(Depuis un mois repose près de la radio BBC un exemplaire « économique » des Jeunes filles en fleur, acheté pour la marcellothèque et sa petite histoire. De temps à autre, au passage, je l'ouvre au hasard et en lis un fragment, un paragraphe, une page ou deux, à voix haute. Je me demande à l'instant s'il ne s'agirait pas là d'une bonne recette de lecture... À expérimenter...) Expérimentation immédiate sur le Truffaut : « Cette puissance des femmes fait ressortir avec un relief accru la timidité maladive du pianiste, compagne de sa peur. » p. 63. Ou : « Ce n'est pas seulement Marion qui représente dans le récit une instance maternelle puissante et énigmatique, mais l'espace entier du théâtre. » Et : « Ce qui rend Marion si inquiétante, c'est que l'identité du père demeure aussi longtemps incertaine dans le récit. » p. 103. Ou : « À tort ou à raison, on s'indignera que le processus infantile chez Doinel ne soit pas le répondant voire la réponse aux accents délétères et équivoques de la recherche de Davenne, de toute évidence en quête d'une identité paternelle à affirmer. » Celle-ci est de moi... Et encore, p. 166, pur hasard : « Cette figure paternelle est pleine d'ambiguïté et la loi arbitraire qu'elle exerce reste mystérieuse. » Je ne puis qu'y souscrire et me faire fort d'ajouter : « Seulement, c'est compter sans la curieuse figure emblématique à plus d'un titre du père présumé, on ne peut en douter de l'enfant de Marie-France Pisier, enfant qu'il nous présente avec tout l'attrait, et toute l'aversion aussi bien, que peut susciter un ponte en manque de malversations à accomplir : cet enfant, c'est celui conjugué du cinéma et de la libido trépidante (et c'est ainsi que se féminise ponte : du ponte, l'on passe à la ponte, et les chevaux sont bien gardés)... » Enfin : « L'Histoire d'Adèle H. offre un tableau clinique tellement étonnant de précision de ce que l'on appelle depuis Lacan la forclusion de la métaphore paternelle , qu'on peut se demander si Truffaut ne passait pas plus de temps plongé dans la lecture de textes psychanalytiques qu'on ne le penserait... » J'avoue que j'en reste sans voix...
26 décembre 1996