Je suis à la caisse de la Belette. La dame qui me
suit pose un livre sur le comptoir à côté de mon paquet d’enveloppes. J’y jette
un œil : Marie, ma fille de Nadine Trintignant. Je n’en crois pas mes
yeux et, comme pour chercher une confirmation (ou une infirmation), je lève le
regard sur la dame. Elle regarde ailleurs. Je ressens immédiatement de la
colère, puis de l’apitoiement, à la fois pour l’auteur et pour cette lectrice,
toutes deux prises dans le filet de l’émotion gauchie et travestie. Si j’avais
été le père, j’aurais agi de la même manière, aurais publié un livre, mais à un
seul exemplaire et vendu trois millions d’euros ; ou alors j'aurais mis le texte
en ligne ; ça aurait été plus propre ; et puis, c’est fait pour cela, après
tout…
8 octobre 2003