marie (éventuellement Anthelme, avec son curieux glissando*...)

 

 

* mesures 13 et 15 ; cela ne signifie rien pour un clavier ; qu’ai-je voulu dire ? (note du 9 septembre 2021)

 

 

1er juillet

 

Je m’aperçois que depuis quelque temps le journal est de plus en plus télégraphique. J’en ai assez des développements vains qui n’aboutissent qu’à des échecs. Et la rencontre de demain en sera encore un, à l'image de son coup de fil... La conclusion de cette histoire se fera dans un silence tacite. Demain, je ne dirai rien, ne montrerai rien ; et elle non plus, puisqu’elle n’a rien à dire, rien à montrer. Nous parlerons du projet, nous verrons les pièces et je m’en irai, comme si de rien n’était, sur un « à bientôt »... Il serait peut-être bon que j’arrête définitivement ce journal* et ne me consacre plus qu’à celui du projet ; décider que Valérie n’est qu’une musicienne et ne plus parler d’elle...

 

* j’en tenais trois en parallèle : celui dit de « notes », celui de V. qui avait fini par devenir le sien (celui de Valérie), et le dernier, celui du projet qui était essentiellement « technique » (note du 2 septembre 2021)

 

 

2 juillet

 

J’ai vu Alex pour récupérer la flûte de Didier. Il m’a promis de me recontacter bientôt pour une remise au point des partitions... Au soir, je suis passé chez Thierry. Il m’a remis la version « synthétisée » promise de N.D. du Carmel et d’Henri/Joël. Thierry est décidément très efficace, et épatant. Je lui ai proposé, pour Henri/Joël, une version « multipistes », c’est-à-dire qu’il assurerait les deux voix, Henri et Joël ; à bien y réfléchir, ce serait tout à fait adapté au texte : Henri et Joël, les deux voisins inséparables que rien ne distingue. Ça l’a enchanté et il m’a dit qu’il se mettait aussitôt au travail... Je lui ai parlé d’Antek. Puis nous avons eu une longue discussion au sujet de l’opposition interprète/chef. Je lui ai parlé de mes réticences : assurer le rôle d’un chef, rôle qu’il n’est pas dans ma nature de tenir ; de surcroît, mes difficultés à imposer des directives à des musiciens ou des chanteurs dont je requiers la participation amicale. Il me dit que c’est un faux problème ; l’interprète exige un chef et est au service du compositeur. « C’est fatal, il faudra que tu diriges et conduises... »

J’ai vu Yann (à ce propos, il joue aussi du cor anglais). Nous avons passé près de deux heures ensemble. Il est d’une infinie gentillesse. Inutile de dire qu’il accepte. Il compte me faire parvenir une cassette avec ses premiers essais, pense à un second hautboïste* susceptible d’être intéressé, puis à un corniste, à un bassoniste. Il sera disponible au mois d’août...  (Nous avons beaucoup parlé de Valérie...)

Chez Anne, enregistrement de sept pièces pour piano. J’en ai assuré deux, Pâques et Gisèle ; Gisèle doit être refaite sur un autre piano, le sien ne convient pas. C’est un Pleyel du début du siècle, au clavier exceptionnel. Anne y a joué Didier, Antoine-Marie, Thierry, Martinien. Pas plus de deux prises pour chaque. Par contre, Anthelme, plus subtile, lui en a demandé cinq. Deux erreurs de sa part se sont glissées dans la meilleure. Les erreurs ne gênent en rien la qualité et la cohérence de l’ensemble. Je suis très satisfait de son interprétation ; mais peu de la mienne : Pâques, pourtant très simple, que je joue d’ordinaire sans le moindre problème, m’a échappé. C’est médiocre... Martinien ne me semble pas non plus convenir à ce clavier. Il faudrait la refaire sur un autre... J’ai passé la soirée avec Richard et Mia. Richard m’a fait une copie de toutes les prises effectuées jusqu’à ce jour. Je l’ai écoutée attentivement. Justin ne me convainc pas ; à prévoir un montage...

Au sujet des pièces pour piano, mon impression est la même : je suis très satisfait, hormis pour Martinien et Pâques.

J’ai rencontré Antek à un mariage. Nous avons parlé de sa participation vocale. Il trouve la partie difficile, ne se sent pas capable. Je lui promets de l’aider. Nous nous verrons pour quelques essais...

Une gueule de bois d’importance ne m’a pas empêché de recopier les pièces pour piano restantes (lisiblement, cette fois ; les partitions sont décidément trop « pattes de mouches », dixit Anne), puis de transposer Achille et Igor.

Je suis aussi passé chez Didier. Je lui ai rendu sa flûte et la copie de Lieux dits qui m’a plu. Il m’a rendu Emma, dit qu’il a beaucoup aimé. Je lui en ai raconté l’histoire, lui ai parlé de mes questions liées à l’écriture et à l’influence qu’elle exerce sur moi (cf. Journal amoureux). Il n’avait pas touché à son instrument depuis des lustres, a hâte de rejouer, d’enregistrer. « Grâce à toi », m’a dit-il. Cela m’a touché...

Je lui ai promis une copie de toutes les prises. J’en ai aussi fait une pour Valérie que je vois demain pour ses pièces solo...

 

 

3 juillet

 

Après-midi passée chez Valérie. Nous avons vu ses quatre pièces : Anselme, Gilbert, Robert et Frédéric. Je suis très content du résultat, encore qu’elle ait dit qu’elle doit encore travailler Frédéric. Mercredi matin, nous les enregistrons...

À son retour de stage, fin juillet, nous passerons à Valérie ; et à Donatien, pour quatre mains, que j’interpréterai avec elle (pour je ne sais quelle raison, cette pensée me trouble)... Son piano, un Yamaha blanc, conviendra tout à fait à Gisèle et à Marina ; sans doute aussi à Amandine. Je lui en ai fait une démonstration un peu laborieuse, mais somme toute encourageante. C’est du moins ce qu’elle m’a affirmé. J’aimerais bien la croire, ne suis pas sûr du tout d’y parvenir un jour, c’est techniquement très difficile pour moi. Mais j’aimerais bien, ne serait-ce que pour ma satisfaction personnelle (et la sienne aussi, peut-être)...

Demain, je revois Jean-Marie pour lui remettre une cassette et les partitions. Puis, au soir, Antek...

À contacter Marc, Christelle, Marcelle pour Igor ; puis Bernard et Anne pour Raoul. Ce sera peut-être l’occasion, pour les uns et les autres, d’exécuter leurs pièces solos respectives...

 

 

4 juillet

 

Nous nous sommes vus pour le « travail ». À un moment donné, en énumérant les pièces qu’elle aurait à interpréter, j’avais parlé du piano. « Ah oui, il y a celle du 28 avril », a-t-elle dit. « Valérie », ai-je précisé comme si elle ne le savait pas. Et elle s’est exclamée : « C’est vrai. Comment j’ai pu l’oublier ?... »

 

 

5 juillet

 

Aujourd’hui, Richard et moi étions chez Valérie pour lenregistrement de ses quatre pièces pour contrebasse, Anselme, Robert, Gilbert et Frédéric (que des hommes, tiens donc). C’est Richard qui s’en est chargé. Tout s’est bien passé, dix prises en une heure trente, je suis très content. Plus que quatre-vingt-quatre pièces...

J’étais tendu. Il y a eu plusieurs regards appuyés entre nous deux, mais je n’ai rien à en dire... L’impression de cette espèce de « maturité » que j’avais constatée chez elle la dernière fois s’est confirmée. Elle avait l’air en forme, je l’ai trouvée particulièrement belle, je ne suis pas loin de vraiment tomber amoureux d’elle. Mais je renonce.

Elle part cet été pour le sud, un stage ou deux, je ne sais plus, des vacances chez des amis. J’ai renoncé au cadeau que je comptais lui faire avant son départ.

J’ai repris la cassette des premières prises que je lui avais remise la dernière fois pour y ajouter celles d’aujourd’hui. Jy avais vu un prétexte pour la revoir, mais je pense que je la déposerai simplement dans sa boîte avec un mot…

Richard part le vingt pour revenir vers la mi-août ; cela signifie trois semaines pleines sans enregistrement puisqu’il emporte son D.A.T...

(C’est aujourd’hui le jour de naissance d’Olivette, je ne le lui souhaiterai pas…)

L’enregistrement s’est fait dans sa chambre, à cause du bruit de la rue...

 

 

9 juillet

 

J’ai vu Marc et Christelle pour leur remettre les versions transposées d’Igor et d’Achille. Nous avons pris rendez-vous pour l’enregistrement d’Igor chez Richard.

Coup de fil de Richard, il sera pris ; il propose le lendemain, je vais devoir rappeler Marc et Christelle... Au soir, je suis passé chez Alex. Nous avons vu, mesure par mesure, Landry. C’est laborieux, mais je pense qu’il finira par s’en sortir. Il est appliqué et, ça ne gâche rien, joue toujours aussi bien. C’est un excellent flûtiste…

Il y a une heure, Anne m’a appelé pour que nous fixions des rendez-vous. Je dois aussi appeler Bernard et Aiko, puis Fanny pour la possibilité d’utiliser leur Érard.

(J’ai laissé un message à Olivette pour lui souhaiter un bon anniversaire…)

 

 

11 juillet

 

Embrouillamini. Les choses se compliquent, en ce sens qu’au-delà de deux personnes, il n’est pas facile de réunir les gens. Bernard n’est pas disponible avant le 17, alors qu’Anne ne l’est plus à partir de cette date ; Aiko part pour le Japon où la rejoindra Bernard. Bref, nous nous revoyons en septembre... Richard n’est pas disponible le 14 pour Igor. Didier, Marcelle, Christelle et Marc le seront-ils le lendemain ?... Jeudi, nous parviendrons tout de même à enregistrer quelques pièces sur l’Érard de Léo. Ce seront les seules jusqu’au retour de Richard, le 15 août…

 

 

13 juillet

 

Enregistrement de six pièces pour piano chez Léo (absent, il nous a laissé la clef)... Anne n’était pas très en forme, était contractée et a avoué qu’elle n’avait pas beaucoup travaillé. Mais, en une heure de temps – Richard était pressé –, nous sommes parvenus à enregistrer six pièces, dont trois de celles qui me revenaient : Judith, Prudence et Clotilde (je n’ai plus le souvenir des pièces d’Anne*)...

Au soir, chez Pacôme – représentation finale de Transport de Philoxène –, j’ai vu Didier (qui a écrit des textes pour l’occasion). Je lui ai remis sa cassette, plus la partition d’Igor que nous devons enregistrer chez Richard lundi dans l’après-midi. J’y ai fait la connaissance du frère de Didier… J’ai appris que Pacôme avait été l’ami de Valérie et qu’ils venaient de se séparer… Quand il a su qui j’étais – nous étions encore dans son atelier –, il m’a dit : « J’ai beaucoup entendu parler de vous. » Quelques minutes plus tôt, il m’avait tutoyé ; ou alors, ce « vous » incluait d’autres personnes, car il a ajouté, avec une sorte de réserve craintive : « C’est toi qui travailles avec Valérie, Anne, Marie-Noëlle... » 

Il était manifeste que je l’intéressais et l’intriguais. J’ai senti qu’il avait envie de faire connaissance, mais n’osait pas, ou ne savait comment s’y prendre, et j’ai été sûr qu’à un moment ou un autre il se rapprocherait.

C’est arrivé plus tard, dans la rue, alors que nous allions tous prendre un verre. J’étais sur le côté, il s’est approché de moi, m’a posé quelques questions au sujet de mes compositions, des musiciens que j’employais ; il a de nouveau mentionné Valérie. J’ai répondu très évasivement ; puis nous avons été interrompus et ça s’est arrêté là. Chez Richard, je me suis retrouvé à côté de lui, je ne lui ai pas adressé un mot et ai de nouveau senti chez lui le mélange de la crainte et de l’envie d’en savoir davantage sur moi. À un moment donné, il m’a même fixé du regard, regard que j’ai soutenu durant un temps. Je me suis demandé quelles avaient été ses relations avec Valérie, comment s’était passée leur séparation ?... Au moment de son départ, il m’a chaleureusement serré la main en insistant sur mon prénom… (J’ai repensé aux paroles d’Aurélia…)

 

* en réalité, Anne en a joué quatre (donc sept au total et non six) : Martinien, Honoré, Pierre et Paul et Ulrich (note du 28 août 2021)

 

 

14 juillet

 

Repas chez Anne et Olivier, avec Didier, son frère, Mia, Philoxène et l’une de ses danseuses attitrées que j’ai vue dans deux de ses chorégraphies. Je pensais que Pacôme y serait et que j’aurais pu rattraper le coup de la veille. Il n’y était pas... Je n’ai pas encore véritablement fait connaissance avec Philoxène, le chorégraphe « abscons » ; petit, sec, brun, pas bavard, d’apparence peu commode. Quelques parties de tarot ont permis de nuancer cette dernière impression...

J’ai appris que le lieu de cœur – sujet des Lieux dits – de Didier et de son frère est un village de l’Ardèche, nommé Montselgues : c’est à cinq kilomètres de St Laurent-les-Bains*... Nous avons parlé de la région, ça m’a donné l’envie d’y retourner...

 

* j’y avais fait une cure deux ans auparavant (note du 3 septembre 2021)

 

 

15 juillet

 

J’ai achevé la frappe de la totalité des journals entre le 11 avril et le 25 juillet, exception faite de ceux de cette année auxquels il manque encore dix jours. À ce moment-là, le « vrai » travail commencera, c’est-à-dire tout relire afin d’en tirer le jus qui donnera naissance au livret. J’attends le déclic qui mettra en ordre toutes mes idées pour l’heure floues, disparates et empreintes de beaucoup de perplexité...

Je consulte la partition d’Igor, et j’ai peur. Ce jeu sur l’intervalle de seconde entre deux* instruments me paraît très périlleux. Je crains que ça ne grince...

 

* non : quatre (28 août 2021)

 

 

16 juillet

 

Notes à reporter dans les esquisses du livret :

- présence de la médecine sur la scène, dans l’histoire : elle mentionne sa tentation de la marginalité (Nadège qui parle de son frère). Je lui dis alors (mon substitut sur scène) : « Il n’y a pas davantage de marginalité que de normalité. Il n’y a que des regards. » J’ajoute : « Il y a art dans regard... »

- le narrateur se plaint fréquemment et silencieusement de maux imaginaires.

- après le prologue « le plus grave » et avant la première pièce (Pâques, 11 avril) : un premier récitant côté jardin : « En ce dimanche de Pâques de toutes les années de tous les mondes de toutes les humanités depuis l’aube des temps jusqu’à la fin des siècles, il ne se passe rien... » Côté cour, un second récitant dit en écho le même texte en italien.

J’ai vu Alex pour un nouveau déchiffrage des partitions. Au bout d’un moment, il me dit : « Ça ne serait pas plus simple si tu la faisais transcrire par ordinateur. Je n’aurais plus qu’à l’apprendre par cœur... » Ce serait en effet beaucoup plus simple. Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ?

Je suis vraiment très curieux, et impatient, d’entendre Igor

 

 

17 juillet

 

Igor, enfin, chez Richard, aujourd’hui, dans la pièce centrale du bas fraîchement repeinte, bleu nuit des murs et du plafond, brun des boiseries et du parquet, Didier H. au ténor, Marcelle à la clarinette, Christelle à la flûte, Marc au trombone. Dès la première mesure, je souffle : accord des timbres, harmonisation juste, je sais qu’Igor va « passer » et me plaire... Pourtant, il faudra près d’une dizaine de prises pour aboutir à un résultat correct. La mise en place, la cohésion de l’ensemble sont délicates pour cette pièce qui, quoique simple, requiert une parfaite synchronisation, notamment à cause de la succession des triolets et de la lenteur du tempo qui les rend plus difficiles à exécuter. Marcelle a demandé un chef, elle a proposé que je m’en charge. Bêtement, j’ai refusé, alors que c’était l’occasion de m’y mettre – mais je n’ai jamais fait cela de ma vie. Richard a battu la mesure tout en s’occupant du son.

Il a fallu une heure et demie pour mettre ces prises en boîte. Je les écouterai demain...

Igor est la dernière pièce enregistrée avant le départ de Richard, à moins que, pour quelques pièces (je pense à Aurélia, par exemple, qui sera disponible à partir du 20 juillet, et à quelques unes de mes propres pièces au piano), je n’utilise mon A77...

Après la séance, et pour célébrer cette journée – et tous les remercier, c’est le moins –, champagne et clafoutis aux cerises, celles de l’arbre sous lequel j’ai tant lu à Billy*...

J’exécuterai Jean-François Régis sur la Gretsch d’Alex**, que j’enregistrerai ici même...

Marc veut bien se charger de la « synthétisation » de Christine et de Landry pour Alex.

Idée pour Blandine, pièce délicate : la transformer en pièce pour deux mains : main gauche, main droite, pour deux exécutants. J’en parlerai à Valérie à son retour...

(Je me suis endormi avec l’image de sa main et de la mienne sur le clavier se rapprochant petit à petit l’une de l’autre jusqu’à la note centrale et commune où elles se touchent – ou non…)

 

* c’était ma période clafoutis

** je n’ai pas le moindre souvenir de cette guitare, ou, pour le moins, qu’il me l’ait laissée, et il me semble bien que j’avais utilisé ma propre Les Paul (notes du 28 août 2021)

 

 

18 juillet

 

Que fait-elle ?... C’est l’aube et, depuis une demi-heure, je suis pris de la certitude que cela ne marchera pas. Cela m’a pris d’un coup, sans raison précise, alors que je terminais de recopier la ligne de contrebasse dans Jour du souvenir...*

 

* je n’ai pas la moindre idée de ce dont il s’agit (28 août 2021)

 

 

19 juillet

 

À six jours du terme de la « tranche », j’ai entamé la lecture des journals imprimés. Je suis extrêmement séduit par l’effet que produit cette succession de faits, de réflexions, de mots issus d’années différentes mais rapportés à un même jour. J’ai l’envie furieuse de tout faire publier, intégralement... Quant à l’idée à en tirer – que faire de tout ça, comment construire un livret avec ça ? –, je suis dans la confusion la plus complète. Sans compter la perplexité. Dans quoi me suis-je aventuré ?...

 

 

20 juillet

 

Poursuite de la lecture de Journals. Rien ne se dessine. Je m’inquiète. Quel jus va-t-il sortir de ce fatras ? J’attends une clef, un indice qui me permette de trouver la ligne directrice. En tout état de cause, je pense que je ne vais pas y inclure le Journal amoureux et que tout tournera autour de l’histoire de la Rue...

Je serais assez tenté par une étape transitoire, entre l’enregistrement du Journal musical et son accomplissement sur scène sous la forme d’un « opéra ». Mais quel sens donner à l’exécution intégrale des quatre-vingt-quinze pièces face à un  public ?...

 

 

25 juillet

 

Dernier jour de la tranche... Je suis tout à la lecture des journals. J’ai dressé un synopsis de la totalité de la tranche, et je m’interroge ; attends le déclic... Idée : conserver toutes les partitions du Journal musical et écrire la musique additionnelle de sorte qu’elle soit le lien entre chacune d’elles ; c’est-à-dire considérer chacune des partitions comme une pièce inachevée et en poursuivre l’écriture qui, dès lors, « ira chercher » le début de la suivante. Aboutir ainsi à une unité d’ensemble... Il ne devrait pas y avoir d’autres musiciens que ceux nécessaires à la réalisation du Journal musical. Quant aux chanteurs, le problème reste posé, car en plus des récitants, représentants des deux principaux protagonistes (elle et lui, c’est-à-dire l’aimée et moi –et je dois donc sans doute prévoir une récitante), il y aura des comédiens et des chanteurs, autres personnages de l’action sur scène (mais en vérité que des chanteurs qui, évidemment, peuvent jouer la comédie, et, en règle générale, ils le font très bien, et souvent mieux que lesdits comédiens dépourvus de voix)... À propos de personnages : chaque pièce serait « illustrée » par le texte correspondant de la Rue V., en tout ou en partie. C’est du moins l’idée, car dans la pratique, ça tient de la gageure : plus de quatre-vingt personnages et une multitude de décors différents. Comment résoudre cela ? (Un même comédien/chanteur peut tenir plusieurs rôles, mais tout de même...) Reste d’autres personnages, que j’appellerai « principaux » ; ils évolueraient autour de « moi » et de « l’aimée » (encore que celle-ci n’ait qu’un rôle passif, muet, simple présence, fantomatique, éthérée, apparition) ; par exemple : le médecin ; ou un ami ou deux...

Valérie devrait rentrer à la fin de cette semaine. Je me demande si je ne vais pas procéder à quelques enregistrements avec elle avant le retour de Richard... Il faut que je contacte Aurélia qui pourrait également faire ses pièces solo, chez Valérie par exemple. Tout regrouper en une après-midi... (Je m’aperçois que j’ai hâte de la revoir…)

Penser à me servir des livres lus durant cette période. Y prélever des passages, des phrases, dont les journals d’autres, ceux de Van Gogh et de Renard, par exemple, et plus précisément, considérer les jours concernés, c’est-à-dire ceux de la tranche : le 28 avril, c’est tous les 28 avril, les « miens » comme ceux des autres, et par conséquent eux... Idée intéressante. À approfondir...

Coïncidences des prénoms : Jules, le veilleur de l’hôtel de la rue V. et Renard, par exemple. Y a-t-il là matière à quelque chose ? À suivre…

 

 

26 juillet

 

Coup de fil de Marie Chastang qui m’appelle de Bretagne. Elle prend des nouvelles. Nous nous revoyons fin août... Elle n’a pas oublié, cette conscience l’honore et me réchauffe...

 

 

27 juillet

 

J’ai enregistré « ma » pièce pour guitare, cette chose innommable dont j’ai certainement dû jeter les notes en vrac sur le papier pour obtenir un si piètre résultat. Je l’ai enregistrée tout de même, sur ma propre Les Paul (impossible à exécuter sur une acoustique à cause des notes trop dans l’aigu – mi, sol de la fin). C’est désastreux ; pas tant l’interprétation que le son qui est tout simplement abominable : prise directe sur table qui, pourtant, d’ordinaire, donne d’assez bons résultats. Je vais devoir me résoudre à utiliser un ampli, celui d’Alex, par exemple...

Quelques idées me sont venues en réécoutant Lundi de Pâques :

- début de Pâques sur le « il ne se passe rien... » « non capita niente » des récitants. Sur l’ad lib en decrescendo, diffuser Lundi de Pâques en crescendo ; la scène commence alors à s’animer (mouvement, installation des premiers personnages, par exemple). L’un des récitants dit la citation de Renard au sujet de l’âme (cf. 25 juillet), le second conclut par « certo », auquel le premier répond « sicuramente »*...

- début d’Ida, violon solo...

- après Guy, transition avec la contrebasse qui reprendra le thème de Barre Philips, ou celui de la guitare en vitesse inférieure tout à la fin (ou les deux, pourquoi pas)**…

 

* « certo », « sicuramente », c’était un jeu entre Richard et moi (note du 28 août 2021)

** je ne vois pas de quoi il s’agit (28 août 2021)

 

suite

retour